Le monde selon Has
Ses films étaient des chocs cinéphiliques — La Clepsydre, Le Manuscrit trouvé à Saragosse —; ils sont devenus cult1
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En pleine crise existentielle, un vieux professeur trouve du réconfort auprès de sa fille adoptive sans voir qu'elle ne le regarde plus avec des yeux d'enfant.
Un éminent professeur de médecine traverse une grave crise personnelle. Usé par l’enseignement, se sentant diminué intellectuellement et physiquement, devenu cynique, il n’arrive plus à s’intéresser ni à sa famille ni à son travail. Seule la présence et la conversation de Katarzyna, qu’il a élevée comme sa propre fille, lui redonne vie. Mais cette femme, qui a elle-même traversé bien des épreuves et partage ses désillusions, lui fait comprendre que ses sentiments pour lui ne sont plus vraiment filiaux... Une adaptation de Tchekhov par le réalisateur du célèbre "Manuscrit trouvé à Saragosse".
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" ... Katarzyna est cette actrice « rangée des planches », fille adoptive et enfant préférée du professeur. Ce dernier (bien représentatif d’une caste : cette petite bourgeoisie provinciale terne, russe ou polonaise, de tous les pays) est présumé « bon époux » (mais on en doute : sa femme incarne des conventions bourgeoises qu’il se prend à haïr) et reste d’abord le père de sa fille biologique – enfant unique et gâtée, dépeinte comme sans relief et hystérique, peu aimée de son père. Toute à l’opposé de sa (probable et pitoyable) rivale, Katarzyna n’apparaîtra physiquement qu’à la seconde moitié du film.
Deux solitudes se sont parlé – à distance – dès les premières minutes du film. Procédé certes « littéraire », mais que la musique particulière et le dépouillement des voix (solos) de l’acteur et de l’actrice savent rendre immédiatement émouvant.
Entrée en scène dès l’arrêt de la musique du générique (la superbe partition piano et orchestre de Jerzy Maksymjuk ponctuera chacun des plans « élégiaques » du film), la première de ce duo troublant de voix off – pareillement solitaires – se révèle exténuée et exténuante : nous entrons d’emblée ici dans la lugubre psyché d’un personnage « cerné » et éteint – « dépressif » dirions-nous aujourd’hui –, ruminant la ruine de tous ses rêves de grandeur ineptes dans le crépuscule saisissant de son existence (...)
Rancœur, désespérance et cynisme maladif : la diction théâtrale de l’acteur fait merveille, s’insinuant dans chacun des longs travellings du films, surchargeant la bande-son de ces « scènes de la vie provinciale » mélancoliques ou tragi-comiques, mordant ce qu’elle y voit, agaçant ou amusant le spectateur. Tout l’épuisement que nous procure la plainte dépressive est là, dans cette première demi-heure du film. Le même Gustaw Holoubek dont on avait vécu les affres dépressives par l’entremise du personnage de Kouba, artiste raté – jusqu’à leur terme, pieds dans le vide suite au « nœud » tragique du titre – dans la soupente du Nœud coulant, vénéneux et magistral premier film de Has en 1947. Gustaw Holoubek imprimera d’emblée ses marques (par l’étrangeté de son aura) dans l’univers de Has : il jouera dans huit des quatorze longs métrages du réalisateur – jusqu’à L’Écrivain tourné en 1984 – soit près de quarante années de compagnonnage artistique : ainsi les inflexions brusques de sa voix nous sont-elles devenues peu à peu familières, se jouant de notre oreille comme au long des 106 minutes dans cette Histoire banale. Fusent les musicalités d’un murmure où perce soudain l’orage de saillies sarcastiques ou le lâcher-prise d’un apaisement nostalgique et amoureux (...)
C’est à l’orée de la seconde moitié de ce film à la mélancolie toute « simenonienne » (terne histoire de gens censés être « sans importance », comme nous l’annonce le titre) que viendra LA vraie grande première séquence de pure magie cinématographique (qu’accompagnera à nouveau une partition nostalgique) : un long plan-séquence en clair obscur qui s’ouvre et s’illumine autour des yeux verts, du visage rond puis du corps de Katarzyna en déshabillé vaporeux, déambulant lentement dans ses appartements, caressant les silences d’une statue (blanche comme elle) puis s’immobilisant devant un gramophone éteint ; s’évanouissant de la pièce aux murs grenat : elle sort se préparer pour recevoir ses invités d’un soir) puis y réapparaissant parée d’une robe d’intérieur.
Katarzyna était « l’Arlésienne » de la première moitié du film : on l’entendait écrire au professeur, on parlait d’elle, on la devinait. Elle est donc l’enfant « pupille » du personnage central. Et soudain nous l’avons là devant nos yeux... Un physique si particulier et une présence de l’actrice (Hanna Mikuc jouant cette jeune actrice, personnage bergmanien par excellence) fuyant désormais les planches car ne parvenant plus à jouer parmi ses congénères : (« Trop de médiocres médisants et jaloux ! » Certes, mais tout ceci ne sert-il pas de prétexte au personnage pour camper en son refuge dorée d’altière solitaire ?) Elle semble – pour nous, spectateurs – plongée dans une sorte d’ailleurs onirique perpétuel – décalée, se voulant désormais en rupture et détachée de ce monde mesquin, « ordinaire » mais certainement nourricier.
Nous la suivons quelques minutes dans son salon, silencieuse : la caméra en est visiblement amoureuse. Sa fidèle servante – visage ridé, bonnet blanc – passe, énigmatique, sans mot dire ; la jeune fille réapparaît dans le fond vert du miroir qu’une main fine et ridée vient de désembuer ; elle nous semble alors plongée dans une langueur et une mélancolie extrêmes, inconsciente de sa propre beauté, tirant sur le fume-cigarette (pour nous désuet) qu’elle vient d’allumer lentement à la flamme d’une lampe à pétrole. Dans quel espace-temps – ici abruptement ressuscité – sommes-nous tombés ? Par cette seule séquence, tout le XIXe siècle d’Eugénie Grandet de Balzac vient de revivre sous nos yeux.
Cette seule scène apparaît telle une œuvre picturale en mouvement – comme on en aura rarement vu au cinéma (si ce n’est, brièvement, dans certains gros plans du somptueux Visage d’Ingmar Bergman) : magie d’une laterna magica projetant un monde intérieur harmonieux, soudain mis en mouvement. Il me semble bien n’avoir jamais éprouvé inexplicablement cette qualité de fascination devant un fragment d’art cinématographique... si ce n’est, dans mon souvenir, aux séquences les plus lyriques et mélancoliques des Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov.
De par sa double formation de peintre (à l’école des Beaux-Arts de Cracovie, sa ville natale) et de cinéaste, Has était donc – en secret – également un grand peintre. Ce que cette scène de pure magie, tout comme les scènes finales déchirantes, nous prouvent (...)
Ce film est bien à la fois l’un des chefs d’œuvre de Has (d’une puissance expressive et d’une force émotionnelle comparables à celles de son Nœud coulant inaugural, à ses Adieux – ce classique inoubliable et mélodramatique de 1958 – et à La Clepsydre) mais aussi une pièce unique d’art cinématographique – ce « cinématographe » selon la terminologie de Robert Bresson : âmes en mouvement. Je pense aussi à une toile de maître... Imaginons un espace-temps de Georges de La Tour qui se mettrait à vivre sous nos yeux..."
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