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Emmanuèle Bernheim, qui a accepté l'adaptation au cinéma de son livre sur l'euthanasie de son père, apprend qu'elle est atteinte d'un cancer.
Emmanuèle Bernheim et Alain Cavalier sont amies depuis trente ans. La romancière a écrit "Tout s’est bien passé" où elle raconte comment son père lui a demandé « d’en finir » à la suite d’un accident cardio-vasculaire. Cavalier, qui veut adapter son histoire en film, lui propose de passer devant sa caméra en jouant son propre rôle. Le cinéaste incarnera son père. Mais le tournage doit être repoussé jusqu’au printemps quand elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer. Avec son accord, Alain Cavalier filme alors, sous la forme d'un carnet vidéo, le combat de cette femme, avec ses espoirs, l’amour de son compagnon, son besoin de ne plus se montrer, sa volonté de continuer son échange épistolaire avec le cinéaste.
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"Quoi qu’il filme, Cavalier parvient à rendre visible la part de mort inhérente à la vie mais aussi, de mani
"Quoi qu’il filme, Cavalier parvient à rendre visible la part de mort inhérente à la vie mais aussi, de manière moins évidente, la part de vie que contient la mort – rien ne se perd, tout se transforme. Le cinéaste met en scène deux types de mouvements : celui d’une plante qui croît et celui d’une toupie qui ne tourne que sous l’impulsion d’une main humaine. Si la vie et la non-vie cohabitent dans la nature, le point de bascule de l’un à l’autre reste fuyant. La religion apparaît dès lors comme une voie possible pour appréhender ce mystère. La figure du Christ, mort-vivant par excellence, devient l’un des personnages principaux du petit théâtre. Mais le cinéma lui-même offre peut-être un moyen plus rapide et plus sûr de ressusciter les corps. Bien que la caméra reste inerte, elle est ici portée, bousculée, reflétée dans des miroirs et réglée à vue. Elle se présente surtout comme un instrument révélateur – Cavalier embrasse ce qui se trouve devant lui à travers l’œilleton –, et un prolongement de la mémoire, sur cet écran où se rejouent des scènes déjà vues. Derrière la caméra, le filmeur, lui, ne cesse jamais de vivre et par là aussi de se rapprocher de la mort. À Emmanuèle qui s’inquiète de voir le tournage repoussé par sa maladie, Alain répond : « On fera le film avec ce qu’on est au moment où on tournera. » Voilà qui condense la nature même d’un regard unique, fondé sur l’attention portée à un présent pris dans l’inexorable fuite du temps."
Olivia Cooper Hadjian"Ce beau titre, Etre vivant et le savoir, pourrait constituer la définition la plus minimale du travail de cinéaste auqu
"Ce beau titre, Etre vivant et le savoir, pourrait constituer la définition la plus minimale du travail de cinéaste auquel aspire Alain Cavalier depuis La Rencontre (1996), lorsqu’il est devenu un «filmeur» solitaire, abandonnant scénarios, acteurs, studios, au profit de petites caméras qui sont comme le prolongement le plus direct de son regard : filmer pour mieux se savoir vivant. Se tenir au plus près de son existence et de ce qui la constitue fondamentalement - visages, mains, objets, gestes et visions quotidiennes, minuscules épiphanies. Ce savoir s’accompagne inévitablement de la conscience d’être en sursis là où la mort travaille partout en silence. Alors qu’il en découle souvent chez Cavalier une forme de béatitude face à ce qui persiste à exister dans la matière ou la mémoire, son dernier film est traversé par une inquiétude nouvelle et porté par un regard moins apaisé. C’est qu’ici, il regarde plus que jamais du côté de la mort - il l’observe gagner du terrain.
Etre vivant et le savoir commence par l’évocation d’une amie d’adolescence d’Alain Cavalier, Anne, à qui il a rendu visite juste avant son suicide assisté en Suisse. D’elle, nous ne verrons que le visage jeune, très beau, sur une petite photo en noir et blanc tenue entre les doigts légèrement tremblants du cinéaste. Ce début mène au projet inachevé dont ce film porte le deuil : une libre adaptation de Tout s’est bien passé d’Emmanuèle Bernheim, où cette dernière raconte le suicide assisté de son père, devenu hémiplégique après un AVC. L’écrivaine aurait joué son propre rôle et Cavalier celui de son père. Il a filmé leurs rendez-vous préparatoires, mais le cancer de Bernheim a repoussé le projet, avant de l’interrompre par la mort. Entre-temps, attendre ce film fut pour eux une façon de se savoir vivants. Aujourd’hui, il demeure comme une promesse amicale tendue au-dessus de la mort.
Dans Irène (2009), Cavalier montrait la manière dont le souvenir d’une morte - sa femme, Irène Tunc - hantait, des décennies plus tard, son présent, des objets, des lieux, des lumières, des formes. Ici, la mort ne circule pas seulement par la mémoire, elle semble menacer ou affecter tout ce qu’il filme. Dans ces très gros plans qu’il affectionne tant, il ne s’agit plus seulement de voir comment une vie, ou même l’univers entier, peut soudain se concentrer en une minuscule parcelle du monde - par exemple, le cosmos perçu dans un simple carreau de salle de bains -, mais aussi d’y déceler le contraire : le néant.
Plus que jamais, ces choses filmées de très près nous apparaissent comme des vanités, comme les dérisoires restes de la mort. Ici, le cinéaste ne se contente pas de s’émerveiller de peu, comme il l’a parfois fait ailleurs, à la fois admirablement et un peu trop religieusement (Le Paradis)- sa capacité à chercher la vie dans le moindre détail, et jusque dans la putréfaction d’une courge, devient une forme de résistance à l’inexorable. Très émouvante, parce que perdue d’avance, sauf pour cette chose bricolée que l’on appelle un film, qui peut alors devenir une forme de cimetière, d’autel des morts.
Se savoir vivant c’est, par exemple, pouvoir jouer dans un même plan sa propre agonie puis sa résurrection. Pour Cavalier, ce mouvement perpétuel entre la vie et la mort se confond avec la pratique même du cinéma, qui consiste ici à arracher un film de l’impossibilité d’un autre film. A un moment, il évoque sa colère intérieure lorsque, durant un débat en salle, un spectateur lui a dit que le cinéma avait déjà tout fait, que tout avait déjà été filmé. On comprend qu’il soit pour Cavalier intolérable d’entendre une telle chose, puisque son cinéma consiste justement à montrer que tout vaut la peine d’être filmé, c’est-à-dire sauvé de la disparition, qu’il n’y a rien de plus précieux, et peut-être même, au cœur du chagrin, de plus joyeux."
"Très certainement le film le plus émouvant de celui à qui l’on doit Thérèse (1986) et Ir&egr
"Très certainement le film le plus émouvant de celui à qui l’on doit Thérèse (1986) et Irène (2009). La genèse de ce nouvel opus d’Alain Cavalier remonte à 2013. Cette année-là, la romancière Emmanuèle Bernheim (Cran d’arrêt, 1988 ; Sa femme, prix Médicis, 1993), également scénariste (entre autres de François Ozon, Sous le sable, 2000 ; Swimming Pool, 2003…), avait publié Tout s’est bien passé, un récit très délicat sur la manière dont elle avait accepté d’aider son père à mourir après son accident vasculaire cérébral. Un témoignage qui avait bouleversé le cinéaste, lequel entretenait une pure amitié avec elle depuis près de trente ans. Il lui avait alors proposé de faire un film ensemble où, comme pour Pater (2011), dans lequel le cinéaste avait tenu le rôle du président de la République et Vincent Lindon celui de son Premier ministre, il aurait incarné son père, le collectionneur d’art André Bernheim.
« Aujourd’hui, j’ai l’âge qu’il avait lorsqu’il a choisi l’heure de sa mort. Ce choix me pousse à être lui devant ma caméra », écrit le cinéaste dans le dossier de presse du film. Emmanuèle Bernheim avait difficilement accepté l’idée. « Elle a ses raisons qu’elle tient en partie secrètes », précise-t-il. Mais, atteinte d’un cancer du poumon, elle dut différer le tournage, devant être opérée d’urgence, puis subir une chimiothérapie. Cavalier ne renonça pourtant pas à son projet. Il l’adapta à cette douloureuse situation.
Être vivant et le savoir devint alors un film sur l’impossibilité de le réaliser immédiatement, mais il pouvait exister autrement : filmer son amie entre les séances de son traitement, la maintenir en vie dans son quotidien, ponctuer le tout d’éléments personnels… Une fois encore, le projet fut remis en question avec le décès d’Emmanuèle. Cavalier refusa de baisser les bras, de se soumettre au pouvoir de la mort. Initialement, le film devait témoigner des adieux d’une fille à son père en route vers la Suisse pour y programmer son départ dans l’au-delà. Il devait maintenant inverser les pôles, donner la parole et confier l’image à celui qui restait, ce qui ne pouvait qu’engendrer une vaste réflexion sur le souvenir d’un être cher, sur l’inévitable nécessité d’envisager sa propre disparition, sur la banalité mais aussi la beauté des choses du quotidien, sur l’éventualité de se trouver confronté à une forme de spiritualité supérieure, héritée d’autrefois, écartée par le temps trop présent, remise au goût des jours à venir, mais bientôt sans lendemain.
Tout cela a donc été concrétisé, selon son habitude depuis La Rencontre (1996) et surtout Le Filmeur (2004) sous la forme d’un journal vidéo, que Cavalier filma lui-même avec sa caméra numérique de très haute définition. Ainsi sommes-nous invités à contempler de magnifiques compositions de natures mortes, pleines de vies étranges, comme celles de ces courges sculptées non pas pour célébrer Halloween, mais bien plutôt en hommage à la vanité de toute chose. Ainsi voyons-nous des oiseaux qui picorent au pied d’une fenêtre, deux pigeons follement épris l’un de l’autre, un autre, blessé, à qui il faut redonner vie avec le même soin que celui qu’apporte un artisan à la réparation d’un Christ en bois aux bras cassés. On y voit aussi des légumes en décomposition et surtout une photo en noir et et blanc de la romancière jeune, très belle, que Cavalier avait longuement conservée, suivie d’images d’elle encore en vie, en robe de chambre, le haut de la tête enturbanné, bien sûr, mais toujours souriante. Cavalier lui confie même sa caméra pour filmer son appartement, son bureau très encombré. À ces images s’ajoute, un peu plus tard, une autre qui la représente, elle et son compagnon Serge Toubiana, tout un monde à jamais parti que les prises de vues de Cavalier s’efforcent pourtant, si tendrement, d’éterniser. On sent chez le cinéaste, à travers ces plans rassemblés, musicalement montés, si poétiquement commentés de sa voix chaude, suave, encore enfantine, un autre besoin, celui d’envisager, voire d’exorciser sa propre disparition. Le film devient alors une sorte d’ « exercice de disparition », qu’il signifie, un instant, s’imaginant hémiplégique. De retour à la réalité, il ne peut que dire, avec son humour décapant habituel : « Ça fait du bien de revivre ! Vive la République et les pommes de terre frites !! ». Être vivant, est effectivement, à 87 ans, un privilège et il est bon « de le savoir », nous signale-t-il.
Mais ce rappel n’est pas pour autant un éloge du carpe diem matérialiste. Bien au contraire, ce Christ en bois, aux bras cassés, que nous évoquions plus haut, est non seulement réparé avec le plus grand soin, mais aussi rapproché d’un autre, fait d’une multitude de petites perles, tous deux nous interpellant sans ménagement. Mais, à peine cette question métaphysique posée et laissée sans réponse évidente, que Cavalier nous donne à voir une Pietà et nous adresse un propos étrangement mystique : « Lui, c’est moi (..). Car Il est passé par tout ça ». Nous nous sentons alors encore plus déstabilisés, confrontés à l’essence même de notre existence. Le film s’achève, peu après. Le Christ a récupéré ses bras et fait place à une contre-plongée sur le soleil, suivie d’un panoramique vertical descendant. Le spectateur est alors tiraillé entre son appartenance à ce monde qu’il croit être sien et une impression de lévitation vers un autre, qui ne peut lui appartenir. Un magnifique non-être, que seul Alain Cavalier sait communiquer en un reflet indicible, intangible, mais vraiment présent sur l’écran."
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