Miguel Gomes, conteur moderne du Portugal
VIDEO | 2015, 16' | Dans un aller-retour permanent entre fiction et documentaire, pris entre l'envie de raconter d1
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Troisième volet des 1001 nuits, fiction/documentaire où Schéhérazade raconte les inquiétudes qui s'abattent sur le Portugal...
Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2015. Où Schéhérazade doute de pouvoir encore raconter des histoires qui plaisent au Roi, tant ses récits pèsent trois mille tonnes. Elle s’échappe du palais et parcourt le Royaume en quête de plaisir et d'enchantement. Son père, le Grand Vizir, lui donne rendez-vous dans la Grande Roue. Et Schéhérazade reprend : « Ô Roi bienheureux, quarante après la Révolution des OEillets, dans les anciens bidonvilles de Lisbonne, il y avait une communauté d’hommes ensorcelés qui se dédiaient, avec passion et rigueur, à apprendre à chanter à leurs oiseaux... ». Et le jour venant à paraître, Schéhérazade se tait.
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" (...) Le long fondu enchaîné ouvrant le film transforme une danseuse de rue en fantôme qui hante les pensé
" (...) Le long fondu enchaîné ouvrant le film transforme une danseuse de rue en fantôme qui hante les pensées du père de Shéhérazade, lui qui crut en la voyant reconnaître son épouse. Un fondu = une apparition : tout est dit de la croyance que voue Miguel Gomes aux moyens du cinéma pour transfigurer le monde. On reste ébloui par la façon dont le cinéaste récapitule les moyens du cinéma. Réussir à filmer les chantiers navals, les femmes, les paysages, et les animaux avec chaque fois, une idée de cinéma époustouflante. Parvenir ainsi à donner au spectateur à penser aux frères Lumière, à Georges Méliès, au cinéma burlesque ou d’aventure, aux essais de Chris Marker… On avait cessé d’en attendre autant ! L’on donnerait bien des films, par exemple, en échange de cet unique plan dans lequel la conversation de Shéhérazade et de son père est filmée dans un manège décrivant des circonvolutions dans les airs qui font défiler le paysage sous nos yeux.
Solaire, la première partie de ce dernier acte saute d’une vision de Shéhérazade à une autre, et parcourt une Bagdad à la lumière somptueuse recréée dans les calanques de Marseille sur laquelle souffle un Mistral personnifié par un génie du vent. Les divagations de la princesse font sauter comme par enchantement d’une légende à une autre : celle de Paddleman le très fécond, dont la beauté est gâchée par la stupidité au point qu’on lui demande de se taire ; celle du voleur Elvis. Si l’on s’attendait à être ravi par les légendes, on n’avait pas imaginé le film littéralement enchanté, au sens en-chanté de Jacques Demy. Car c’est bien d’une comédie musicale qu’il s’agit, où se suivent et se répondent chansons populaires et heavy-metal, pour clore sur le chant triste et virtuose des pinsons (...).
Pour autant, la fièvre militante annoncée en première partie (« un film militant qui cesserait soudain d’être militant », annonçait la voix off en introduction) ne redescend pas. Même hors des récits directement sociaux, comme " Les Larmes de la juge ", ou " Les Maîtres de Dixie ", le film construit comme une mosaïque le portrait d’un personnage collectif : le peuple portugais. Peuple qui, à l’occasion d’une manifestation, se rassemble dans les derniers plans du film pour chanter l’hymne national. Peuple qui résiste sous plusieurs formes à la force policière, et à ce " gouvernement apparemment dénué de toute justice sociale " et notamment sous les traits de Simao Sans Tripe, fait prisonnier à la fin de l’épisode western du deuxième chapitre et qui reparaît sous des atours documentaires dans le troisième, libre comme l’air. " Presque tous les Portugais ont été appauvris par cette crise ", conclut tristement l’un des premiers cartons. Par l’éblouissement du récit, par son ampleur, Miguel Gomes cherche assurément à redonner à son peuple une forme de richesse, dont on gage que le spectateur n’aura pas fini d’en épuiser les sens et résonances, longtemps encore après cette projection magique de la Quinzaine. "
" Ce dernier volume se concentre sur l’exil de Schéhérazade qui part du palais où elle était captive
" Ce dernier volume se concentre sur l’exil de Schéhérazade qui part du palais où elle était captive puis sur les pinsonneurs. Ces éleveurs de volatiles chantants sont des passionnés, qui font songer tantôt à des supporters sportifs tantôt à des turfistes. Le film s’achèvera sur un des grands concours annuels de chants d’oiseaux, où le pinson qui réussit à chanter le plus d’airs différents remporte le premier prix. Si Gomes passe un long moment de la dernière partie du film à nous raconter la vie et les aspirations de ces éleveurs, pas question pour lui de nous révéler l’issue du concours. Cette confiance faite à l’intelligence du spectateur est une des spécificités des mille et une nuits. La plupart des metteurs en scène classiques auraient, pour une telle saga, envisagé un final en forme de feu d’artifice, multipliant les effets, pas Gomes.
Le réalisateur nous offre ici un condensé d’images d’une grande variété. Du film, de la vidéo, des archives, du noir et blanc, du split screen et des fondus à vous en faire tourner la tête. Les cartons n’ont jamais été aussi nombreux que dans cet opus des Mille et une nuits. On y retrouve le fameux extrait " et le jour venant à paraître, Schéhérazade se tait. " comme des indications sur l’identité des multiples personnages, leurs rêves et leurs querelles.Ce foisonnement, loin d’être désagréable, se révèle assez jouissif. Ce sont les limites de la narration classique que le réalisateur a tant à cœur de repousser qui sont défiées, et avec succès. Le spectateur a tout le loisir de choisir ce qu’il voudra retenir de ce voyage en absurdie. La quête d’absolu de la princesse Schéhérazade en fuite est celle de tout être humain : ressentir les choses plus fortes, plus belles.
La chanson "Perfidia" d’Alberto Dominguez ponctue le film de bout en bout, au fil de nombreuses versions, dont une interprêtée par Nat King Cole. Elle devient le nouvel hymne du Portugal à la Gomes, pour notre plus grand bonheur. Un pays libre mais pauvre, traversé par ses rêves et sa mélancolie.
Ainsi ce troisième volume des mille et une nuits est sans aucun doute le plus cosmopolite. Sur des images de manifestations dont il est impossible de dire s’il s’agit ou non d’archives, on entend une jeune chinoise nous raconter en chinois son histoire d’amour avec un Portugais. Schéhérazade se rend à Bagdad, qui prend tour à tour les traits de villes du Portugal ou de France, comme Marseille. Immersion du passé dans le présent : Quand la princesse lance à la mer une lampe où réside un génie, elle se fait traiter de crasseuse par de jeunes plongeurs. Quel meilleur moyen de réaffirmer la qualité intemporelle du film ? Ancien ou moderne, chacun pourra y lire un message.
En résulte un document pas menteur, une fiction surréaliste, un objet filmique non identifié qui nous en dit bien plus sur le Portugal contemporain que n’importe quel documentaire. On quitte le film un peu comme on dit adieu à un nouvel ami, plein des choses qui auraient pu se dire mais qui sont plus belles d’avoir été tues. "
" On l’a déjà dit et redit à l’endroit des précédents volets : le cinéaste et so
" On l’a déjà dit et redit à l’endroit des précédents volets : le cinéaste et son équipe ayant puisé dans les histoires les plus diverses survenues dans l’actualité du Portugal en crise dans le temps de sa production d’un an, histoires passées ensuite au tamis d’un imaginaire à la fois rêveur et combatif de conteur pasolinien, la manière dont furent édifiées ces Mille et Une Nuits actualisées en fait un territoire aussi intensément chimérique que politique, chaotique et versifié à la fois. La coulée d’un continuum narratif monstre qui ne cesse, d’un morceau d’épisode à l’autre, de se parasiter lui-même, comme pour mieux inviter l’esprit du spectateur à arpenter librement un monde dont il lui reviendrait de retracer, d’inventer lui-même les liaisons clandestines et les rimes riches à sa seule guise.
Chaque volet arbore certes sa tonalité et ses modalités propres : après le big bang fondateur du premier et la suite claire du deuxième, l’Enchanté joue à plein de surimpressions somptueuses et de fragments de textes imprimés aux plans pour se donner des airs de roman graphique. Mais tout, du serpentement d’un épisode à l’autre n’en fait pas moins boucle et résonance, si bien que l’on peut relever par exemple que chacun s’ouvre sur le mode d’une fugue. Fuite du cinéaste lui-même de son propre tournage dans l’Inquiet, cavale criminelle dans le Désolé, et enfin désertion ici de la princesse Shéhérazade, accablée de mélancolie par le fonds commun de tristesse des fables relatées jusque-là pour sauver sa tête de la cruauté sans visage du roi.
Son échappée dionysiaque, gorgée de musiques et de diverses langues, sillonne le Bagdad fantoche d’une " Antiquité du temps ", quand la cité, creuset d’innombrables mythes et folklores, aurait été encore baignée par la mer avant que celle-ci ne s’assèche et se transforme en désert. Où la conteuse fraie avec plongeurs, voleurs, danseurs, super-héros queutard, pêcheurs de seiches, arpenteurs de mondes sous-marins, génies ni bons ni mauvais, avant d’être sermonnée par son vizir de père et, passée cette promenade ensorceleuse aux reflets d’or, de reprendre le cours de son récit, le temps d’une ultime histoire. A la fois peut-être la plus sidérante entre toutes celles contées jusqu’alors et celle qui apparaît la moins ornée des artifices de la fiction - le portrait d’une communauté de déshérités aux mœurs très codifiées, dont l’unique obsession et le souverain sortilège, dans un décor de cité bétonnée érigée en bordure d’aéroport sur les vestiges de bidonvilles, n’est autre que le chant entêtant des pinsons. Comme si le cinéaste s’inclinait ultimement devant cette puissance intime et secrète de ce monde, cette société et ce peuple tourmentés qu’il dépeint, à concevoir d’eux-mêmes, par la grâce d’un pacte retissé avec la nature, la parade réenchanteresse aux plus cruels caprices du réel. "
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