On le croit brésilien mais Hector Babenco est né en Argentine, en 1946, de parents juifs immigrés de Russie et de Pologne. Il a à peine vingt ans qu'il se met à voyager intensément : en Europe, en Afrique... avant d'élire domicile à Sao Paulo et de devenir citoyen de ce pays.
C'est au tout début des années 70 qu'il découvre et se passionne pour le cinéma. Il tourne quelques longs métrages dès 1973 (dont Lucio Flavio, grand succès dans son pays) mais c'est en 1981 qu'il se fait remarquer avec Pixote, la loi du plus faible. Ce portrait choquant, dans un style documentaire, des conditions de survie d'un enfant des rues, fait le tour du monde. Tourné avec des amateurs (le petit garçon, héros du film, a lui-même affaire avec la drogue, la prison et la prostitution), Pixote devient un film de référence sur la réalité noire du pays.
Le film suivant de Hector Babenco, tout en intérieur et en décors stylisés, est adapté d'une pièce de théâtre, Le Baiser de la femme araignée, et confirme sa place très singulière dans le panorama du cinéma latino américain. Nominé quatre fois aux oscars, il voit William Hurt, dans le rôle d'un homosexuel flamboyant, remporter le prix du meilleur acteur au festival de Cannes en 1985.
Hector Babenco est alors happé par Hollywood où son style ne correspond pourtant gère aux productions courantes nord américaines. Il en résulte des films hybrides qui laissent une impression de confusion quant au travail personnel du réalisateur : Ironweed, portrait de deux paumés, offre surtout à son couple de stars, Jack Nicholson et Meryl Streep, l'occasion de cabotiner... et d'être chacun nommés, eux aussi, à l'Oscar du meilleur interprète. Puis, c'est une production beaucoup plus inspirée, mais qui passe hélas complètement inaperçue : En liberté dans les champs du Seigneur avec Tom Berenger et Kathy Bates, en expédition mystique dans la jungle.
A la fin des années 90, Babenco est victime d'un cancer du circuit lymphatique. Il se croit perdu lorsqu'une greffe de moelle osseuse lui sauve la vie. Ces circonstances dramatiques, et presque "miraculeuses" à ses yeux, font naître le scénario étrange de Coeur allumé, où les souvenirs personnels se mêlent à une inspiration lyrico-romanesque foisonnante et curieuse ! L'accueil est très réservé lors de sa présentation officielle au festival de Cannes 1998 et le film met plus d'un an à sortir en France.
Plus classique, Carandiru (2003), lui aussi présenté en compétition officielle du Festival de Cannes, renoue avec l'inspiration sociale et dénonciatrice de ses débuts, dressant un constat amer et violent des prisons au Brésil. Babenco tend ainsi un nouveau miroir sans complaisance à ses contemporains sur le monde tel qu'ils s'obligent à le vivre : avec inhumanité.
Son dernier film, My Hindu friend, sorti en 2015 au Brésil, s’inspirait de sa propre vie à travers un personnage de cinéaste touché par la maladie, interprété par l’acteur américain William Dafoe. Hector Babenco a finalement été vaincu par le cancer et est décédé 13 juillet 2016 à Sao Paulo.
Philippe Piazzo