Côté court 2014 : Luc Moullet - rencontre avec un fraudeur frondeur
Entretien avec l'ironiste professionnel, arrangeur de films à bouts de ficelles, qui présente à Pantin son dernier1
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Deux jeunes provinciales arrivent à Paris pour suivre leurs études. Elle découvrent en même temps la ville et la dure condition d'étudiante.
Deux jeunes provinciales se rendent à la capitale pour suivre leurs études. Flanquées de sacs de voyage identiques et portant les mêmes vêtements et le même prénom (Brigitte), elles font connaissance à la gare et décident de faire le chemin ensemble. Arrivées à Paris, les deux nouvelles amies deviennent très vite colocataires. Brigitte la blonde et Brigitte la brune affrontent ensemble les difficultés de la vie universitaire à la Sorbonne et font la connaissance au bal de deux charmants garçons, Jacques et Léon...
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" voici à mes yeux un chef-d’œuvre d’humour. Je pèse mes mots. Aujourd'hui l'humour est usé, il s’apprend dans les écoles — celles, insuppor
" voici à mes yeux un chef-d’œuvre d’humour. Je pèse mes mots. Aujourd'hui l'humour est usé, il s’apprend dans les écoles — celles, insupportables, du laborieux cinéma anglais. L'humour est industriel. On le fabrique exactement comme le poulet aux hormones. Aucun rapport évidemment avec l'humour de Moullet. Celle-ci est cru et vif comme une franche petite piquette ; c'est raide, ça gratte le gosier, ça brûle le palais. C'est invendable, direz-vous. Moi, j'y prends un plaisir inégalé. Et au fond, égoïstement je souhaiterais presque que ce film n’ait aucun succès, qu’il ne devienne jamaîs à la mode — comme les films de Jean Rouch. Qu’il soit dégusté par une bande de copains comme ces "canulars" qui ne se racontent pas, ces plaisanteries de corps de métier qu’on n'apprécie , qu'entre gens de la corporation et qui paraissent saugrenues dès qu'on les exporte. Brigitte et Brigitte est un film à consommer sur place, entre amis.
Je ne dis pas cela seulement parce qu’il est beaucoup question des cinéphiles — les faux bien sûr — qui en prennent un vieux coup, et parmi lesquels donc personne ne se reconnaîtra. Ni parce qu'il est question de la vie étudiante sous le Ministère de M. Fouchet. C’est le ton qui m'émerveille. Plus que le sujet. (...)
Son cinéma végétatif me fait l’effet d’une souveraine cure de désintoxication. Dans cet écran aussi austère que celui de Buster Keaton, chaque chose soudain se met à vivre, nous envahit de sa présence absurde, grotesque, insupportable. Dans cet univers universitaire, dans ce paradis parisien des grosses têtes, les aveugles, les simples, les naïfs sont rois. Ainsi le plus beau gag : les deux filles veulent entrer à la Maison de la Radio et se cognent le crâne contre les somptueuses baies vitrées. Un aveugle passe. Elles le suivent et trouvent aussitôt l'entrée. Ainsi la concierge qui s’écrie, balai en main sur le trottoir, en voyant passer les Brigittes affolées ! « C’est brechtien ! »
(...) Brigitte et Brigitte c'est le parfait décrassage intellectuel, la table rase dont rêvent tous ceux qui maudissent enfin la "civilisation des loisirs", des oies gavées et des foies gras."
" Rien ne manque : ni la petite salle de cent cinquante spectateurs ni les fines allusions pour cinéphiles éclairés. Brigitte et Brigitte a
" Rien ne manque : ni la petite salle de cent cinquante spectateurs ni les fines allusions pour cinéphiles éclairés. Brigitte et Brigitte a pourtant l’avantage d’être un film drôle, clair, simple. Tellement drôle et simple que certains le traitent par le mépris.
C’est qu’il est rare de voir un cinéaste néophyte se donner les apparences fragiles et dérisoires d’un amuseur de cabaret.
(...) Satire frivole en apparence, trop anecdotique pour constituer une Œuvre majuscule. Là, niche le mérite. Luc Moullet appartient à une génération de cinéastes-critiques, comme Godard et Straub, où une situation à peine imaginée se trouve instantanément détruite, niée, parce que l’auteur connaît, à l’avance, tous les développements possibles et la portée du moindre détail. Cinéma de la contestation absolue, aux limites du stérile qui paraît encore "esthète" chez les aînés, mais débouche avec Moullet sur sa vraie nature, la dérision "anti-artiste".
Si Brigitte et Brigitte accumule des gags pour chansonnier, au lieu d’exposer un vrai pamphlet voltairien sur les contradictions du monde capitaliste, c’est parce que "Voltaire" signifie encore "Académie". Reprocher au film ses plaisanteries de potache, dire que la moitié des astuces ne porte pas, c’est ne rien entendre au vrai propos. Quand l’autre moitié des gags aura cessé de nous amuser, il restera cette contestation fondamentale où un mauvais calembour prévaut sur les fines "reparties", comme l’exige la morale des pataphysiciens (Vian, Queneau). (...)
Encore un film qui porte un coup sévère au cinéma "descriptif", où la caméra se promène sur n’importe quoi (corbeille de fruits, vaches dans un pré) avant de cueillir tel personnage déambulant à trente mètres. Encore un film anti-"Jivago". L’avantage, c’est que tout, ici, concourt au but final. Platitudes et traits d’esprit."
" L’intelligence de Moullet, c’est d'avoir compris que dans ce pays on se méfiait des idées, des discours, et des films à thèse, Brigitte et
" L’intelligence de Moullet, c’est d'avoir compris que dans ce pays on se méfiait des idées, des discours, et des films à thèse, Brigitte et Brigitte charrie — par conséquent — ce côté "demeuré", incohérent, mais pourri de charme de toute une jeunesse qui s'entasse sans trop savoir pourquoi ni comment dans des amphithéâtres surpeuplés et nauséabonds, à longueur d’année. Moullet donne, à ses personnages une entière liberté de gestes et d’expression, et gagne ainsi un public qui serait hostile à l’expression tranchée d’une opinion.
Son "folklore", son humour extravagant si proche d’un certain délire, son insignifiance cinématographique le plus souvent provocante, donnent à Brigitte et Brigitte la possibilité de charrier un bon amas de critiques virulentes contre l’absurdité de notre société, si fière de sa belle formule...
Cette intention satirique ne fait aucun doute au début du film, qui commence par L’année dernière à Mariand, ancien court métrage, que Luc Moullet utilise ici comme un prologue à Brigitte et Brigitte. L’acidité du commentaire, le pittoresque de ce documentaire sur ce coin perdu dans les montagnes où l’on vit encore comme au siècle dernier, font des quinze premières minutes un véritable régal. De toute évidence, c’est là que la satire sur la France sous-développée bat son plein. (...)
Brigitte et Brigitte se situant à l’opposé du film de fiction, et du cinéma de mensonge me semble finalement un assez bel hommage rendu à leur jeunesse, et à ce que devrait être leur disponibilité. Reste à savoir si la provocation de Luc Moullet ne risque pas de laisser à la porte les dizaines de milliers de petits fonctionnaires qui n’attendent que leurs diplômes pour être aussi bêtes, bourgeois, et sous-développés que leurs braves parents !
A voir à tout prix, ne serait-ce que parce que cela représente l'occasion de prendre une merveilleuse douche froide..."
"Insolents et timides, grinçants et attendris, imaginatifs et exacts, ce premier long métrage et son réalisateur meritent de retenir l’atte
"Insolents et timides, grinçants et attendris, imaginatifs et exacts, ce premier long métrage et son réalisateur meritent de retenir l’attention, et sont mieux que prometteurs.
(...) C'est ainsi que la mise en scène commence, qui conte les aventures d’une brune et d’une blonde au Quartier latin, mais qui est aussi, à sa façon, un documentaire sur les jeunes étudiants d’aujourd’hui.
(...) Bien sûr qu’aimant les plaisanteries pas drôles, j’ai, dans ces recommandations, mis de cet humour "pas drôle", de cet humour qui se retrouve partout dans le film, et qui fait le prix des propos de Moullet. Il ne ricane certes pas avec amertume, mais il ne se contente pas de "se marrer". (...)
Mais n’allez pas prendre Moullet pour un auteur comique. Il y a de la gravité dans son propros et son ricanement ne me paraît pas si négateur qu’il renverrait dos à dos, dans leurs cambrousses respectives la Brigitte de gauche et la Brigitte de droite. Sur ce point son propos ne me paraît pas si éloigné de celui de Godard dans Masculin Féminin (...).
A moi cette mauvaise tête de Moullet plaît beaucoup, je pense qu’il a de la personnalité et du talent. Je lui souhaite bien sincèrement qu’après avoir réalisé un premier film avec quatre sous, fichu comme l’As de Pique, il ait, au Quartier latin, le même succès que le film tchèque qui porte ce titre, et qu’il puisse faire d’autres films où l’on retrouve ce ton pour beaucoup fort déplaisant, mais que j’aime, parce qu’il n’appartient qu’à lui, comme celui de l’As de Pique n’appartient qu’à Forman."
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