Vilgot Sjöman : "Filmons ce qui nous amuse !"
Après Ma Soeur mon amour, le réalisateur Vilgot Sjöman, qui s'est formé auprès d'Ingmar Bergman, se trouve dans un1
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Dans le Stockholm des années 60, une jeune étudiante, filmée par son amant, part poser les questions qui l'obsèdent sur la politique et le sexe...
Dans les années 60, Lena, une étudiante suédoise de 22 ans, s'interroge. Curieuse de tout et sous la caméra d'un cinéaste amant, elle n'hésite pas à aborder tous les sujets de société, même les plus controversés : la politique, la non-violence, mais aussi le sexe, un terrain qu'elle connaît peu mais que ce film lui permettra de découvrir... Ce film a été traité en deux parties. L'édition jaune est la première. Elle fut suivie d'une Edition bleue, variation sur les mêmes thèmes.
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" Depuis quinze jours, on projette dans une demi-douzaine de salles parisiennes un film qui « libère tout », s’il faut en croire la publicit
" Depuis quinze jours, on projette dans une demi-douzaine de salles parisiennes un film qui « libère tout », s’il faut en croire la publicité. Croyons-en la publicité. Pour une fois, il ne s’agit pas de l’attrape-nigaud hebdomadaire. Je suis curieuse est effectivement un film de libération totale, qui a commencé par libérer son auteur, Vilgot Sjöman, auquel nous ne connaissions pas tant de décontraction physique ni d’agressivité politique.
Je suis curieuse passe franchement les bornes de la décence (...) Notre pays est profondément rattaché à ce bassin méditerranéen où s’ancrent les tabous religieux et les pudibonderies. Nous vivons à des années-lumière de l'innocence et de l’impudeur naturelles aux Scandinaves ou aux Japonais. Un film comme celui de Sjöman résulte d’une pression sociale, il constitue l’aboutissement d’une évolution psychologique souhaitée par la majorité des Suédois. Il ne précède pas une opinion, il ne !a provoque pas, il l’exprime.
Le scandale qu’il cause à Stockholm tient davantage à sa désinvolture politique (tout aussi inconcevable chez nous, cf. la scène où le « roi » subit une interview ridicule) qu’aux épidermes exposés dans ses images. En France, la représentation en gros plan d’organes et d’actes sexuels ne présenterait pas plus d’intérêt social que les films pornographiques clandestins. Au lieu de libérer l’individu, on entretiendrait sa névrose. Cela dit, notre hexagone n’est pas le nombril du monde, et l’existence de Je suis curieuse marque une date capitale. A son apparition, tous les films « allusifs » des soixante-dix dernières années, tous ces baisers clos chastement par un « fondu » au noir, ont d’un seul coup vieilli de vingt siècles. Dans quelques années, à l’exception des chefs-d’œuvre, la plupart d’entre eux sembleront hypocrites et ridicules. On les appréciera pour leur côté « Camp », comme les bandes dessinées ou les chapeaux cloches.
Jean Renoir, il y a dix ou quinze ans, prophétisait déjà : « Un jour, on pourra montrer des couples qui font l'amour et ce ne sera pas très intéressant.. » Nous y sommes.
L’intérêt dépend évidemment plus de celui qui montre que de la chose montrée. Mais jeter un interdit, prétendre qu’il y a dans la vie des hommes des actes dignes et des actes honteux, c’est ranimer la querelle du naturalisme, qu’on pouvait croire dépassée. A cette réticence des anciens, s’ajoute le mythe inébranlable de « la frustration comme source de plaisir ». Les vieux messieurs qui se pâment à la vision d’une cheville entrevue craignent de perdre l’appétit en l’absence de tout mystère. Un humoriste suédois a relevé l’objection en observant qu’on ne se cache pas pour manger, et que cela n’ôte l’appétit à personne.
Question en apparence frivole, mais qui engage toute une conception du monde. Sjöman veut nous faire revivre à l’heure de l’Antiquité, dans l’harmonie parfaite du corps et de l’esprit. Son héroïne dialogue avec Evtouchenko et Martin Luther King, au milieu de ses ébats amoureux. Cette Léna Nyman, qui s’appelle en réalité Léna Nyman, est une étudiante qui vit, pense et parle à la ville comme à l’écran. Elle est exemplaire de cette décontraction dont Sjöman cherche à nous communiquer le virus. Le soir de la première du film, elle était tranquillement installée au deuxième rang du balcon avec sa mère, pour lui faire admirer les galipettes qu’elle accomplissait sur l’écran, excellente adepte du Kama-Soutra.
La sérénité de Léna Nyman et de celles qui lui ressemblent crée un mouvement irréversible. Dans le monde entier une barrière craque. Sjöman a donné le premier coup de boutoir en obtenant avec Je suis curieuse la suppression de la censure en Suède. Tous les pays Scandinaves sont contaminés et bientôt l’Allemagne le sera. Les Danois, victimes de l’ultime censure nordique, frètent des bateaux entiers pour aller voir Je suis curieuse sur l’autre rive. Le délire sexuel a gagné l’Amérique où, pour deux dollars (soit le prix d’une exclusivité sur les Champs-Elysées), les New-Yorkais peuvent voir des « nudies » par dizaines. Bientôt cette production américaine, jointe à la Scandinave et à la japonaise envahira le monde. II est évident que des centaines de navets se trouvent ainsi en cours de fabrication. Mais il est non moins évident que l’abondance des films « inspirés » par le succès de Je suis curieuse rendra peu à peu caduque une certaine mentalité. Les films chastes existeront toujours. Mais ils seront des effets de l’art, non du moralisme. En France, nous risquons d’être les derniers à nous en apercevoir."
" Comme c'était déjà le cas pour 491, du même Vilgot Sjoman (et aussi pour beaucoup de récents films suédois), la publicité tente de créer
" Comme c'était déjà le cas pour 491, du même Vilgot Sjoman (et aussi pour beaucoup de récents films suédois), la publicité tente de créer autour de Je suis curieuse un déplorable climat de scandale (...) Ce qui pourra (...) surprendre — ou choquer — c'est le mélange, ici très particulier, de fiction et de réalité : par exemple, Sjöman figure effectivement dans le film et montre — avec un narcissisme bien complaisant — comment il a fait de Lena sa maîtresse dans la vie. Ceci est un prélude, après quoi il va filmer la jeune actrice en train d'aimer véritablement et au fur et à mesure du tournage l'acteur principal, et cet amour qu'il observe d'un point de vue professionnel modifiera son comportement privé. De ce fait, naissent des tensions et, sous la conduite et l'influence du cinéaste, qui devient un participant absolu, se joueun psychodrame dont certaines manifestations ont un caractère parfois arbitraire et parfois désagréablement exhibitionniste.
Ce sont les réactions de Lena, ses ambitions, qui constituent la vraie trame de ce film volontairement improvisé, fait d'interviewes et d'enquêtes, passant d'une forme de « cinéma vérité » propre à capter l'air du temps à la transposition dramatique et à la description naturaliste. En bref, ces divers éléments se rejoignent pêle-mêle et aboutissent à une œuvre mal maîtrisée, donc avec des « creux ». inévitablement brouillonne et trop composite. De cette sorte de matériau brut qui a, bien sûr, l'intérêt d'être un document sur la Suède actuelle émerge un portrait de jeune fille en quête d'absolu.
Cette Lena méprise son père, ancien socialiste, « déserteur » de la guerre d'Espagne, d'où il est, selon elle, trop tôt revenu ; elle rêve d'une société sans classes, de non-violence, de révolution, d'hindouisme, elle a eu des amants pour essayer de croire qu'on pouvait la trouver jolie mais elle est prête à aimer qui l'aimera réellement et ne la fera plus souffrir. Elle regarde, s'interroge, questionne, change d'idées, d'activités, de domicile ; elle est naïvement raisonneuse, puérilement incohérente, absurdement agressive, mais elle est, également, désarmante, émouvante, pitoyable, presque pathétique.
Par elle, finalement, le film existe, prend vie et, à travers lui, elle exprime ce qu'il en coûte de chercher l'équilibre dans un monde déchiré par des contradictions politiques et, sans être très belle ni très intelligente, elle mène, avec une espèce de vaillance, un combat solitaire contre la société de consommation, la lâcheté, l'avilissement, les compromis, les hypocrisies. En un sens, Sjöman doit vouloir mener ce combat, lui aussi."
" ... un aperçu aigu et délirant du comportement de la jeune fille délurée dans les sociétés de consommation dites développées : tout y pas
" ... un aperçu aigu et délirant du comportement de la jeune fille délurée dans les sociétés de consommation dites développées : tout y passe, du collage abracadabrant des mythologies politiques à l’engouement pour l’indouhisme, et la folie méditative du mouvement « hippie ». Vilgot Sjöman n'a rien oublié dans son panorama de la vie moderne, et s’il passe d’un sujet à l'autre, s’il laisse s'enchevêtrer à l'infini les séquences, c’est pour mieux rendre le rythme digressif de notre vie de nos processus mentaux, de notre sentimentalisme vieillot, mâtiné d’un cynisme de surface....
Je me refuse à user pour ce film du terme de mise en scène ou d’écriture. Je suis curieuse est l’œuvre d’un homme d’une intelligence et d’une sensibilité qui vont bien plus loin que ce qu’on peut exprimer d’habitude cinéma.
Mais qu'on me comprenne bien : ce film fait partie de ces œuvres qui choquent, irritent ou dépriment ; la rencontre de Vilgot Sjöman à travers Je suis curieuse n’est pas une partie de plaisir et n'apportera pas à ceux qui méprisent le cinéma comme instrument d’une nouvelle culture, l’agrément qu'ils attendent. On me pardonnera d’avoir choisi Sjöman comme Godard contre le gadget joliment illustré..."
'' On voudrait nous dégoûter de la « liberté sexuelle » qu’on ne s’y prendralt pas mieux. Si les ligues puritaines suédoises étaient intelli
'' On voudrait nous dégoûter de la « liberté sexuelle » qu’on ne s’y prendralt pas mieux. Si les ligues puritaines suédoises étaient intelligentes, si elles faisaient un film contre le relâchement des mœurs, ce serait celui-là. Car il est difficile d’imaginer plus triste, plus laid, plus nauséeux, plus sale qu'un film de Sjoman (491 c’était déjà ça). Comme tous les puritains, il est fasciné par les filles moches, par les amours dans des alcôves sordides, sur des coins de matelas crasseux, par le ciel gris et la pluie, par les chemins pleins de boue et les marais fangeux.
L’intellect n’est pas mieux servi que les corps. Autant de brume et de boue dans les méninges que dans les images. Le décrassage, connais pas. On est en présence de celte race d'intellectuels qui prolifèrent aujourd'hui et dont le fanatisme généreux cache des contradictions stupéfiantes. Bref, on se gargarise de grands mots et on « raisonne » comme des tambours. Le plus beau du film, c’est quand on nous montre cette Léna qui prêche avec fureur la non-violence et qui crève les yeux d’une photo de Franco avec deux couteaux bien pointus... Ça fait rêver.
Qu’une bonne partie de la Jeunesse suédoise soit « dingue » je n’en doute pas. Face à un troupeau d’adultes dépolitisés, grignotant leur fromage les yeux fermés, je n’en doute pas. Et que ces problèmes dépassent les frontières de da Suède je n’en doute pas. Mais je trouve un peu facile l’attitude du cinéaste qui consiste à montrer ça avec la complaisance la plus évidente, ce goût de l’inversion des valeurs (plus c'est sale, plus ce sera beau). Il ne suffit pas de photographier une caméra entre un plan de seins (pas merveilleux) et un plan de fesses (pas jolies, jolies) pour introduire un recul critique, une réflexion morale.
On peut aussi considérer Je suis curieuse comme un film d’anticipation (à peine). Le mot « amour » est perdu. Radicalement. C’était un mot trop plein de complications. Reste le sexe, la peau, la politique. les postures et l’imposture."
" Le voilà donc ce fameux film suédois aux cent audaces qui mit en émoi les censeurs ! Ce film qui fait pousser des « Ah ! » et des « Oh !
" Le voilà donc ce fameux film suédois aux cent audaces qui mit en émoi les censeurs ! Ce film qui fait pousser des « Ah ! » et des « Oh ! », parce qu'on y volt des corps nus qui font ce qui n’est pas dit dans ia chanson. J’ai lu des critiques enthousiastes qui célébraient, béates, le triomphe du non-conformisme.
Alléchant, n'est-ce pas ?
Hélas ! j'ai vu aussi le film ou plutôt Un fatras d’incongruités mélangées. Le politique, le social, le sexuel s'imbriquent comme pour une symphonie du temps présent. C’est inintelligible, donc on peut comprendre n'importe quoi. Moi, ie déclare forfait et dis tout net que c'est vain, tarabiscoté et sinistrement obscène."
" Bien sûr, il y a cette remise en cause de la société bourgeoise (celle de Suède, en l'occurrence) avec charge contre les bien pensants et
" Bien sûr, il y a cette remise en cause de la société bourgeoise (celle de Suède, en l'occurrence) avec charge contre les bien pensants et prise de position en faveur de la non-violence. Jusqu’ici, cela va de soi, on est parfaitement d’accord.
Mais il y a également, systématiquement infligées, les séquences érotiques. Ce n'est pas qu’on crache sur la bagatelle. Encore faut-il qu’elle ne soit pas monotone. Or, les Suédois se rendent-ils compte à quel point leurs copulations, placées sous le signe du naturisme et de la névrose, peuvent engendrer l’ennui ?
Auteur de ce film, M. Vilgot Sjöman fait moins songer à un cinéaste de choc qu’à un camelot sournois qui, sous le couvert de distribuer des prospectus non conformistes, chercherait en fait à vous fourguer des photos cochonnes."
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