Parti se marier en Espagne en 1980 (sa femme est originaire de Barcelone), Stillman fut engagé par un groupe de producteurs-réalisateurs espagnols afin d’assurer la vente et la promotion de leurs films. Amusés par son espagnol quelque peu chancelant, ceux-ci lui firent jouer le rôle de l’« américain crétin » dans plusieurs de leur comédies. C’est après avoir travaillé sur la comédie Skyline - une production indépendante sur les Espagnols de New York - que Stillman fut convaincu qu’il pouvait à son tour produire et réaliser un film pour un budget très raisonnable.
Mais, en 1984, il dut reprendre avec sa soeur une petite agence fondée par son oncle, et représentant des dessinateurs et illustrateurs aussi célèbres que Sempé et Pierre Le-Tan (créateur de l’affiche de Metropolitan) et rentra à New-York. J’ai été très influencé par cet univers, par l’humour très particulier de des artistes qui parviennent à être drôles, loufoques sans jamais se montrer cruels ou méprisants envers les personnages croqués. Fervent admirateur de Jane Austin, J.D Salinger, F. Scott Fitzgerald, Evelyn Waugh, Balzac et Tolstoï et déclarant qu’il y a plus de héros dans la littérature que dans le cinéma, il commença à cette époque l’écriture de son scénario. Ce sont les premières comédies de Jim Jarmusch, Spike Lee et Bill Forsyth qui suscitèrent en Stillman le désir de faire un film situé dans ce créneau de production, mais avec un sujet et un traitement radicalement différents. Il découvrit avec plaisir un nouveau langage à travers lequel s’exprimer après s’être senti longtemps bridé par les impératifs logiques du journalisme.
Metropolitan connaît un haut succès d’estime dans les festivals internationaux en cumulant – comme cela se faisait à l’époque - les plus grandes sélections : Sundance, Quinzaine des Réalisateurs, Locarno - dont il repart avec le prestigieux Léopard d’Argent. Ce succès lui accorde les faveurs des studios et lui permet d’enchaîner rapidement sur un second opus intitulé Barcelona, nouvelle comédie de moeurs inspirée de ses tribulations personnelles, marquant le mariage singulier, raffiné mais tortueux de ses deux amours : l’Amérique et l’Espagne. Il y retrouve ses comédiens Taylor Nichols et Chris Eigeman aux côtés de Mira Sorvino.
Dans Les Derniers jours du disco, Stillman revisite la fin d’un mouvement dans une réplique du mythique Studio 54 new-yorkais. Il introduit à son cinéma l’égérie du cinéma underground américain Chloë Sevigny et donne à l’actrice britannique Kate Beckinsale son premier rôle américain. Le film séduit le Festival de Rotterdam et impose Whit Stillman comme un cinéaste générationnel et culte de cette fin des années 90. Un statut qui ne s’est pas démenti, quatorze ans plus tard, lorsque Damsels in distress a les honneurs d’une sélection en clôture de la Mostra de Venise.
Toujours aussi pop et désormais intergénérationnel, Stillman s’entoure d’Adam Brody et amorce l’ascension de la nouvelle figure du cinéma indépendant américain Greta Gerwig, qui explose l’année suivante dans Frances Ha de Noah Baumbach. Ce cinéaste érudit, touche-à-tout et francophile a finalement posé sa caméra à Paris cette année pour le tournage du pilote d’une série intitulé The Cosmopolitans, où il retrouve Adam Brody et Chloë Sevigny, réunis au coeur de mésaventures culturelles et sentimentales.