" ... les effets dramatiques sont aussi violents que prévisibles et les comédiens se soucient avant tout de se faire comprendre. Il n'y a guère de mystère ici, mais c'est peut-être aussi bien : il s'agit de mettre au jour tout ce que les hommes veulent cacher de la vie quotidienne. Si Femmes du Caire se résumait à cette démarche pédagogique à l'usage du plus grand nombre, ce serait déjà un film passionnant, et pas vraiment manichéen. Nombre de personnages masculins, à commencerpar Karim, le fringant époux d'Hebba, semblent aussi prisonniers des contraintes sociales, politiques ou religieuses que le sont les femmes, même s'ils bénéficient d'un régime de faveur.
Femmes du Caire est aussi un beau film de cinéma (...) Yousry Nasrallah joue délibérément avec les codes de la fiction populaire sans renoncer à la vigueur de son expression de cinéaste - c'est vrai tout au long du film, et particulièrement dans l'histoire centrale.
C'est la seule à être située dans un milieu populaire, et elle met en scène trois soeurs orphelines que les règles sociales empêchent de vivre en paix (...) Leurs efforts désespérés pour se sortir de ce piège font la trame d'un récit très noir, une version méditerranéenne d'un roman de James M. Cain, où le patriarcat remplacerait le règne de l'argent. L'interprétation de ce segment est plus intense qu'elle ne l'est dans le reste du film, et Yousry Nasrallah trouve un rythme plus ample, plus sensuel pour mettre en scène ce drame aussi intense que bref.
Un dernier mot sur la moderne Schéhérazade. Le personnage est plus qu'esquissé, et Mona Zaki maîtrise tous les artifices de la séduction télévisuelle. Elle en fait aussi une figure tragique, condamnée non seulement par sa condition de femme dans un pays où celle-ci se voit sans cesse contester sa place dans la vie publique, mais aussi par sa condition - beaucoup plus universelle - de star éphémère.
Femmes du Caire est aussi une étude des formes que prennent, sur les bords du Nil, les rapport pervers entre télévision et réalité."
Thomas Sotinel
