David Mamet ressemble à ses récits gigognes où l’on finit par ne plus savoir que croire. Derrière ses allures d’intello juif new-yorkais, c’est un flambeur qui traîne la nuit de billards en pokers. Son CV est une liste interminable : agent immobilier, routier, vendeur de tapis, laveur de carreaux, marin... Et au théâtre : ouvreur, régisseur, balayeur, eclairagiste, metteur en scène, acteur... et « mari d’une actrice », précise-t-il comme pour boucler la boucle.
Un point noir sur la liste : scénariste hollywoodien.
Ses succès — Le facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson, Les Incorruptibles de Brian de Palma, Le Verdict de Sidney Lumet — lui laissent un goût amer. Le voici dès lors réalisateur, bien décidé à travailler pour son compte, avec « sa bande » : ses vieux copains, son père, sa femme, l'ancienne baby-sitter de sa fille...
Son premier film sort en 1987 : Engrenages. En version originale : House of Games, maison de jeux une maison symbolique où tout le monde bluffe et manipule son prochain. Pour David Mamet, le cinéma comme la vie elle-même est une partie de cartes. Avec ses règles, ses hasards... et ses arnaques.
D’abord et surtout, se méfier des mots. On demande un « service » au héros de La Prisonnière espagnole, et c’est le début du cauchemar. La « confiance » ? Un leurre. Rien n’est moins sûr que le langage. Pierre Laville, traducteur et ami de l'auteur, a ainsi commencé un « dictionnaire Mamet » dans lequel il a répertorié plus de trois cents sortes de fuck, shit et autres idiomes aux nuances aussi subtiles que leur sens est grossier.
Margaret, la psychanalyste d’Engrenages, se piège malgré elle en prononçant par erreur "pressure" (pression) au lieu de "pleasure" (plaisir). Et toute sa vie bien réglée se détraque.
Ensuite, bien sûr, se méfier des apparences. Trompeuses, comme il se doit. Dans Parrain d un jour (1988), son deuxième long métrage, un vieux cireur de chaussures est pris pour un chef de la mafia. Morale de l’histoire : les gens vous aiment moins pour ce que vous êtes que pour celui qu’ils imaginent. David Mamet se fait donc fort de rester insaisissable.
Comme pour mieux brouiller les pistes, le cinéaste a signé ces dernières années des oeuvres curieusement si faibles, parfois non diffusées en France, que l'on ne sait, au fond, s'il en est vraiment l'auteur. Encore un truc ?
Philippe Piazzo