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Depuis Aaltra, en 2004, le duo de scénaristes et réalisateurs formé par Gustave Kervern et Benoît Delépine abreuve les salles obscures de films teintés de cette folie qui n'appartient qu'à eux.
Si leurs films comportent souvent un humour déjanté, voir trash, mêlé à un engagement politique et social, on peut également y dénicher de vrais instants de poésie. Une drôle de poésie. Un peu brute, presque naïve, qui surgit au détour d'une scène -souvent clé- du film, faisant basculer l’histoire, le temps de quelques plans, vers une douceur inattendue.
Aujourd'hui riche de huit longs métrages, l'Œuvre du duo grolandais ne cesse de se renouveler et de surprendre son public. Les réalisateurs ont récemment entamé le tournage d’un nouveau long métrage : Mords-les, qui aura pour héroïne la chanteuse Brigitte Fontaine, ayant déjà fait une apparition chez les deux cinéastes en incarnant la mère des deux punks à chien du Grand soir, en 2011.
Afin de patienter avant le retour en salles du duo, nous vous proposons ici un classement subjectif de leurs films, ainsi qu’une sélection de ces séquences empreintes de poésie qui parcourent leur cinéma.
Monique, à la tête d’une communauté Emmaüs, voit débarquer chez elle son frère, obsédé par l’idée de devenir un riche patron.
Malgré un propos engagé et des thèmes chers aux réalisateurs, I Feel Good reste trop sage et sans surprise comparé à ce à quoi nous ont habitués les précédents films des réalisateurs. Restent les seconds rôles attachants et l'inventivité plastique qui transforme ce Emmaüs en véritable décor de cinéma.
La scène clé : les incursions récurrentes de musiciens créatifs, qui accompagnent leurs instruments avec l'électroménager stocké dans les entrepôts, pour jouer une musique de western joyeux.
Paul -alter ego de son interprète Michel Houellebecq- se réfugie dans la montagne, décidé à en finir avec la vie. Tour à tour mutique ou bavard, il déverse son spleen dans les paysages rocheux des Bouches-du-Rhône.
Le film est innatendu, étrange mais peut-être trop monotone pour maintenir un intérêt constant, malgré un Michel Houellebecq qui semble s'abandonner devant la caméra.
La scène clé : Paul empile des pierres pour se reconstituer une famille et, dans un salon imaginé, se livre à ses proches/minéraux, pour leur dire combien il les aime et comme ce sera plus simple et joyeux quand il aura disparu. Craquant le vernis de cynisme du personnage, les réalisateurs parviennent à donner de l'humanité et de l'empathie à un protagoniste jusqu'alors assez froid envers le monde qui l'entoure.
Des ouvrières licenciées sans préavis s’offrent les services d’un tueur à gages peu conventionnel pour accomplir leur vengeance.
Véritable brûlot, Louise-Michel est un film jouissif avec des scènes qui ressemblent à de véritables défouloirs. Le couple formé par Yolande Moreau et Bouli Lanners, habitués des films du duo, fonctionne à merveille et passe sans accroc de l'humour noir à la plus grande tendresse.
La scène clé : la naissance de l’enfant de Louise et Michel, qui apporte une touche d’espoir, d’innocence après le bain de sang et, peut-être, l’espoir d’un avenir meilleur.
5-Mammuth
Le récit de la quête administrative d’un retraité qui sillonne les routes de France sur sa fidèle moto, à la recherche de ses bulletins de salaire.
Ce road-trip (genre fétiche du duo) offre un rôle magnifique et sensible à Gérard Depardieu, impressionnant de sobriété. Mammuth est un film mélancolique, regorgeant de scènes douces et étranges portées, notamment, par des interprétes féminines impeccables.
La scène clé : Miss Ming, en irrésistible et lunaire nièce de Serge (Gérard Depardieu), invite son ogre d'oncle dans son monde délicat et enfantin et lui présente une réplique de lui-même constituée d’une accumulation de peluches, tout en lui déclamant de la poésie, lui offrant une pause, une parenthèse au milieu de cette folle chasse à la paperasse.
Au cours d’un road-trip alcoolisé, un père cherche à se rapprocher de son fils qu’il emmène sur la route des vins.
Ce qui se dégage de Saint Amour, c'est surtout la cohésion évidente entre les comédiens, dont le plaisir à jouer transparait à l'écran. Les cinéastes y trouvent un équilibre subtil entre un humour parfois potache et des scènes d'émotion d'une grande douceur.
La scène clé : Céline Sallette, qui incarne Vénus, l'un des personnages féminins du film, participe à l’une de ses plus belles scènes en traversant Paris à cru sur un cheval, sublime amazone dont la folle chevelure rousse semble prête à s'enflammer dans la lumière dorée des quais de Seine.
3-Aaltra
Le premier film des réalisateurs -un road movie en fauteuils roulants- nous mène jusqu'en Finlande en compagnie de deux estropiés qui réclament vengeance.
Une première réalisation détonnante, à l'humour cruel et décapant, où la complicité du duo (qui ne se contente pas d'écrire et de réaliser mais incarne également les personnages principaux) crève déjà l'écran.
La scène clé : très brièvement, une femme qui, tout doucement, fredonne à voix basse une chanson à un berceau vide et caresse une couverture qu'aucun corps ne gonfle, tandis qu'au dessus d'elle tourne un petit mobile coloré.
2-Avida
Ce trip aux accents buñueliens, met en scène deux toxicomanes et un sourd-muet forcés d’exaucer les dernières volontés d’une milliardaire.
Aaltra se pare d'un noir et blanc sublime pour révéler un film à la poésie troublante, mêlée à une folie sans retenue. L'actrice américaine Velvet se distingue par un charisme et une sensualité hors normes. Les seconds rôles sont soignés et filmés avec une tendresse évidente. Certainement la plus grande réussite plastique des réalisateurs.
La scène clé : la petite tribu vivant dans les armoires, en haut de la montagne, dont le patriarche explique que, comme les gorilles du Rwanda, ils se sont réfugiés ici pour « fuir les abrutis » et attendre que quelque chose se passe. Scène qui se clôt avec cet homme qui recueille dans sa main une blatte et se saisit de la chips qu'elle a sur le dos en lui disant tout naturellement : « merci maman ».
Dans une zone commerciale, deux frères, aux choix de vies très divergents, se retrouvent autour d’un idéal commun.
Servi par un casting d'habitués, Le Grand Soir est le film d'une révolte fatiguée, qui renaît au son des Wampas, dans le décor improbable d'une zone commerciale. Chaque acteur semble être parfaitement à sa place, avec en première ligne, Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel au débit et à l'énergie explosifs. Décapante, tendre et drôle, la cinquième réalisation de Kervern et Delépine se hisse tout en haut de notre classement.
La scène clé : la femme de ménage sourde et muette jouée par Miss Ming -encore elle- apporte une douceur et un calme inattendus au récit en offrant simplement un paquet de cigarettes à Jean-Pierre (Albert Dupontel), dans un geste désintéressé et salvateur au cœur de ce temple de la consommation.
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