" Il ne faudrait pas trop perdre de vue que le cinéma a commencé par une carte postale. La «vue» Lumière n'était rien d'autre qu'une lettre de vacances encyclopédique envoyée, depuis l'autre bout du monde, par des explorateurs éclairants que l'on n'appelait pas encore JRI (journaliste reporteur d'images). Les années passant, on s'est mis à parler d'actualités filmées, de reportage, quand, sur la bande-son comme sur la bande-image, une seule chose sautait aux yeux comme aux oreilles : l'actualité parle surtout avec la voix de son maître. Par exemple, si l'on s'en tient aux seules photographies publiées, il n'y a jamais eu de cadavres sous les ruines du World Trade Center. C'est dire si, sur la photo, il y a toujours une image qui manque. Cela pour vous avertir : No pasaran, album souvenir est une histoire de cartes postales, ou plutôt une tentative d'histoire par la carte postale. C'est, de là, un documentaire de cinéma, aujourd'hui (...)
Le filmage d'Henri-François Imbert est minimal, et c'est en cela qu'il fait effet : si ce n'est quelques inserts sur des personnes rencontrées (qui, pour la plupart, et c'est sans doute voulu, n'ont rien à nous apprendre), le film est fait de cette suite de cartes postales telles qu'Imbert les retrouve sur dix ans, au hasard du hasard, les unes après les autres. Des images qu'il ne recadre pas : le jeu, pour nous, c'est de réapprendre à voir. Une activité qui n'est plus synonyme de regarder. Et comme l'humilité d'Imbert est de ne jamais faire semblant d'avoir une quelconque avance sur nous, ses frères spectateurs, No pasaran nous prend par la main sans jamais la lâcher. La candeur, l'hébétude dont il se joue, est en cela géniale : sur le fil de cette voix off qui n'affirme aucun discours dominant naît une pluie de questions vives : quand peut-on dire qu'une séquence est finie ? Comment ça communique, deux images ? (...) plus encore que la trace, le sujet d'Henri-François Imbert reste, encore et toujours, l'héritage.
On se souvient de son premier essai, Sur la plage de Belfast, où il partait d'un film super-huit qui se trouvait à l'intérieur d'une caméra achetée d'occasion. On hérite d'images, le temps en a voulu ainsi, et il faut coûte que coûte vivre désormais avec, ne plus faire semblant de fermer les yeux sur leur existence. Doulaye, la saison des pluies, son deuxième documentaire, était si vaudou dans l'âme qu'il se transformait presque, chemin faisant, en fiction, à l'image des contes qu'il rencontrait sur sa route.
No pasaran poursuit cette ligne obsessionnelle autant que vertigineuse. Où l'on apprend, en fin de course, à trouver, sur une autre plage, devant une autre mer, un destinataire à ces cartes postales des camps (que les gens ne s'envoyaient pas mais gardaient en secret chez eux). Ce destinataire, c'est nous, notre époque, et nos propres aveuglements."
C'est une belle histoire, mais il me semble qu'il faut être déjà très accroché au sujet (c'est mon cas) pour entrer dans le film. Par ailleurs, c'est à... Lire la suite
kalouma974 au sujet de
No pasarán, album souvenir
Magnifique !
mpirson au sujet de
No pasarán, album souvenir