Paul Schrader : " Mishima a violé les règles de l’art."
Dans un entretien avec Jean-Luc Douin paru dans Télérama lors de la présentation du film au festival de Cannes, l1
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Mishima, écrivain, artiste, acteur, homme politique le plus célèbre du Japon, se réveille le 25 novembre 1970. Il a 45 ans et s'apprête à se suicider.
L'écrivain, artiste, acteur, homme politique le plus célèbre du Japon, Yukio Mishima, surnommé le Kamikaze de la beauté, se réveille le 25 novembre 1970. Il a 45 ans, s'apprête à se suicider dans la grande tradition Samouraï Hara-kiri. Avant de commettre cet acte ultime, il se remémore sa vie, faite de traumatismes et de passion.
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"A la fois ambitieux, maîtrisé et original, le Mishima de Paul Schrader tranche sur un cinéma mondial devenu
"A la fois ambitieux, maîtrisé et original, le Mishima de Paul Schrader tranche sur un cinéma mondial devenu timoré, d'autant qu’il s’agit d'une production importante. (...) Schrader ne se contente pas de raconter une vie linéairement. Il adopte un parti pris de récits fragmentés d'une grande audace structurelle et qu'il tient jusqu’au bout malgré les risques de confusion.
L'axe de la narration, formée de quatre parties, est l'évocation du dernier jour de la vie de Mishima, ce 25 novembre 1970, où, après avoir pris en otage un général, il harangua les militaires d'un régiment d’infanterie avant de commettre le seppuku (ce que nous appelons hara-kiri). Se greffent sur ce récit des souvenirs de sa vie et des extraits mis en scène de ses romans qui éclairent dans leur fantasmatique la personnalité de l’écrivain. La chronique du dernier jour est traitée dans un style réaliste, les flash-back en noir et blanc adoptent l’esthétique du cinéma japonais classique à la Maruse, les morceaux de fiction se voient traités par la grande décoratrice et graphiste Eiko Ishioka dans un registre stylisé qui se rapproche pourtant de plus en plus de la réalité. Elle part des tons dorés propres au paravent nippon dans le Pavillon d’or pour arriver au seppuku dans la neige de Chevaux échappés, en passant par les couleurs vulgaires et pop de la Maison de Kyoto.
Ces trois fils conducteurs convergent dans la partie finale, l'Harmonie de la plume et du sabre, où Mishima atteint l'extase finale, l’union du mot et de l'action ne pouvant s’accomplir que dans la mort, une mort mise en seine comme une oeuvre d’art, puisque l'esthétique est la seule réponse à la vie. Il rejoint alors les héros de ses fictions, le moine du Pavillon d'or épris de beauté qui, exaspéré par la perfection du temple, y mit le feu : l'acteur narcissique de la Maison de Kyoto qui subit les sévices de sa maîtresse avant de mourir avec elle ; le terroriste d'extrême droite de Chevaux échappés qui, après des assassinats politiques, se suicide devant le soleil levant. Ainsi, tour à tour, trois parties consacrées à la beauté, à l'art et à l’action explorent la personnalité complexe de Mishima pour éclairer son geste final.
On reprochera peut-être à ce film, d’une intelligence et d’une clarté remarquables, son approche froide et distancée. C'était le seul moyen pourtant de ne pas tomber dans les risques d'une exaltation douteuse. Schrader ne juge pas. Il analyse, tout en laissant sourdre une émotion certes toujours contenue, l'enfance d’un chef, son adolescence et la découverte de l'homosexualité, l’âge mûr et l’engagement politique. Le nationalisme de Mishima, qu'un Occidental qualifierait de "fascinant", est fondé sur le désir d'une perfection impossible et une pulsion de mort irrésistible face à la décrépitude du corps. (...)
Schrader, puritain du Middle West, comprend, n’en doutons pas, son héros de l’intérieur. Ses films précédents (Hardcore, American Gigolo ou la Féline) parlaient de sexe et de mort. Et plus encore ses scénarios pour Scorsese, Taxi Driver et Raging Bull, le premier surtout, où Robert De Niro voulait se purifier par la destruction. On pouvait craindre qu'avec Mishima Schrader ne se livre à une débauche de violence, tant le sujet s’y prêtait. Au contraire, chaque partie s'arrête au moment du geste décisif, dans un même refus du spectaculaire. Comme Colonel Redl, d’Istvan Szabo, Mishima nous offre un portrait psycho-social d’une grande complexité. (...) Et ce n’est pas le moindre mérite de Schrader, connaisseur du Japon depuis longtemps, d’avoir su cerner avec humilité et ferveur un univers culturel éloigné du sien."
" La vie, la mort, l’œuvre de Mishima à travers un film qui est en soi un grand cérémonial déd
" La vie, la mort, l’œuvre de Mishima à travers un film qui est en soi un grand cérémonial dédié à l’art et à l’action. (...) Faire un film sur un écrivain japonais qui avait mis en scène sa vie et sa mort elle-même, à travers un rituel exhibitionniste, ne pouvait que tenter Schrader, fasciné depuis toujours par les personnages dont la conscience vacille.
Mishima-le-film est à la mesure de Mishima, homme d’action et écrivain adulé. Chacun des quatre actes de ce puzzle tourne autour du sacrifice rituel de Mishima par hara-kiri, le 25 novembre 1970, mêlant étroitement souvenirs d’enfance et de jeunesse à des extraits de quelques-unes de ses œuvres théâtrales. Si étroitement, au demeurant, que la vie et la fiction finissent par ne plus former qu’une seule et même pâte, une seule et même quête, sans le moindre hiatus. Le hiératisme et la théâtralisation de la vie de Mishima deviennent ainsi ceux du film de Schrader. Adéquation parfaite, œuvre troublante. "
" Comment Paul Schrader, un cinéaste ayant démontré (avec brio, souvent) qu’il malaxait ses pré
" Comment Paul Schrader, un cinéaste ayant démontré (avec brio, souvent) qu’il malaxait ses préoccupations métaphysiques et même théologiques dans un cocktail de violence et de sophistication érotique, allait-il raconter la vie de cet écrivain torturé et égocentrique? Cet homme, hanté à la fois par la pureté et la paranoïa, allait-il sacrifier au spectacle pour mettre en images les tourments de ce samouraï qui se croyait saint et martyr?
L’affaire était d’autant plus épineuse (et passionnante) que, dans tout ce qui touche à Mishima, on se heurte à l’image et à ses ambiguïtés. Il y a l’image que Mishima voulait que l’on ait de lui, celle que sa veuve entendait imposer (un lifting radical), celle que ses éditeurs américains se font de leur fructueux protégé (ils avaient refusé de publier Confession d'un masque par crainte que les révélations internes de l’auteur ne ternissent sa notoriété).
Première (bonne) surprise: Paul Schrader a opté pour sa propre image. Entendez: l’image que lui se faisait de Mishima (elle est plus que convaincante) et l’image qu’il se fait de lui-même et de ses héros. Loin de succomber à la dévotion, au racolage spectaculaire, il signe un opéra biographique qui, tout en semblant ne trahir en rien l’âme du défunt, s’inscrit dans le droit fil de ses préoccupations. Dans la lignée des héros de Taxi driver, American gigolo ou Raging bull, Mishima apparaît comme un homme perdu dans la foule, spectateur d’un monde dont il se sent exclu, s’astreignant à un entraînement physique rigoureux afin de sublimer ses complexes, cherchant une justification mystique à sa quête infernale.
Second bon point: la construction du film qui rend évidente l'étonnante osmose entre la vie (filmée en noir et blanc) et l’œuvre (reconstituée en décors théâtraux, stylisés, en couleurs) de Mishima. (...)
Et, tout à coup, Mishima se réalise en couleurs. Entouré de ses disciples, il se rend au quartier général des forces armées, kidnappe le générai en chef, harangue les troupes de la garnison afin de réveiller leur ardeur patriotique. Ne provoquant que chahut et quolibets, il se suicide par hara-kiri, avant que son fidèle lieutenant ne le décapite... et ne s'éventre à son tour. La tradition japonaise de l’union du chrysanthème et du sabre a été respectée. Mishima a réussi à faire de sa mort une œuvre d’art. Il a, selon Schrader, réussi à exister aux yeux des autres, sans jamais se renier, et sans doute après s’être beaucoup supplicié. Ce qui, malgré les troubles options qui rythmèrent son existence, interdit à quiconque de le juger."
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