Cannes 2015 — "La Quatrième voie" de Gurvinder Singh
VIDEO | 2015, 8'| Le jeune réalisateur indien présente son deuxième film, en sélection officielle-section Un certa1
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1984, Pendjab, Inde : c’est l’acmé du mouvement séparatiste Sikh. Deux Hindous tentent d’atteindre Amritsar. Ils sautent dans un train en direction de la ville.
1984, Pendjab, Inde : c’est l’acmé du mouvement militant séparatiste Sikh. Deux amis Hindous tentent à tout prix d’atteindre Amritsar. Désespérés, ils montent de force dans un train vide en direction de la ville. Sur le chemin, l’un d’eux se remémore une nuit terrible : un soir où il avait perdu son chemin en se rendant au village de sa femme, il rencontra une famille Sikh qui l’aida à retrouver sa route.
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Les plans séquences, l’attention aux visages et aux gestes, la capacité à accueillir des atmosphères sans
Les plans séquences, l’attention aux visages et aux gestes, la capacité à accueillir des atmosphères sans les assigner à une signification ou à une symbolique établissent une écriture ouverte, à la fois suggestive et intrigante. D’autant plus intrigante pour un spectateur occidental – et c’est en l’occurrence un véritable bienfait, dès lors qu’on accepte d’accompagner ce qui ne sera jamais ni expliqué par un commentaire (verbal ou visuel), ni assigné à un enchainement narratif (...)
La famille sikhe au centre du récit, ses démêlés avec les militants en armes, avec les soldats, avec les leaders du village, le sort devenu central du chien de la maison, la beauté fascinante des plans de nature, les dilemmes du père de famille, la peinture des mœurs rurales… ce sont autant de composants, qui s’assemblent selon des logiques inédites, des compositions singulières où le suspens, jusqu’à l’extrême bord d’un gouffre de terreur, la violence, le quotidien débonnaire, affectueux, le souffle lointain, puis soudain proche, de l’actualité politique de la région, fabriquent un monde aux règles inusitées.
Gurvinder Singh a le grand mérite de ne pas filmer pour des spectateurs occidentaux, il travaille de l’intérieur un monde qu’il connaît bien. Et ce double mouvement – proximité entre le film, le sujet, les protagonistes et l’auteur/éloignement pour un public européen – augmente la puissance de suggestion des plans, les ressources poétiques de leur assemblage.
C’est peu de dire que cela ne va pas de soi, la même configuration pourrait produire un résultat incompréhensible, ou de piètre intérêt. Assurément le sens du cadre et de l’image est ici d’un grand recours, et la manière d’utiliser notamment l’obscurité, les basses lumières, la brume, paradoxalement augmente un autre accès au film, aux émotions et aux idées qui l’animent.
Mais il y a davantage, même si cela est difficile à formuler. Disons : un sentiment du monde. Car il s’agit à la fois d’événements politiques très précisément situés, de grandes questions (les minorités, les inégalités, la situation agraire, la lutte armée, le comportement des autorités et des forces de l’ordre) toujours actives dans la société indienne, et d’une parabole universelle. L’élégance attentive de la mise en scène en même temps que sa volonté de ne pas se soumettre à un récit, encore moins à une démonstration, délient les puissances qui habitent ce film, film qui se révèle extrêmement ambitieux malgré son apparente modestie.
Gurvinder Singh se tient éloigné de la chatoyante production de Bollywood pour s’engager, avec La Quatrième Voie
Gurvinder Singh se tient éloigné de la chatoyante production de Bollywood pour s’engager, avec La Quatrième Voie, présenté dans la section Un certain Regard à Cannes en 2015, sur un autre chemin, austère et moins emprunté, à la beauté brute.
Pas de jeu d’acteur appuyé, pas de numéros chantés, à peine une histoire. Celle de deux Hindous, en 1984, cherchant à gagner la ville d’Amritsar, où l’armée d’Indira Gandhi réprime le mouvement séparatiste sikh, au Nord du pays. Cette lutte provoquera en quelques mois la mort de centaines de personnes, dont celle de la Première ministre, qui sera assassinée par ses gardes du corps. Pourtant, le film n’évoque qu’indirectement « la situation ».
Il donne d’abord des envies de coupes. Tout y semble étiré, trop étiré. La caméra répugne à livrer les informations, à avancer par ellipses – comme par crainte d’une imprudence ou d’une attaque surprise. Ce qui semblait maladresse devient alors sens : toute la mise en scène conspire à entretenir un sentiment de paranoïa.
Les personnages, que nul ne voulait laisser monter dans le dernier train en partance pour la province troublée, s’y engouffrent finalement auprès d’autres passagers clandestins… sikhs. Chacun se surveille. Mais rien ne se passe et bientôt le roulis, comme souvent au cinéma, appelle les souvenirs.
Alors surgit, en un long flash-back, cette nuit où, dans la campagne du Pendjab, l’un des deux Hindous reçut l’aide d’une famille sikh, écartelée entre militants et armée, exigeant chacun sa loyauté. Leur vulnérabilité s’exprime dans les corps, les regards et les liens avec les animaux.
Transcription d’un recueil de nouvelles de l’écrivain Waryam Singh Sandhu, La Quatrième Voie évoque parfois l’adaptation d’un autre recueil par Roberto Rossellini en 1946 : Païsa. Et plus particulièrement son dernier récit, où des partisans italiens, aidés d’Américains, résistaient aux Allemands dans les eaux et hautes herbes du delta du Pô.
La nature tient dans ces films le même rôle : elle est le témoin indifférent des conflits des hommes, que sa beauté absorbe. Dans cette nuit indienne, la peur met à mal les loyautés les plus élémentaires. Et, dans l’obscurité, en créera peut-être de nouvelles.
Des films dont le personnage principal est un chien, il y en a certainement beaucoup. White Dog de Samuel Fuller, Beethoven de Brian Levant
Des films dont le personnage principal est un chien, il y en a certainement beaucoup. White Dog de Samuel Fuller, Beethoven de Brian Levant, ou Adieu au langage de Jean-Luc Godard font partie des plus célèbres. De ces trois chiens de cinéma, le premier était chargé de tout ce qu’il y a de pire dans l’humanité, le deuxième de tout ce qu’il y a de meilleur, le troisième de tout ce qui a la chance de ne pas en faire partie.
La Quatrième Voie inventerait-il une quatrième voie ? Ce film de Gurvinder Singh se déroule dans le Pendjab côté indien en 1984, à un moment de grande tension entre le gouvernement central et les militants indépendantistes sikhs. Il imbrique deux trames qui ont lieu à quelques mois d’intervalle. L’une est un trajet en train de nuit vers une ville bouclée par l’armée, dans le compartiment duquel les hommes se regardent en chiens de faïence, puisque la seule chose qui les rassemble, c’est la peur. L’autre est un repli dans une maison à la campagne, cernée aussi bien par la police que par ceux qui la combattent.
Dans la cour de cette maison, le chien Tommy aboie la nuit et menace de faire repérer les mouvements clandestins des maquisards, qui demandent à ses maîtres de l’abattre. En effet, le problème du chien, c’est bien l’homme, avec ses hauts (si tendres) et ses bas (si cruels), et puis toutes ces questions politiques qui ne sont pas des problèmes de chien.
On a déjà, vite mises en balance, nos trois premières voies : le mal, le bien et le par-delà. Réussir à compter jusqu’à quatre a toujours été difficile pour l’humanité. Soit t’es avec nous, soit t’es contre nous, soit tu pars de là, quoi d’autre ? Dans la Quatrième Voie, l’homme hésite, tue le chien et puis regrette.
Quelle étrange leçon d’histoire. Puisqu’elle prétend nous faire percevoir quelque chose sur le sens des actions de l’humanité, on se demande : la prochaine fois, faut-il tuer le chien, se faire tuer à sa place, ou partir ? Mais voyons, un film n’a pas à proposer quoi que ce soit. La quatrième voie proposée par Gurvinder Singh, c’est donc le chien chargé de tout ce qui, chez l’homme, regrette de ne pas être un chien, sans être prêt à en devenir un. C’est une impasse.
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