Serge Le Péron : Wiseman, le documentaire comme technique de guerre ?
Le critique de cinéma Serge Le Péron établit un lien entre la mise en scène de Frederick Wiseman et les tactiques1
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Frederick Wiseman filme l'activité quotidienne des civils et militaires américains de la zone démilitarisée au centre de la péninsule du Sinaï...
Après la guerre du Kippour en 1973, un accord sur le Sinaï prévoit au centre de la péninsule, une zone démilitarisée contrôlée par l'ONU et l'équipe américaine de la Sinaï Field Mission. Frederick Wiseman filme l'activité quotidienne des civils et militaires américains, de la vie communautaire à l'intérieur de la base aux problèmes de voisinage avec les soldats de l'ONU...
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" Il s'agit de la mission américaine envoyée dans le Sinaï au début du rapprochement égypto-israélien, destinée à garantir une zone tampon d
" Il s'agit de la mission américaine envoyée dans le Sinaï au début du rapprochement égypto-israélien, destinée à garantir une zone tampon de paix entre les deux parties. C'est donc un sujet typiquement Wisemanien puisque le référentiel américain est loin (nous sommes dans le désert du Sinaï) et il se survit dans une série de gestes, de rituels, de techniques.
Ce qui est filmé, c'est au fond les problèmes d'intendance, les problèmes pratiques, les obstacles techniques... rencontrés par les responsables d'un territoire délimité pour y pacifier la vie ; ces modalités de la paix civile sont filmées comme la continuation de la guerre par d'autres moyens.
C'est le prolongement de ce film que Godard n'a jamais tourné sur les problèmes de gestion rencontrés par le responsable d'un camp d'extermination nazi. L'horreur ne se situe plus au niveau du référent, mais dans le degré d'abstraction atteint. Cela produit des effets de cinéma fantastique et à certains moments une véritable dramaturgie de comédie musicale (la fin !).
Dans ce monde où il s'agit de découper des toasts avec une machine à jambon, de tenir à jour des fiches de payes, de gérer du temps libre (jeux électroniques, TV égyptienne, pingpong, babyfoot), le réel montre parfois ironiquement son nez.
Au détour d'une conversation entre un officier égyptien et un officiel américain par exemple : on y apprend soudain que l'enjeu de la discussion de science-fiction qu'ils mènent depuis de longues minutes pourrait bien être la préservation ou non d'un certain nombre de vies humaines. On frémit. "
" Quelque part dans le désert du Sinaï : suite aux accords de Camp David, une zone tampon a été instituée entre l'Egypte et Israël, après l
" Quelque part dans le désert du Sinaï : suite aux accords de Camp David, une zone tampon a été instituée entre l'Egypte et Israël, après le conflit de 1973. Et pour surveiller cette zone a été installé, sous l'égide des Nations-Unies, un poste d'observation " high tech " regroupant techniciens et militaires américains : c'est la Sinai Field Mission. Il s'agit donc d'intervenir pour le bien général. " Nous sommes des arbitres… " affirme l'un des officiers de l'US Army.
Des voix américaines résonnent dans les haut-parleurs sur des lieux apparemment déserts. Installée dans des préfabriqués aveugles, entourée de barbelés, 'Sinai Field Mission', c'est quelque cent-cinquante personnes " in the middle of nowhere ", selon l'expression consacrée. Et c'est un peu une nouvelle version du Désert des Tartares, le roman de Dino Buzzati…
Divers systèmes et procédures de contrôle plus ou moins sophistiqués ont été institués. Surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La méfiance règne. La communication est difficile. Un incident est toujours possible, et peut tourner au tragique.
Pour le personnel de SFM, tout a été fait pour reconstituer l'" American Way of Life " dans ces lieux inhospitaliers. Mais, dans l'équipe SFM, les rapports entre les militaires et les civils ne sont pas toujours faciles. On s'ennuie ferme. On attend les permissions. On attend surtout la fin du contrat et le retour au pays. Parfois, la bière coule à flots…
A la fin du film, la cérémonie militaire de la passation des pouvoirs est un morceau de bravoure où William Brayne et Wiseman s'en donnent à coeur joie. Les troupes ghanéennes sont venues prendre la relève et, devant un parterre d'officiels et de galonnés divers, paradent sur le modèle de Rule Britannia. La scène n'est pas sans pathétique… "
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