Sébastien Laudenbach : "L’animation a été faite sans penser aux voix"
Le réalisateur de La jeune fille sans mains, évoque le travail qui a été fait concernant le choix esthétique du fi1
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En des temps difficiles, un meunier vend sa fille au Diable. Protégée par sa pureté, elle lui échappe mais est privée de ses mains.
En des temps difficiles, un meunier vend sa fille au Diable. Protégée par sa pureté, elle lui échappe mais est privée de ses mains. Cheminant loin de sa famille, elle rencontre la déesse de l’eau, un doux jardinier et le prince en son château. Un long périple vers la lumière.
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Elle est inouïe, la cruauté qu’on est prêt à accepter d’un conte pour enfant. Un père qui vend
Elle est inouïe, la cruauté qu’on est prêt à accepter d’un conte pour enfant. Un père qui vend sa fille puis lui coupe les mains, une mère dévorée par des chiens : on absorbe tout cela et on avance, mû par la croyance que ce qui commence par «il était une fois» se termine toujours bien, et que les souffrances endurées vaudront bien la chandelle, pour l’héroïne comme pour le lecteur. Une des forces du film de Sébastien Laudenbach la Jeune Fille sans mains, inspiré d’une pièce d’Olivier Py elle-même tirée d’un conte éponyme des frères Grimm, est de ne pas avoir émoussé cette cruauté, mais de l’avoir au contraire gardée intacte, dans le tremblement de ses images, le giclement d’une peinture rouge sur l’écran, la décoloration soudaine de son dessin. La sidération esthétique ressentie devant cette succession de tableaux qui semblent peints sous nous yeux, et évoquent souvent Matisse dans leur trait délié et leurs taches de couleurs, se mêle à un effroi tout aussi vif né des soubresauts de l’histoire. A quoi s’ajoute, pour parfaire l’immersion, une bande-son qui rend à merveille le bruissement soudain du feuillage, ou le silence glaçant qui précède l’arrivée du Mal. Rarement conte nous aura fait autant d’effet à l’écran (ou alors la Belle et la Bête de Cocteau, peut-être, enfant ?) et l’on se surprend à vouloir parfois se cacher les yeux, tout en se félicitant de n’avoir finalement pas amené de bambin avec nous. Alors que les enfants ont sans doute déjà bien intégré la violence et les défis propres aux existences humaines, qu’on se donne un mal fou à leur cacher.
L’histoire que raconte le film forme deux boucles successives, comme s’il s’agissait de deux contes. Dans la première, un meunier qui crève de faim accepte le marché proposé par un voyageur : de l’or en échange de «ce qu’il y a derrière son moulin». Sans le savoir, il vend alors sa fille, croyant ne vendre que son pommier, et suite à quelques péripéties, sera sommé de lui couper les mains. La jeune fille s’enfuit, et commence alors l’errance inhérente à tout conte, qui doit lui révéler l’étendue de ses ressources propres. Avec l’aide de l’esprit bienveillant niché dans une rivière, elle parvient au verger d’un seigneur pour se rassasier. Il tombe amoureux, ils se marient, elle tombe enceinte. The end ? Non, car débute alors cette deuxième boucle, qui envoie le prince guerroyer et fait s’enfuir femme et enfant. L’héroïne parviendra au sommet d’une montagne, où son fils et elle vivront du fruit de ses plantations. Le prince les retrouvera, et avec son aide, la jeune femme se débarrassera une bonne fois pour toutes de l’esprit malin.
Les psychanalystes nous apprendraient sans doute qu’après avoir mangé les pommes de son père et les poires de son mari, il fallait que la jeune fille apprenne à cultiver son jardin seule pour que le conte s’achève. Et une lecture des motifs inconscients révélerait aussi sans peine la suite de culpabilité et de castration qui sous-tend les ressorts du récit. Mais ce qui évite au conte de tomber dans la pure leçon de morale, c’est son pendant de plaisir et de désir, l’infinie sensualité qui s’y déploie dans une communion avec la nature frisant le panthéisme. Des paysages gorgés de soleil d’un jaune puissant, des formes féminines naissant au creux du clapotis de la rivière, des gémissements de jouissance murmurés alors qu’à l’écran les traits du pinceau dansent et s’assemblent, font de la Jeune Fille sans mains une vibrante célébration de la vie (et du principe féminin), un même élan semblant unir l’œuvre en train de se faire et la jeune fille découvrant ses pouvoirs.
La rapide consultation du conte des frères Grimm révélera que cette face lumineuse est en grande partie l’œuvre de Sébastien Laudenbach, l’enchaînement quasi mécanique des événements de l’original ne laissant que peu de place aux à-côtés. Dans le dossier de presse, le réalisateur, dont c’est le premier long métrage, révèle avoir dû abandonner l’espoir d’un financement classique, et s’être donc lancé seul «dans une fabrication inédite pour un film d’une telle durée». Il a peint la Jeune fille sans mains sur papier, intégralement, dans l’ordre du récit, donnant ensuite le tremblé nécessaire aux images pour les animer, disjoignant les masses de couleurs et les traits pour ajouter de la profondeur. D’où l’impression de voir à l’écran un cahier de croquis s’animer, chaque tableau coulant avec grâce vers le suivant, le malicieux pinceau transformant une ligne d’horizon en chemin, une quenotte en main de géant, les perspectives se désaxant au gré des arrêts et accélérations du récit, rythmé aussi par les lamentos et crescendos d’une guitare électrique. «Bien souvent, je me suis identifié à elle», confie le réalisateur en évoquant son héroïne. L’enfant aussi s’identifiera, qu’il soit fille ou garçon, à la courageuse héroïne. «Non pas en raison de sa vertu, mais parce que la situation […] trouve en lui un écho profond», nous instruirait Bruno Bettelheim par sa Psychanalyse des contes de fées. Celui émis par la Jeune Fille sans mains n’en finit pas de réverbérer.
Au commencement, il y a ce conte des frères Grimm, d'une cruauté inouïe. Où un meunier à bout de force,
Au commencement, il y a ce conte des frères Grimm, d'une cruauté inouïe. Où un meunier à bout de force, affamé et ruiné, vend sa fille au diable, contre une rivière d'or et l'illusion du bonheur. Puis coupe les mains de la belle innocente pour mieux la livrer, souillée et mutilée, à son tourmenteur. Et ce n'est que le début d'une longue litanie de malheurs, noyades, trahisons, traques et tentatives d'infanticide... De cet implacable récit métaphorique sur la noirceur de la nature humaine, Sébastien Laudenbach tire un film d'animation lumineux, une oeuvre qui ne cesse de se réinventer sous nos yeux. Les silhouettes, suggérées en quelques traits sûrs et gracieux, dont la pureté rappelle le travail de Matisse, se forment et se défont : le mouvement des corps est aussi celui du dessin en train de naître, de s'élancer sur le papier. Dans ce tableau si vivant, aéré par un vaste fond blanc, les couleurs surgissent en léger décalage, en transparence, en superposition. Elles animent de bleu profond le feuillage d'un arbre, le rouge alarmant d'une traînée de sang... On retrouve aussi un peu de Raoul Dufy dans cette vibration, cette drôle de chorégraphie à contre-temps entre les lignes claires et les divagations du pinceau. Au-delà de sa beauté méditative, à couper le souffle, le film s'empare de l'histoire originelle avec une liberté et une poésie étonnantes. Il développe les thèmes les plus sombres — la toxicité possible des rapports parents-enfants, la vénalité, la lâcheté, la violence —, mais aussi les plus simples — la sexualité, l'amour, l'enfantement, la jouissance d'être vivant — avec la même la même sincérité délicate. Pas de fausse pudeur à la Disney, dans ces scènes où le lait jaillit joyeusement d'un sein, où le diable est nu. Ce n'est pourtant pas qu'un film « pour adultes ». Il invite simplement, autrement, tous les publics, enfants compris, à contempler sans ciller la danse de l'art et de la vie.
Cécile Mury, 17/12/2016Le cinéma d’animation français ne cesse de surprendre par sa vitalité créative et la profondeur de ses r&
Le cinéma d’animation français ne cesse de surprendre par sa vitalité créative et la profondeur de ses récits. Après Ma vie de Courgette et Louise en hiver, c’est au tour de La Jeune Fille sans mains de faire souffler un vent de liberté proprement ébouriffant. D’abord par son sujet. Adaptation sans fards d’un conte des frères Grimm, le film de Sébastien Laudenbach ne cache rien des ressorts cruels et parfois violents de cette histoire d’une grande puissance évocatrice.
Le diable propose à un meunier pauvre et épuisé de faire sa fortune s’il lui donne ce qui se trouve derrière son moulin. Le paysan n’y voit pas malice et accepte. Mais sa jeune fille est là, à l’arrière du bâtiment… L’enfant ayant pleuré des larmes d’un chagrin pur sur ses mains, le diable ordonne qu’on les lui coupe. Elle parvient à s’échapper, errant dans la campagne, vivant de fruits et d’eau fraîche, allant de rencontres fantastiques en aventures romantiques.
Porté obstinément pendant sept ans par son réalisateur, Sébastien Laudenbach, qui l’a entièrement conçu au fil du pinceau, ce film d’animation aux couleurs primaires et au dessin vibratile flirte souvent avec l’abstraction, faisant, par exemple, apparaître et disparaître au gré de ses respirations la silhouette de la jeune fille essoufflée.
Servie par les inflexions vocales ondoyantes d’Anaïs Demoustier et la restitution fidèle des bruits d’une nature sauvage mais bienfaisante, La Jeune Fille sans mains est une œuvre qui met tous les sens en éveil. Et se double d’une réflexion subtile sur l’émancipation féminine. L’héroïne échappe non seulement au diable mais aussi aux écueils des fables moralistes comme modernistes : libre de vivre seule, elle l’est aussi d’aimer un prince charmant.
C’est une lecture fine et très spirituelle que le théologien Eugen Drewermann a consacrée au conte des frères Grimm en 1981. Loin des controverses (il fut interdit d’enseignement par son évêque en 1991 à la suite d’autres écrits), sa lecture mêle les apports de la psychanalyse et de la théologie. Drewermann y met en lumière le chemin, éminemment personnel, que doit parcourir tout être humain pour se défaire de la culpabilité d’exister et accéder à la vraie liberté à laquelle convie la grâce, nom théologique de l’amour.
"Sébastien Laudenbach n'illustre pas le conte de Grimm, il en redigère la cruauté initiale dans une explosion de couleurs et de sen
"Sébastien Laudenbach n'illustre pas le conte de Grimm, il en redigère la cruauté initiale dans une explosion de couleurs et de sentiments forts, puissants, pour notre plus grand plaisir."
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L'ACID est une association née en 1992 de la volonté de cinéastes de s'emparer des enjeux liés à la diffusion des films, à leurs inégalités d'exposition et d'accès aux programmateurs et spectateurs. Ils ont très tôt affirmé leur souhait d'aller échanger avec les publics et revendiqué l'inscription du cinéma indépendant dans l'action culturelle de proximité.
Marion LaryCiné Phil au sujet de
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