David Gordon Green, un prince au pays des cowboys
VIDEO | 2013, 13' | Ces dernières années le réalisateur texan s'est surtout illustré avec des comédies grand publi1
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Lorsque l'oncle Deel qui sort de prison revient s'emparer de l'héritage familial et assassine leur père, Chris et Tum n'ont que le temps de s'enfuir avec l'or..
John Munn, fermier et taxidermiste, élève seul ses deux fils, Chris et Tim, dans une maison isolée au fond de la forêt. Chris, l'aîné, qui doit accomplir plus de tâches que son frère maladif, rêve d'échapper à cette existence. L'arrivée inopinée de leur oncle Deel, tout juste sorti de prison, bouleverse enfin la routine de la maisonnée. Le frère de John, revenu pour s'emparer de l'héritage familial, fascine les deux adolescents. Il assassine John afin de prendre le sac d'or, mais ses neveux, témoins du meurtre, parviennent à s'échapper en emportant le trésor. Au cours de leur fuite, les deux frères vont se découvrir et rencontrer une communauté de jeunes vivant en marge. Chris y rencontre l'amour mais les deux jeunes doivent fuir à nouveau car Deel s'est lancé à leur poursuite.
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On pourrait dire que L'Autre Rive est la version au sprint et dans les bois, la version profuse et enchantée de Gerry. Deux film
On pourrait dire que L'Autre Rive est la version au sprint et dans les bois, la version profuse et enchantée de Gerry. Deux films sur l’endurance et la fraternité. Ils partagent une image : l’intensité muette de deux garçons assis autour d’un feu la nuit.
Tout aussi solitaire et tout aussi euphorique, l’exploration formelle est traversée chez David Gordon Green par des crises qui sont autant d’éclairs. Crises qui peuvent se réduire au trait marqué par un zoom rageur, ou au comique d’une phrase sibylline : « Je classe mes livres en fonction de leur odeur. » Crises parfois longues, qui ne se résolvent alors qu’en une dépense totale. Dépense d’argent quand au terme d’une dernière course Chris jette toutes ses pièces d’or dans le fleuve. Mais aussi dépense physique, carburant du film dès le prégénérique.
Poursuivi par le père de sa petite amie, Chris détale dans une campagne idyllique. Il grimpe sur un toit, saute, pousse un hurlement : il vient de se planter dans le pied un clou énorme, il continue de courir, la planche accrochée à la patte. Flamboyante, cette scène révèle bétonnante plasticité de la mise en scène, capable de mettre une orgie d’effets (surimpressions, zooms, ralentis, images arrêtées, points de vue incongrus. ..) au seul service d’un galop s’inscrivant dans une nature habitée.
Le calme succède à l’exubérance, L’Autre Rive balance entre sagesse et férocité. Mais ce qui ne bouge pas, c’est la transparence poétique de ses personnages. Transparence unifiant la matière hétérogène d’un film hanté par les mythes et les récits primitifs ; et qui permet de prendre en charge le dialogue avec un « grand classique » (La Nuit du chasseur) en l’articulant à un inconscient aussi chargé que dans le plus atteint des David Lynch.
Quelque part dans le Sud des Etats Unis, un empailleur, John (Dermot Mulroney), vit en ermite dans une bicoque au milieu des bois avec ses deux fils, Chris (Jamie Bell) et son petit frère maladif Tim (Devon Alan). Débarque un oncle, Deel (Josh Lucas). Fâchés depuis que John lui a fauché sa femme - la mère des enfants, morte entretemps - les deux frères se réconcilient. Deel s’installe. Présence de plus en plus hostile, il va cuisiner les enfants pour trouver le trésor, ersatz de la mère, collection de pièces d’or que John aurait dû partager avec lui. Vous connaissez la suite : Deel tue John, les enfants se sauvent in extremis. La deuxième partie retrace leur fuite vers le Mexique par les bois et les villages.
Comparé aux autres, Deel est un personnage unidimensionnel : c’est une des originalités de L’Autre Rive de réintroduire la figure du méchant, pur et dur, celui dont plus personne ne semble vouloir aujourd’hui. L’identification du mal a au moins deux fonctions pour Green : l’une est poétique, et l’autre, doublure chaude de la première, psychanalytique. Bien que celle-ci soit secondaire, sa visibilité exige de commencer par elle.
A quoi sert donc le méchant ? Au moins à détourner d’un plus gros problème. Pour le comprendre, il faut revenir à La Nuit du chasseur. Quelle différence entre les deux récits ? Lillian Gish n’existe plus ; la petite fille devient un petit garçon, et la mère un père viril, cool (la pipe, les bottes), veuf. Il est permis de voir ce changement de sexe comme une expulsion du féminin. L’équilibre du film de Green repose sur trois couples masculins et dissymétriques.
1. Les deux enfants, dont l’un, Chris, est en pleine forme, alors que l’autre,Tim, souffre d’une « anxiété pathologique » qui lui coupe l’appétit sauf pour ce qu’il trouve par terre à ses pieds, maladie dont Chris dira laconiquement que « c’est à cause de l’infini ».
2. Les deux frères adultes, l’un mauvais, l’autre ambigu.
3. Le duo constitué par ces deux paires. Les connotations érotiques et incestueuses de cet ensemble sont manifestes. Liés par un rapport d’inceste au second degré puisqu’ils ont partagé la même femme, les deux frères adultes forment un inquiétant couple parental. Celui des enfants ne l’est pas moins. « Est-ce que je peux mettre mon doigt dans le trou de ton pied ? » L’air de sobre innocence avec laquelle Tim pose cette question à son frère après l’accident du clou renvoie le charme de la scène à celui des rêves. Leur beauté, c’est bien cette truculente obscénité dont personne n’est responsable.
Ce qui reste des femmes ? De la mère, deux répliques. Tim : « Elle était belle maman ? » Chris : « Pas mal pour une mère je suppose... Mais elle avait une sorte de moustache . » La fille jolie dont Chris est amoureux disparaît aussitôt, masquée par son père brandissant un fusil. Plus tard, un couple de paysans recueille Tim et Chris. En plein milieu du premier repas la femme éprouve le besoin d’étaler sa stérilité (« Vous savez, on ne peut pas avoir d’enfant »).
Les autres femmes croisées, une villageoise aux dents gâtées, une voleuse évacuée sans scrupules, ne réhaussent pas le tableau. Un plan résume la phobie de la sexualité qui est ici à l’œuvre : à droite, le pur visage de Tim, à gauche, la gueule ouverte d’un chat empaillé - sorte de vagin denté, expression muette de son effroi. Ni misogyne, ni homosexuelle, cette hantise, c’est le rêve cruel de l’enfance éternelle. Et le fleuve où Chris vide le contenu de sa bourse, c’est celui dont parlait son père, un fleuve qu’il faut passer, non pour accéder au royaume des morts, mais pour devenir adulte.
On pourrait poursuivre sans fin l’exégèse de ce texte obscur et limpide de l’inconscient. On en oublierait l’essentiel. Revenons à la fonction poétique du méchant : elle est de délivrer les personnages de l’opacité - si leurs instincts sont si visibles, c’est du fait de cette transparence essentielle, apte à réconcilier la fmitude des appétits avec l’infini de l’humain.
La liaison entre innocence et sauvagerie s’accompagne d’un mariage transgressif du païen et du religieux, résumé par la présence ambivalente des animaux. La compagnie des porcs recèle quelque chose d’indistinctement trivial et sacré, réaliste et féerique. Mais le religieux ne réside pas dans quelques faux indices. Il tient à la bonté et même à la charité que le film exhale, à l’intensité d’un regard qui fait de Green un héritier de James Agee. « Chaque personne est une vie nouvelle et d’une tendresse incommunicable, blessée à chaque respiration, et presque aussi peu vulnérable au meurtre qu’elle est blessée facilement, faisant face, pour un temps, sans armure, aux assauts monstrueux de l’univers. » (Louons maintenant les grands hommes). Louons les vertus de cet amalgame qui, soudant l’amour chrétien, la sympathie universelle et la barbarie de l’inconscient, convertit des instincts contradictoires en une seule force de propulsion.
" Travaillant sur le scénario de John Conway, un fameux prof de littérature anglaise à Austin, s'inspirant lu
Tensions et excitation. Le clou que Chris se prend dans le pied dès le générique, les étranges manies de Tim, mangeant de la peinture ou de la graisse de moteur mais délaissant toute autre nourriture, la pourriture et la pauvreté décadente de ces non-villes, ports de fin de parcours et autres squats de la dernière chance, saturent le film de tensions. Mais le frisson de la peur ne vient jamais seul, un tremblement d'excitation voluptueuse l'accompagne telle une ombre.
Le naturalisme de Green est aussi un pansexualisme, une façon de regarder les lieux et les corps avec la fièvre libidinale d'un animal en rut. Enfin, dernière raison d'aimer ce film, l'ado qui joue Chris n'est autre que Jamie Bell qui, à 14 ans, fut l'incroyable Anglais à ressort du chef-d'oeuvre Billy Elliot de Stephen Daldry."
" Une trombe impure s'est déclenchée, aucun doute là-dessus, mais l'on n'est pas bien sûr de ce
" Une trombe impure s'est déclenchée, aucun doute là-dessus, mais l'on n'est pas bien sûr de ce que l'on a vu. D'ailleurs, ne l'aurait-on pas rêvé ou halluciné, spectateur abruti par de trop nombreuses projections, au point que déferleraient dans un mix anarchique un flot d'images de provenances diverses, d'un coup libérées, enfin révélées ? Le calme réinstallé, serment est fait d'y revenir à jeun, l'attention soutenue. En tout cas, David Gordon Green, jeune cinéaste de 29 ans découvert chez nous en octobre 2001 avec George Washington, mais toujours quasi inconnu (son second long métrage, All the Real Girls, n'ayant pas eu les faveurs d'une distribution française), brouille singulièrement les pistes. Hâtivement catalogué chantre d'une pré-adolescence rurale, le voilà qui, fort de cette entame effrénée, vient faire la nique à la crème des action-movies virils.
Sauf que très vite, cette introduction s'avère un leurre, L'Autre Rive se muant, et nous entraînant, en un passionnant déni de ses promesses d'adrénaline. Rewind donc, et revue de détails. Premier plan (40 secondes) : flou bleuté, apparition graduelle d'une silhouette les pieds dans les vagues, et voix off d'un homme, le grand-père, proposant de nous narrer cette "histoire de violence et de sang" telle qu'elle lui a été contée. Puis champ-contrechamp sur un couple d'ados, un garçon et une fille, lui, proposant de disparaître, elle, émettant le souhait de graver au couteau son nom sur le visage du jeune homme. Une courte séquence, comme atrophiée. Image gelée sur les deux corps enlacés et raccord osé sur le garçon, pieds nus, sous la fenêtre de son amie. Jet de pierre, carreau brisé, image répétée quatre fois, saturée, négative et enfin solarisée. Sortie furieuse du père, une paire d'antiques pistolets aux poings. Course poursuite, ralentis, accélérations, nouveaux freezes, régime de plans à l'avenant, larges et fixes, serrés et tremblants, supportant les typos du générique. Voitures de flics, dérapages, sauts, image choc d'un long clou rouillé transperçant un pied, le tout sur une très belle et lancinante musique de Philip Glass. Rétine bombardée, jusqu'à l'étourdissement. Le titre, plein écran, puis l'accalmie. Ouf !
Par ce tour de force liminaire, Green, non seulement hypnotise son public sans peine, mais se délivre lui-même de toute tentation spectaculaire pour se concentrer sur un processus d'évidement. Politique de la terre brûlée exit les flics, exit la fille qui, délestée de tout poids fictionnel, n'apparaîtra plus que pour une scène furtive l'autorisant ainsi à dessiner une narration pointilliste et vagabonde nullement régie par les lois de l'efficacité. Dès lors, son histoire peut commencer, au rythme qui lui sied. Dans un bled anonyme du sud des Etats-Unis, à une époque indéterminée, mais qui fleure bon les 70's (la conduite prisée par Green rappelle parfois celle de Jerry Schatzberg ou Richard Sarafian), Chris (l'ado du début, les traits de Jamie Bell, Billy Elliot monté en graine) et Tim, 10 ans, vivent avec leur père, un fermier veuf.
Débarque l'oncle Deel, à peine sorti de prison. Fascinant et maléfique, il n'est mû que par la convoitise : subtiliser un sac de pièces d'or. Après que Deel a occis le père sous leur yeux (scène de violence brute que Green désamorce néanmoins en jouant avec les codes du slasher), les gamins s'enfuient avec le trésor. Deel les traque. La trame vous rappelle quelque chose ? Oui, impossible de faire l'impasse sur La Nuit du chasseur. Or, après l'avoir tant désiré quand il était si peu visible, puis après l'avoir vu et revu à satiété à l'aube des années 80, avouons, au risque du scandale, qu'on en a un peu soupé du chef-d'œuvre intouchable de Charles Laughton. La valeur de ce remake (appelons les choses par leur nom) réside aussi dans le fait qu'il ne s'agit nullement d'un hommage, d'un exercice d'admiration ou d'une vaine tentative de rivaliser sur un terrain mystico-expressionniste. Nul sous-texte religieux : ici on baffre avec les doigts devant un gospel télévisé, on trousse vite fait le "Grace" de Thanksgiving et le clou dans le pied de Chris ne relève en aucun cas de stigmates plutôt la possibilité pour Green de mener une fuite et un récit en clopinant. Le méchant au look péquenaud n'arbore pas de phalanges tatouées mais fume, telle une rombière faussement sophistiquée, de longues king size à filtre blanc ce qui, pour distiller de l'inquiétante étrangeté, est autrement plus subtil et pervers.
Si le terme n'avait pas une connotation péjorative, on dirait que Green livre une version lyophilisée du film de Laughton, qu'il s'emploie à purger le classique, à l'instar de Tim qui ingurgite tout ce qui lui tombe sous la main pour ensuite en rejeter une bile blanche. Le cinéaste privilégie une composition ordonnée autour d'accords mineurs, préférant la stase au sprint, déjouant les coups de théâtre avec, jusqu'au final étonnamment déflationniste, une science habile du temps faible. Et la présence au générique de Terrence Malick (il coproduit) ne saurait, contrairement à ce qui a été écrit ici et là, déteindre sur le film. Les plans de nature, les courses en forêt étouffent sciemment toute veilléité panthéiste. Laughton, Malick ou même Larry Clark qui résonne dans le corps gracile des kids ou dans la relation d'attraction-répulsion que ceux-ci entretiennent avec l'adulte à l'âme damnée , sont peut-être des figures tutélaires, mais Green n'a de cesse de contrarier cette descendance.
S'il fallait vraiment trouver une parentèle à L'Autre Rive, on irait la chercher auprès du Bois lacté, le premier et remarquable film de Christoph Hochhäusler. Même appropriation en crabe d'un espace en friche, même propension à l'irrésolution. Et pour l'un comme pour l'autre, adeptes des chemins de traverse, la même indécidabilité quant à l'avenir qui s'offre à eux. Puisse la jouissance du gain refléter l'audace du pari."
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