Le Rúnar et le moineau
VIDEO | 2016, 13' | Avec Sparrows, Rúnar Rúnarsson filme le récit initiatique d'un adolescent pris entre un père q1
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Quand, après le départ de sa mère, Ari retrouve son père et le nord-ouest de l'Islande où il a vécu enfant, une page semble se tourner dans son existence.
Ari, 16 ans, vit avec sa mère à Reykjavik lorsqu’il doit soudain retourner vivre chez son père Gunnar, dans la région isolée des fjords, au nord-ouest de l’Islande. Sa relation avec son père n’est pas des plus faciles et ses amis d’enfance semblent avoir bien changé. C’est dans cette situation difficile à laquelle il ne peut échapper qu’Ari devra s’imposer pour trouver sa voie.
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Le film de Rúnar Rúnarsson est parcouru d’une tension à deux versants, comme d’une dualité se laissant appréhender par deux axes : un axe ph
Le film de Rúnar Rúnarsson est parcouru d’une tension à deux versants, comme d’une dualité se laissant appréhender par deux axes : un axe physique, géographique comme horizontal d’une part, et un axe émotionnel, vertical, qui accompagne la progressive élévation du jeune héros. La confrontation entre ces deux axes permet de faire coexister deux temporalités, qui ne cesseront de s’affronter tout au long du film et qui résultent, au premier abord, du changement qui s’opère dans la vie du jeune Ari. 16 ans et un visage d’ange, l’adolescent mène une vie paisible avec sa mère à Reykjavik, entre sa passion pour le chant – qu’il exerce au sein d’un chœur d’église – et ses amis. Cette tranquillité est ébranlée le jour où, par manque de disponibilité, sa mère l’envoie passer l’été chez son père, dont Ari est coupé depuis plusieurs années.
La distance géographique et les années de silence qui séparent Ari de son père ne sont rien à côté du décalage de leur environnement social et de leurs habitudes (...) le film de Rúnar Rúnarsson épingle le même fonctionnement déterministe que La Merditude des choses de Félix Van Groeningen : la famille est ici décrite comme un cadre emprisonnant, dont le seul lien de préservation repose sur la répétition d’un rituel de beuverie, de misogynie et de violence sommaire. Comment alors composer avec l’hostilité d’un tel environnement ?
Tandis que dans le film belge cette extraction se concrétise pour le personnage de Gunther à travers la vocation de l’écriture, elle trouve ici des réponses plus troubles, le film ne cessant de jongler entre la promesse d’un changement et un sentiment d’inertie, seul recours entre les mains d’Ari pour ne pas succomber aux impératifs de son entourage. Dans ce paysage de fjords, dont la beauté distille une atmosphère onirique, Ari s’isole ainsi quelques fois au fond d’une cuve pour chanter, là où sa voix se dédouble d’un incroyable écho, comme pour mieux persévérer dans son être et rejeter les exigences de transformation que lui impose son père (tuer le phoque pour devenir homme). En contraste avec cette temporalité de maintien et cette utopie statique d’Ari, le cinéaste distille tout au long du film les stigmates d’un futur changement déjà en marche, à l’instar de ces séquences où il partage le véhicule de son père et traverse, par un travelling avant mécanique, des zones d’ombres et des zones de lumière, dans un décor où le soleil ne semble jamais se coucher. Le très beau travail de Sophia Olsson au niveau de la photographie permet de préserver l’ambiguïté propre à cette possible transformation et ne cesse de baigner notre personnage dans une lumière douce mais trouble, à la fois artificielle et organique.
C’est dans le maintien d’une telle tension que la mise en scène du cinéaste déploie pudeur et subtilité, par cette volonté de mettre en évidence le décalage entre la transformation attendue par le personnage et sa transformation réelle, et opposer l’onirique à l’effectif (...)Sparrows (...) fait de la perte d’innocence d’Ari un moment d’une poésie troublante, au réalisme violent, atténué pourtant par un mouvement onirique. Cette scène, constituant l’acte final du long-métrage, constitue la reprise du court-métrage réalisé par Rúnar Rúnarsson et intitulé Two Birds (Smáfuglar) dans lequel un jeune adolescent, en se réveillant après l’absorption de kétamine, décide de cacher à celle qu’il aime l’atrocité du viol commis alors qu’elle était endormie. Dans un long plan isolant le visage d’Ari, qui scrute à son réveil le corps dévêtu de Lara, le cinéaste fait de ce moment de flottement et de stupeur un instant de basculement, dans lequel se concentre une infinité de possibles et surtout l’amertume d’une innocence quittée, hélas, trop brutalement.
Étrangement, le film islandais « Sparrows » est à la fois une histoire de passage à l'âge adulte et un récit de reconstruction. Pourtant éta
Étrangement, le film islandais « Sparrows » est à la fois une histoire de passage à l'âge adulte et un récit de reconstruction. Pourtant étant donné le jeune âge du personnage principal, adolescent de 16 ans, cela aurait pu se limiter à la première approche, le jeune homme étant confronté à des anciens camarades et aux rivalités internes inhérentes à une petite communauté en situation d'isolement. Pourtant c'est bien aussi, en plus de la nécessité de s'affirmer en tant qu'homme, au fait d'accepter le changement que s'intéresse un scénario certes sans grande surprise, mais dont le rythme volontairement lent exploite à merveille le désœuvrement ambiant qui touche non seulement les jeunes mais aussi les adultes.
Après un premier long métrage présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2011 (« Volcano »), « Sparrows » a permis à l'islandais Rúnar Rúnarsson de remporter le Grand Prix du Festival de San Sebastian 2015. Avec intelligence et un certain tact, le film aborde le rôle social de la drogue et de l'alcool, et décrit la formation d'un jeune adulte, ballotté entre une innocence symbolisée à la fois par la douceur réconfortante de la grand mère et la pureté du chant qu'il pratique en des lieux insolites (voir la très belle scène des silos agricoles), et la rudesse d'un environnement où il lui est difficile de communiquer avec son père et où il pourrait écoper rapidement d'une réputation de pervers qui vous colle à la peau. La musique aérienne qui ponctue le métrage sied bien au mystère de cette évolution, le garçon quittant ses jeux de gamins (regarder les culs des vieilles sous l'eau à la piscine...) pour découvrir ce qui fait un homme. Et le scénario d'égrainer doucement les possibilités les plus basiques de la transmission, du premier salaire à l'enseignement de la chasse, en passant par la première expérience sexuelle, qui n'est pas forcément toujours celle souhaitée.
Un exposé d'apparence convenu qui dispose pourtant d'un final surprenant qui mérite la persévérance du spectateur, posant à travers l'instinct protecteur de l'homme la grandeur qu'il y a à dépasser le quotidien et ses propres problèmes, pour mieux prendre soin de l'autre. « Sparrows » décrit ainsi en quelques plans fugaces (un regard témoin, un corps offert, un mensonge assumé), au sein d'un monde fait de cruauté, ce que peut être le véritable amour, empli de tendresse et de bienveillance. Un bien joli film.
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