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Florence, XIVème siècle. Dix jeunes gens fuient la peste en se réfugiant dans une villa à la campagne... Boccace adapté par les auteurs de "Padre Padrone"
Florence, XIVème siècle : la peste fait rage. Dix jeunes gens fuient la ville pour se réfugier dans une villa à la campagne et parler du sentiment le plus élevé qui existe, l'amour, dans toutes ses nuances. Après leurs éblouissants contes siciliens ("Kaos"), les auteurs de "Padre Padrone" et "La Nuit de San Lorenzo" offrent leur vision du "Decameron" de Boccace en adaptant cinq nouvelles : « Quand l’amour est un antidote à la mort » ; « A quel point un mari peut-il être monstrueux et cruel » ; « Un despote sans une once de cœur » ; « Nous sommes coupables car le Seigneur nous a aussi faites de chair » ; « Une erreur faite par amour doit être pardonnée ».
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Les Taviani ont souvent placé les contes au centre de leurs films (voir Kaos, contes siciliens en 1984, suivi de Kaos II en 1998) et
Les Taviani ont souvent placé les contes au centre de leurs films (voir Kaos, contes siciliens en 1984, suivi de Kaos II en 1998) et utilisé le passé pour discourir sur le présent. Quand ils tournent les Contes italiens, les Taviani ont à peu près l’âge qu’avait Éric Rohmer quand il mit en chantier son ultime film, le très beau Les amours d’Astrée et de Céladon, inspiré du roman d’Honoré d’Urfé, écrivain du XVIe siècle. Comme si revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire à une simplicité du récit, à des comédiens peu connus, à la beauté des paysages et des costumes et à l’absence apparente de modernité, permettait de mieux parler du temps présent.
Car que racontent les jeunes Florentins du XIVe siècle ? Une époque de fléau, qualificatif qui conviendrait parfaitement à ce que nous connaissons aujourd’hui, des histoires d’amour intemporelles, des refus d’hypocrisie (la réjouissante partie qui se déroule dans un couvent de nonnes), une célébration du don de soi qui tourne mal (très belle histoire de l’homme au faucon) ou encore de la bêtise. Ils disent que rien n’est jamais écrit : a déjà été mentionnée cette femme revenue à la vie par la grâce de la magie amoureuse. Les dogmes séculaires peuvent être jetés aux oubliettes, ainsi que le montrent les religieuses déjà citées. Dans l’aventure de Calandrino, on ne sait qui est le plus stupide : l’homme simplet qui croit les moqueurs et leur fait stupidement confiance ou ces derniers qui profitent de la naïveté de leur victime. Enfin, le dépit de Calandrino lorsqu’il comprend qu’on s’est joué de lui est durement mis en scène par les Taviani, avec une séquence très violente de coups donnés à une femme qui dénote avec le reste du film et nous replonge dans ces moments cruels du début du film, décrivant la peste.
En se réfugiant loin de l’épidémie, les jeunes gens échappent aussi à la ville et sa modernité. Mais aussi à la facilité : on les suppose nobles et ils partent sans serviteurs, obligés de dresser eux-mêmes la table et de fabriquer leur propre pain. Mais on ne peut rejeter trop longtemps le monde actuel, les Taviani le savent, eux dont la filmographie parcourent les siècles, de la Renaissance florentine de ces Contes italiens aux prisons contemporaines où ils filment leur César doit mourir (2012), retranscription par des détenus de la pièce de Shakespeare. Toujours pour eux, insistons là-dessus, le passé doit éclairer le présent. Que représentent alors ces jeunes qui se mettent à l’écart, dans les Contes italiens ? Symbolisent-ils ceux qui, en chattant entre eux sur les réseaux sociaux ou en étant enfermés dans la villa d’une télé-réalité en oublient le monde véritable ? Ce serait minimiser l’apport des histoires qu’ils racontent, vectrices de vérités et de philosophie.
En portant leur choix sur des récits assez peu érotisés, les Taviani prennent donc leurs marques, comme cela a déjà été précisé, par rapport à Pasolini et autres histoires scélérates filmées par Sergio Citti et beaucoup d’autres. Pas question pour eux d’illustrer Boccace de la même manière que Pasolini en mettant en avant l’érotisme des récits du maître, d’autant plus que tout un courant du cinéma italien des années soixante-dix avait décliné l’étalon pasolinien dans une série de films rapidement baptisés par les critiques « decamerotici ». Les Taviani centrent leurs contes sur la beauté des plans de la Toscane et des costumes du XIVe siècle alors que Pasolini, signant aussi de magnifiques images — pour la plupart tournées dans la région de Naples —, avait ajouté à son Décaméron une série de portraits de prolos et de paysans italiens et de leur patois imagé. Plus classiques, très plaisants tout en étant parfois emplis de mélancolie, les Contes des Taviani rendent avant tout hommage à cette si belle Toscane dont ils sont natifs. Une remarque toutefois : il est un point sur lequel les deux frangins rejoignent Pasolini. Dans Le Décaméron, le cinéaste/poète incarne un élève du peintre Giotto qu’il décrit coincé dans sa création, avant qu’un rêve de la Madonne (Silvana Mangano) ne lui révèle la représentation du paradis. Les Taviani commencent, eux, par dépeindre l’enfer pour s’acheminer sans doute pas vers le paradis, du moins vers des paysages beaucoup plus sereins.
Oeuvre à la fois légère et sombre, somptueusement romantique, au titre français évocateur à raison
Oeuvre à la fois légère et sombre, somptueusement romantique, au titre français évocateur à raison des marivaudages de Rohmer, Contes italiens est l’adaptation sage, mais foisonnante de beauté, de cinq récits issus du Décaméron. L’anthologie de récits de Boccace, aux genres variés, portée notamment à l’écran par Pasolini, dans les années 70 avec la volonté d’en découdre avec les canons de la société italienne de l’époque, trouve un ton propre chez les Taviani. Ces chantres du terroir local (Padre Padrone, Palme d’or Cannoise), installent leur caméra dans les splendeurs d’un cadre florentin et Toscan où la magie du cinéma a effacé toute trace contemporaine pour ne garder que la majesté des paysages verdoyants, où les bâtisses médiévales apportent une architecture éparse et poétique à des images qui ne manque pas, elles-mêmes, de poésie.
Frédéric MignardSaluons la sortie des Contes Italiens – Merveilleux Boccace, pour la traduction du titre italien en français –, ré
Saluons la sortie des Contes Italiens – Merveilleux Boccace, pour la traduction du titre italien en français –, réalisé(s) par ces peintres du septième art que sont Paolo et Vittorio Taviani, qui nous apportent un ballon d’oxygène poético-filmique. Contes italiensest une œuvre relativement sereine. Un pré carré verdoyant, une oasis d’amour dans le chaos noir du monde réel ouvert à toutes les intrusions malveillantes, dans le désert des sentiments actuel.
Le Décaméron de Jean Boccace, qu’adaptent les auteurs de César doit mourir en ce nouveau film, se déroule, comme le titre l’indique, sur – environ – dix journées. Sept jeunes filles et trois jeunes hommes fuient la peste qui sévit à Florence, se réfugiant dans une campagne édénique pour se conter des histoires qui leur permettent d’échapper un temps à la sordide réalité qui les submerge. Dix histoires par jour. Cent histoires en tout, donc. Concernant l’ouvrage, on parle généralement de « nouvelles ».
La Peste Noire a ravagé l’Italie en 1348. À Florence, on considère que 80 % de la population pourrait avoir été décimée. Boccace à composé son récit en toscan entre 1349 et 1351- ou 1353, selon les sources.
Les frères Taviani ont sélectionné cinq histoires pour leur film. « Catalina », quatrième nouvelle de la dixième journée. « Calandrino e l’elitropia » (« Calandrino et l’héliotrope »), troisième nouvelle de la huitième journée. « Ghismunda », première nouvelle de la quatrième journée. « La badessa » (« L’Abbesse »), deuxième nouvelle de la neuvième journée. « Federico degli Alberighi » (« Frédéric Alberghi »), neuvième nouvelle de la cinquième journée ».
Ils choisissent, et sont en cela fidèles à l’esprit boccacien, de mettre en lumière le caractère merveilleux de ces récits, leur fonction esthético-thérapeutique, et aussi ceux des splendides paysages toscans qui servent de décor à tous les niveaux narratifs, en peignant d’abord le contexte atroce qui pousse les jeunes gens à chercher un provisoire refuge à la campagne : l’épidémie qui s’est installée à Florence et la violence des relations humaines qu’elle provoque.
Les Taviani n’adoptent certes pas le style quasi clinique de l’écrivain, qui décrivait en sa présentation la façon dont la maladie s’emparait des corps et les abîmait, mais ils sélectionnent quelques éléments forts : les porcs qui sont contaminés, les fleurs dont le parfum éloigne un tant soit peu l’odeur pestilentielle qui a envahi la cité… Ils ajoutent quelques autres éléments tout aussi marquants et parlants : l’homme qui se suicide du haut d’une tour, celui qui se laisse enterrer vivant avec ceux des siens qui ont été emportés par la maladie – laissant seuls ses proches encore épargnés. Ou encore, celui vêtu de noir qui sème la terreur par ses provocations. La musique sonne comme le glas. Le rouge sang domine et se répand. Le regard-caméra innocent d’un enfant témoigne, interroge et dénonce.
Les jeunes protagonistes refusent de « compter les morts », de céder au désespoir, de se laisser jeter dans le vide de la solitude par leurs concitoyens apeurés et agressifs, de participer à l’oeuvre au noir qui gangrène l’espèce humaine et la pousse à sa perte. Ils veulent jouir de quelques heures de bonheur pour oublier l’enfer du quotidien – ce qu’ils ne réussiront pas complètement à faire, conscience oblige -, pour se reposer et oublier momentanément le présent et le concret. Pour vivre leur jeunesse faite d’amour, de candeur, de mignons secrets et d’énergie jolie. Il s’agit au minimum de reprendre des forces, au maximum de se purger des maux et des vices de leur temps – que l’on pense à la pluie finale.
Les histoires véhiculent l’Amour, ses possibles puissance et pérennité. La bonté, l’humour et la taquinerie, la saine naïveté, la nécessaire raison. Elles sont le chemin par lequel passent l’évasion vitale, la rébellion fertile, la compréhension de ce qui est bien, bon et beau. Elles représentent la liberté que l’imagination, le rêve et l’illusion, l’art permettent de trouver et saisir, et la volonté heureuse de briser les barreaux de la prison du réel grâce à la force de l’esprit. Et le Cinéma est concerné, bien sûr, puisque ce sont les Taviani qui adaptent Boccace, et qu’ils nous parlent aussi, c’est une évidence, d’Aujourd’hui. Mis en abîme, ces récits tentent, à leur humble niveau, symboliquement, d’éviter que l’abîme du néant n’engloutisse l’humanité.
Les auteurs de n’ont pas cherché à démarquer Pasolini – qui a réalisé Le Décaméron en 1971, le premier volet d’une trilogie dite significativement de la vie –, ils ont manifestement voulu s’en démarquer. En laissant de côté la paillardise, la grivoise vulgarité populaire, la satire féroce, la représentation directe des corps nus, des actes charnels, en privilégiant les nobles sentiments, la courtoisie et la décence, la suggestion vaguement érotique, peut-être ratent-ils quelque chose d’essentiel chez Boccace, quelque chose qu’avait bien perçu l’auteur des Contes de Canterbury. Peut-être ont-ils tort de croire que le combat pour la sexualité n’est plus d’actualité, comme il l’était pour Pasolini et dans les années soixante et soixante-dix… Mais ils se sont appropriés les Nouvelles en toute liberté et en leur nom, et ont réussi une épure romantique dont les dimensions picturales et théâtrales n’empêchent pas à la la fraicheur et à la spontanéité des corps et des visages, à la splendeur ouverte de la nature toscane de s’épanouir à l’écran.
Par ses images et le travail effectué sur la lumière et les éclairages – les scènes nocturnes avec bougies sont fascinantes – ; par son style homogène, même si le rythme est parfois haché et parfois coulé ; par les thématiques vénérables ci-dessus évoquées ; par la beauté prégnante des protagonistes, et notamment des femmes qui ont le beau rôle en ces contes, aussi bien chez Boccace que chez les Taviani… ceux-ci signent, non pas, loin de là, leur meilleur film, mais une œuvre qui rappelle avec bonheur quelques-unes de leurs plus grandes réussites : Le Pré (1979), Kaos – Contes siciliens – (1984)…
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