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Woyzeck est soldat dans une petite ville de garnison au milieu du XIXe siècle. Il vit avec sa femme et son enfant illégitime. Un soir, il tombe dans la folie.
Le soldat Woyzeck est installé avec sa femme Marie et son jeune enfant dans une petite ville calme de la campagne allemande. Méprisé par ses supérieurs, maltraité par le médecin militaire qui l'utilise comme cobaye de ses expériences, moqué par ses camarades de la garnison, Woyzeck souffre de plus en plus des humiliations qu'il subit.
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" On imagine ce qui a fasciné Herzog dans l’histoire du soldat Woyzeck, soumis à la persécution de son capi
" On imagine ce qui a fasciné Herzog dans l’histoire du soldat Woyzeck, soumis à la persécution de son capitaine et d’un docteur sadique et qui croit tuer sa souffrance en tuant sa femme. Woyzeck subit les discours philosophiques du capitaine ; se fait tâter, moquer, manipuler comme un cadavre sur la table de dissection ; devient un automate ; et ce personnage nous est depuis longtemps familier : c’est Bruno S..., humilié par les truands de Berlin, ou Gaspard, désarmé devant les conventions sociales qu’il ignore.
Les deux persécuteurs, le capitaine qui pérore, le docteur qui fait de sa science un outil de torture, incarnent ce que Herzog hait : le rationalisme dégradé en philistinisme. Et même cette névrose de Woyzeck saisi de peur au crépuscule, fait écho au vertige où sombrent le prophète de Cœur de verre, ou la femme de Nosferatu. Le personnage de Büchner, comme les humiliés de Herzog, n’a pas accès au langage ni à la conscience enfoui dans une douleur qu’il ne peut écarter en se la représentant. Ce qu’on imaginait mal, en revanche, c’est que le flamboyant Herzog se dépouillerait de sa richesse visuelle, que son super-acteur Kinski renoncerait à sa rhétorique gestuelle pour restituer dans sa rigueur l’univers de Büchner (...).
" Le moindre frémissement de souffrance, se montrerait-il seulement dans un atome, bouleverse l’univers de haut en bas. " Ce texte de La Mort de Danton peut définir ce que nous aimons dans l’œuvre de Herzog. Après Woyzeck on voudrait voir enfin le film qu’il a consacré aux aveugles et sourds, Le Pays du silence et de l’obscurité. "
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" (...) Il lui fallait surtout l’acteur pour incarner toute la douleur et le désespoir du personnage. À l’écran, Kinski est l’image même d’un être brisé et perdu. Il est comme nu devant la caméra, Herzog utilise la fatigue de l’acteur qui ressort épuisé du tournage de Nosferatu. C’est la seule manière pour lui de cueillir ce dénuement et cette tristesse qu’il connaît de Kinski mais que ce dernier cache constamment derrière son incontrôlable folie et son exubérance. Sa fatigue perce l’écran et cette aura que l’on qualifiera maladroitement de " folie exsangue " qui émane de lui imprègne tout le film.
La prestation de Kinski est proprement extraordinaire : chacun de ses gestes sonne juste (doux avec Marie et Andrès, figés et craintifs avec le médecin et ses supérieurs) et chacune de ses expression est bouleversante. Il incarne dans son corps la douleur, la souffrance, les tourments. Il est comme plié de l’intérieur, comme si son enveloppe corporelle ne contenait plus que les morceaux brisés de ce qui autrefois a été un homme.
Herzog découpe son film en longues séquences qu’il tourne à chaque fois d’une traite. Le rythme naît des phrases, des gestes et des regards des acteurs, des lumières, des cadres. La photographie est splendide, mais très simple, tout comme les décors. Herzog n’utilise pas du tout une esthétique de la misère ou de la noirceur. L’histoire de Woyzeck ne nécessite aucunement d’en rajouter dans le pathos mais à n’en pas douter d’autres cinéastes auraient appuyés encore sur le côté sordide de l’histoire. Herzog travaille au contraire sur une image très belle, très soignée, sur des éclairages très doux et des touches de couleurs flamboyantes. L’aspect visuel du film vient ainsi en contrepoint au drame qui se joue, ce qui isole encore plus Woyzeck qui souffre et se meurt alors que la vie se déploie autour de lui toujours aussi belle et fascinante (...).
Présenté à Cannes, le film est accueilli très tièdement. Les critiques, il y a encore peu passionnés par le travail d’Herzog, boudent le film ou n’ont même pas la curiosité de se pencher dessus. Woyzeck est pourtant une proposition de cinéma étonnante et moderne, très stylisée et rigoureuse, toutes choses qui ne l’empêchent pas – bien au contraire – d’être aussi une œuvre bouleversante et pleine d’humanité. "
" (...) Car l’on retrouve ici l’un des thèmes préférés de Herzog, ce visionnaire du pré
" (...) Car l’on retrouve ici l’un des thèmes préférés de Herzog, ce visionnaire du présent, hanté par l’idée que tant de nos actes n’ont pour but que de " montrer au monde que l’on est toujours là ". Ce qu’il advient par la suite de Woyzeck a-t-il encore de l’importance? Alors que lancinante et profonde, la question est désormais gravée au fond de nous: "Quelle faute, quel péché a pu commettre Woyzeck qui soit le prix de ce sacrifice ?".
Pour mettre en scène cette tragédie qui nous concerne tous, Herzog a choisi de jouer la carte de la simplicité. Refusant tout effet superflu, transparente, quasi-théâtrale — d’aucuns diront plate— la mise en scène laisse voir la tragédie dans son dénuement. On est loin des somptueux mouvements de caméra d'Aguirre, mais, pour dire la détresse, ne sait-on pas depuis longtemps qu’un seul visage parle plus qu’un long voyage ? Ce choix de Werner Herzog n’est d’ailleurs pas dissociable de celui des acteurs qu’il utilise et de leur incroyable force d’expression. Pour évoquer la performance de Klaus Kinski le terme d’envoûtement est, sans doute, le plus approprié. On se demandera toujours comment les jurés de Cannes ont pu oublier cet acteur hors du commun. Mais on aurait tort d’oublier pour autant Eva. Mattes qui nous bouleverse à chaque plan à force de sensibilité.
A comme Aguirre... B comme Bruno... W comme Woyzeck : voici donc Herzog sur le point d’achever son alphabet de la solitude et de la folie. Avec derrière lui déjà tant de films lancés à contre-courant comme des bouteilles qui luttent contre la marée, pour nous dire une vérité peut-être... ultime : " L’homme est un gouffre... Il est pris de vertige, celui qui y plonge le regard ". "
" Des êtres enfermés dans un subtil réseau d’habitudes bourgeoises, une ville dont le périmètr
" Des êtres enfermés dans un subtil réseau d’habitudes bourgeoises, une ville dont le périmètre géographique et moral semble à jamais fermé, des gestes métronomiques et des attitudes mentales dictées par un souci de pure et dérisoire rationalité... L’entière vision du monde de Werner Herzog se trouve comme concentrée dans ce film dont la limpidité et la concision formelles inspirent une angoisse indicible. Car derrière ces misérables simulacres, tels que les représente une petite ville de garnison autrichienne à la fin du siècle dernier, de bien singuliers et terrifiants espaces se dévoilent dans les hallucinations de celui dont le dramaturge allemand Georg Büchner avait imaginé le martyre.
De la pièce célèbre de Büchner, Werner Herzog a respecté la lettre, et très scrupuleusement, mais je crois bien qu’il en a considérablement dépassé l’esprit. En effet, le pauvre soldat Woyzeck n’est plus seulement le malheureux débile impitoyablement broyé dans les rouages de l'institution militaire, mais un visionnaire hanté par les tensions de l’univers, et sans doute est-ce la raison pour laquelle son existence même constitue un scandale intolérable, et un sujet d’étonnement pour tous les Diafoirus du monde. Quand les autres arpentent le cercle désespérément clos de leurs petites certitudes, Woyzeck est à l’écoute de l'infini, et quand le silence s'étend sur la ville, il entend le grondement des abysses.
La grande souffrance de Woyzeck, comme celle de l’orphelin de L'Enigme de Kaspar Hauser, tient alors à l'impossibilité qui lui est faite de communiquer les messages que lui transmet son inconscient, et à cet égard ce film essentiellement romantique interpelle nos plus profondes inquiétudes. La civilisation occidentale pourrait bien périr dans une sorte d’entropie spirituelle, faute d’avoir fermé ses oreilles à la parole de ceux qui savent le langage des étoiles...
L’extrême puissance suggestive du Woyzeck de Werner Herzog est d’autant plus impressionnante qu’il n’y a dans ce chef-d’œuvre aucune espèce de rhétorique. La mise en scène enferme l’humanité dans une construction cinématographique parfaite, et c’est avec une objectivité redoutable, avec un détachement quasiment insoutenable, que le cinéaste allemand se fait le greffier de ses mesquines aliénations. Mais une formidable et douloureuse sensation de délivrance et de grandeur nous empoigne dès que Woyzeck apparaît, comme si la transe panique qui l’habite nous mettait, nous spectateurs, en communication avec l’au-delà du monde visible. Infiniment plus proche de Hölderlin que de Büchner, le film de Werner Herzog retrouve alors l’essence même de la tragédie. "
" (...) Mais cette fois, ange apocalyptique descendu d’une crucifixion de Dürer, un acteur, Klaus Kinski, s’est empar
" (...) Mais cette fois, ange apocalyptique descendu d’une crucifixion de Dürer, un acteur, Klaus Kinski, s’est emparé d’une œuvre, si prodigieusement présent qu’il n’y a plus laissé de place pour ce qui n’était pas lui. Adieu, grelots de Polichinelle, voire sourire de Gark Gable ou savoir-faire de Laurence Olivier ! Il n’y a plus ici, sous une forme inhumainement humaine, qu’une immense terreur qui, paradoxalement, n’inspirerait que la pitié.
Parler en cette occasion de son talent, cela serait insulter Klaus Kinski. On n’acclame pas un pauvre parce que sa façon de mendier arrache les larmes. Kinski échappe à toutes les classifications et même, croirait-on volontiers, à son propre contrôle. En fait, ce genre de performance défie les règles habituelles du jugement. Rarement un acteur aura été à ce point prisonnier du personnage qu’il incarne. Voyez comme il se cogne contre les parois invisibles de l'histoire, ainsi qu’un prisonnier s’accroche aux barreaux de sa geôle dans l’espoir qu’il pourra, en se haussant le col, découvrir un peu de ce bleu que le ciel lui refuse...
La vérité est que Woyzeck est l’une de ces rencontres qui demeurent uniques dans les plus fécondes carrières, et qui écrasent un comédien en le rendant pourtant plus grand. Ah ! qu’il a dû, Klaus Kinski, haïr ce rôle en l’adorant ! Tant que lui a collé à la peau cette brûlante et glaciale tunique de Nessus, s'est-il seulement rappelé que le monde ailleurs continuait de tourner ? Je ne le jurerais pas. De même ne suis-je pas sûr, comme son modèle et comme le poète qui en eut l'idée, qu’il n’ait pas à son tour, ne fût-ce qu’un moment, frôlé la folie. Il est toujours dangereux, dépassant les limites de l'Art, de faire trop fidèlement coïncider la trace réelle de ses pas et les empreintes imaginaires du malheur. Mais quand le succès couronne l'entreprise, et c’est le cas ici, comme ce malheur, soudain, se transforme en bonheur ! "
" Plus que de fidélité, c’est d’identification qu’il faut parler ici. Rarement communaut&eac
" Plus que de fidélité, c’est d’identification qu’il faut parler ici. Rarement communauté de coeur, de nerfs et d’âme entre un écrivain et un cinéaste fut plus frappante que dans ce Woyzeck cinématographique. Werner Herzog n’adapte pas Georg Büchner, il se projette ou se retrouve en lui. D’une pièce écrite en 1836 (pièce fragmentaire et qui fut publiée pour la première fois en 1879, c'est-à-dire quarante-deux ans après la mort de l’auteur), il se saisit comme d’une proie, et, sans chercher à la remodeler (comme le fit Aiban Berg en composant son célèbre opéra), il nous la restitue dans sa nudité et son halètement originels.
(...) On l’a compris : ce qui unit, à cent cinquante ans de distance, Büchner le dramaturge et Herzog le cinéaste, c'est leur vision hallucinée de ta souffrance humaine. Woyzeck est le frère de Kaspar Hauser, qui disait : « Les hommes pour moi sont comme des loups », le frère également de Bruno, le vagabond berlinois venu chercher, la mort au milieu des Indiens. Déshérité, abandonné comme eux, comme eux exilé du monde, réduit à l’état de sous-homme.
C’est en brèves séquences hachées (conformes au manuscrit posthume) que Werner Herzog nous décrit le calvaire de Woyzeck. Aucun esthétisme, aucun pittoresque, aucune sensiblerie dans la mise en scène. La rudesse, l’évidence d'un document à l’état brut. Récit que l’on dirait sculpté dans du granit ou gravé dans du métal. Chaque épisode fait mal, chaque image est une plongée au fond de l’angoisse. Et quand, bafoué par le seul être qu’il aime, Woyzeck en arrive à tuer l'indolente, la frivole Marie, quand lui-même se noie pour jeter toujours plus loin dans les eaux de l’étang son couteau ensanglanté, c’est avec la même âpreté, la même implacable rigueur (comme si nous avions dépassé le seuil de la pitié) qu’Herzog reconstitue le drame.
Woyzeck n’est pas un film aimable. L’abondance et la densité des dialogues le rendent difficile à suivre. Parfois on perd pied. Mais le choc que provoque cette tragédie de la misère morale est celui des grandes - œuvres. Et puis, avec son masque! de gargouille, ses gestes de robot, cette innocence, cet affolement, que nous lisons - dans son regard, l’extraordinaire Klaus Kinski est là pour nous guider et nous émouvoir."
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