Les Rendez-vous d'Avril d'Universciné
Départ ce mois-ci en Hongrie, dans une ville soudainement terrorisée par un gang de chiens ; au Mali, où les habit1
Navigateur non compatible. Veuillez utiliser un navigateur récent
Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible avec sa famille. Mais leur destin va basculer.
Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
" En avril 2012, la ville de Tombouctou tomba aux mains des djihadistes, qui soumirent la population à la loi islamique, jusqu&
" En avril 2012, la ville de Tombouctou tomba aux mains des djihadistes, qui soumirent la population à la loi islamique, jusqu'à l'intervention des militaires français et maliens, en janvier 2013. Avec une réactivité digne de Hollywood, où l'actualité brûlante est vite recyclée en sujet de film, le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako reconstitue cette occupation pour le grand écran. Il le fait avec une formidable liberté. Timbuktu n'a rien de ces films à chaud, mimant l'urgence d'une réalité bouleversée. C'est une oeuvre réfléchie qui affirme ses choix, souvent audacieux. Une oeuvre de courage.
Une gazelle s'enfuit, poursuivie par des djihadistes dans une jeep. Des masques africains traditionnels se brisent sous les balles. Dès les premières images, Sissako, qui a un oeil d'esthète (Bamako, 2006), parle dans un langage visuel, symbolique et universel. Un Touareg qui vit avec sa femme et sa fille dans les dunes, près de Tombouctou, incarne le bonheur, l'harmonie — presque trop parfaitement. Mais autour d'eux, les autres tentes ont disparu : la terreur a fait le vide. L'image du bonheur est donc aussi l'image d'une résistance. Comme celle de ce groupe d'amis qui, dans la nuit, chantent et font de la musique. La scène prend une valeur exemplaire : gratter une guitare, c'est braver l'interdit de la loi islamique. Fredonner une chanson, c'est un cri d'indépendance.
Les extrémistes religieux ont rendu la population de Tombouctou héroïque, nous dit Sissako. D'une femme qui vendait des poissons dans les rues, ils ont fait une allégorie de la liberté : parce qu'elle a refusé de se soumettre à leur pouvoir et de couvrir ses mains. La logique des représentations traditionnelles s'inverse : les asservis sont montrés avec grandeur, comme des icônes, et les oppresseurs sont, eux, des figures presque banales. L'un d'entre eux, Abdelkrim, est un homme en conflit avec les interdits qu'il est chargé de faire respecter et avec les désirs qu'il est censé condamner. Il se cache pour fumer, il convoite une femme mariée qu'il courtise comme un adolescent maladroit et ridicule.
Faire des fanatiques des histrions de comédie, c'est leur infliger une gifle magistrale. Dans la guerre de l'organisation de l'Etat islamique, les images des combattants (notamment français) sont des outils de propagande. Dans Timbuktu, le pouvoir de ces images est brisé : les guerriers ne sont que des pantins. Depuis sa présentation à Cannes, où le jury l'a incompréhensiblement ignoré, le film paraît avoir encore gagné en pertinence. Chaque plan ruine l'entreprise de terreur des djihadistes. Sans, pourtant, mésestimer leur pouvoir. Quand l'horreur surgit (la lapidation), elle est repoussée par une scène étonnante où Abdelkrim, envoûté peut-être par une magicienne de la ville, dépose les armes et se met à danser, à faire l'oiseau.
Aux barbares obnubilés par des sacrilèges minuscules (un ourlet de pantalon trop court ou trop long), le film oppose une vision plus vaste. Une interrogation sur l'humanité et la violence. Au milieu d'une étendue d'eau dans le désert, un homme en tue un autre et ce crime n'a rien à voir avec l'islam. Dans ce décor presque biblique, c'est une haine et un meurtre à la Caïn et Abel qui ont surgi, vieux comme le monde. Heureusement, des lois, des valeurs demeurent pour celui qui reconnaît sa faute, pour celui qui pardonne. La sauvagerie n'est jamais devenue la norme. Toutes les tyrannies ont été combattues et celle des djihadistes ne triomphera pas, affirme Sissako. Qui admet seulement leur pouvoir de nous jeter dans un monde chaotique : il le décrit sur le ton de la fable à travers l'histoire d'une vache perdue, qui s'appelait GPS... Pour nous aider à ne pas être désorientés restent l'intelligence, l'esprit, l'humour, le raffinement, la beauté. Toutes les qualités de Timbuktu. "
" Des jihadistes imposent la charia au cœur du Sahel. Un état des lieux tour à tour ouaté, poétique
" Des jihadistes imposent la charia au cœur du Sahel. Un état des lieux tour à tour ouaté, poétique et déchirant.
Le film s’ouvre sur sa séquence rêvée : une gazelle terrifiée décampe, enserrée dans un plan minuscule qui la suit comme le ferait le viseur d’un fusil ; derrière elle surgit un pick-up garni de miliciens idiots, joyeux, bruyants, brandissant leurs kalachnikovs pour jouer à tuer.
Toute simple, limpide, c’est la séquence rêvée de Timbuktu parce qu’elle contient les deux vitesses du film, parvenant d’une part à remplir son rôle pédagogique, toujours juste quoi qu’un peu rentre-dedans (en gros : sortir la caisse à outils de la fiction pour adresser un “ J’accuse ” aux djihadistes maghrébins), et d’autre part à faire gronder par en-dessous sa puissance d’évocation en basse continue, avec une telle force, chargée de silence et d’abstraction, que le fait politique commence à déborder de toutes parts.
Timbuktu est ainsi fait : un grand imagier de l’Afrique meurtrie, qui vibre de quelque chose d’inactuel ; un travail de “ couverture ” (comme un journaliste couvre un événement) à la ligne de conduite irréprochable, mais aux résonances lointaines, détachées du temps présent, du djihad, d’Aqmi, du conflit malien.
C’est d’ailleurs l’écho d’une autre séquence d’introduction, loin, très loin de l’Afrique : celle de The Thing de John Carpenter, où des hélicoptères remplis d’hommes armés poursuivaient un husky dans les neiges antarctiques, et où par le même paradoxe brutal (utiliser l’artillerie de guerre pour chasser un animal) le film s’élançait avec cette violence absurde comme on traîne une casserole.
De la violence, il sera beaucoup question dans Timbuktu. Elle n’explose pas comme dans une guerre : elle arrive lentement, se met à planer dans l’air. Entre les dunes du Sahel, dans le calme pastoral, des djihadistes se sont mis à arpenter les villages et le désert environnant pour faire régner la loi islamique. Détail frappant : tout le contraire de bêtes de guerre, ces miliciens sont des soldats falots, souvent jeunes, des sortes de légionnaires d’Astérix, qui bafouillent devant la caméra censée enregistrer leur sermon, ou maîtrisent mal l’arabe de la guerre sainte et doivent, penauds, passer à l’anglais pour se faire mieux comprendre.
Le film se pose comme une grande fresque sur cette coexistence, celle des musulmans paisibles, pas encore soumis à l’intégrisme, et celle des nouveaux soldats de Dieu, venus d’on ne sait où, d’un pays qu’on dirait à la fois lointain et voisin – “ une longue histoire ”, dira l’un d’entre eux avec un sens consommé du mystère.
Le brassage des interdits religieux justifie sa forme quasi chorale, et le fait aussi fleurir comme un grand arbre aux fruits tous différents : une parenthèse sur le sport donne lieu à une somptueuse scène de football sans ballon, évoquant le tennis de Blow up ; celle sur la musique vient régulièrement réchauffer le film d’un blues malien à la Farka Touré (Ali ou Vieux, choisissez) ; quant à l’effroyable scène de lapidation d’un couple, isolée, inexpliquée, on croirait y voir une version tragiquement résignée des Amants crucifiés de Kenji Mizoguchi.
Un seul fil rouge, le jugement d’un meurtre (celui d’un pêcheur par un bouvier, venu venger une vache bêtement abattue), forme le cœur sombre et lourd de Timbuktu. Un film dans le film, grave et solennel, porté par un personnage que sa pieuse détermination rend absolument déchirant : il n’implore même pas le pardon de son Dieu.
C’est sans doute cela qui fait retentir Timbuktu bien au-delà du contemporain : parce qu’avant d’y être question de guerre, il y est question de religion, et pas tant de la vie des croyants du XXIe siècle, mais d’une spiritualité suspendue, étrange, inhérente aux lieux, à leur abstraction. L’Afrique contemporaine y devient un eden pastoral, où l’on ne brise le blanc silence que pour manger, boire et prier ; et les soldats qui la perforent incarnent le jihad, bien sûr, mais plus largement une certaine idée du bruit parasite, du péché de colère. Ce qu’a fait Sissako, ce n’est pas la capture d’un moment contemporain, mais celle d’un mythe éternel : celui du paradis violé. "
" Timbuktu est un film orphelin. Orphelin des prix qu'il aurait dû remporter lors du dernier Festival de Cannes&nb
" Timbuktu est un film orphelin. Orphelin des prix qu'il aurait dû remporter lors du dernier Festival de Cannes et que, par un soin quasi stakhanoviste, les membres du jury, emmenés par la présidente Jane Campion, ont choisi d'écarter. Les hypothèses pour tenter d'expliquer cette absence injuste et injustifiée furent nombreuses. Y compris diplomatiques, à cause de la présence d'une jurée iranienne. Mais aucune ne tient la route.
Aucune ne venge cet affront fait au cinéma, à la cinéphilie et au Malien Abderrahmane Sissako, cinéaste majeur (La vie sur Terre, Bamako), qui signe là l'un de ses films les plus accomplis. Une oeuvre à la force poétique et testimoniale salutaire autant qu'indispensable. Alors il faut, avec l'espoir que cela aura un quelconque effet, défendre à nouveau le film. Soutenir encore une fois le splendide Timbuktu et affirmer plus que jamais sa beauté formelle, sa puissance émotionnelle et son indéniable courage.
La ville de Tombouctou est tombée aux mains des djihadistes. Jour après jour, sur leurs motos, armes en bandoulière, mégaphone à la main, ils exhortent la population à ne pas écouter de musique, à porter des chaussettes... Et autres diktats absurdes qui prêteraient à sourire s'ils n'attestaient pas, jusqu'au tragique, de la bêtise de ces hommes autoproclamés soldats d'un dieu qui ne pourrait pourtant, à aucun moment, cautionner toutes leurs dérives. À l'écart de cette cité assiégée, le jeune Kidane vit paisiblement avec ses parents. Une existence qui bascule le jour où son père ira se venger du pêcheur qui a tué sa vache et subira la justice expéditive des religieux extrémistes.
En soulignant l'intolérance de ces derniers et leur obstination stérile, d'une écriture à la fois perfide, satirique et lucide (savoureuse scène de ces hommes qui proscrivent le foot mais discutent des résultats de l'équipe française en Coupe du monde), Abderrahmane Sissako n'édulcore pas son propos. Bien au contraire. L'humour dont il sait faire preuve, nuancé et subtilement distillé, a, par simple effet de contraste, une vertu encore plus glaçante, encore plus inquiétante. Car il souligne l'impuissance de la communauté internationale à venir en aide à ces hommes, et surtout ces femmes, victimes d'obscurantisme.
Les femmes, justement. C'est à elles que Sissako rend hommage. Pour leur courage. Et leur manière obstinée de refuser de céder aux menaces. Ici, cette vendeuse de poissons qui ne veut pas porter de gants, élément vestimentaire bien peu pratique pour son commerce. Là, une autre qui refuse de céder sa fille à ce soldat qui détourne le texte coranique à son avantage pour la ravir à ses parents. Ou encore cette femme hirsute et impériale qui arpente les rues désertes et insulte farouchement ces ennemis de l'islam qui prétendent pourtant agir en son nom.
Cette audace est également celle du cinéaste. Refusant les dogmes et la pesanteur du message idéologique, Sissako ose de sublimes images de cinéma. Des moments de grâce poétique et surréaliste suspendus, que seuls la valeur de cadre, la musique, le montage, le relief sonore ainsi que le mouvement de caméra peuvent édifier. Son radicalisme n'est pas dans le discours mais dans cette conviction absolue de l'acte artistique. Oser la beauté, la dérision et le décalage surréaliste (une danse en transe montée en parallèle d'une scène de lapidation) vaut bien plus que tous les discours.
C'est affirmer le pouvoir universel du 7e art contre la terreur et la bêtise. L'art comme vecteur d'idées et d'émotions, avec cette modestie de savoir qu'un film ne change hélas rien à la situation dramatique du monde, mais qu'il peut sensibiliser, mobiliser et faire prendre conscience. C'est ainsi que Timbuktu foudroie, bouleverse, mobilise et galvanise... Un magistral moment de cinéma. "
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE