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Lié à son père par une relation morbide, un jeune homme confronté à la vie essaie de gagner son indépendance.
Le père et le fils partagent un appartement sous les toits. Depuis des années, ils vivent seuls, dans un monde à part, rempli de souvenirs et de rituels quotidiens. Parfois, on dirait des frères. Parfois même des amants. Suivant l'exemple de son père, Alexei est inscrit à l'Ecole Militaire. Il aime le sport, n'en fait qu'à sa tête. Son amie lui pose problème. Elle est jalouse de la relation trop intime avec son père. Et sachant que tôt ou tard, tout fils doit abandonner le foyer familial, Alexei est troublé. Son père sait qu'il devrait accepter un meilleur poste dans une autre ville, peut-être même envisager de se remarier.
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Un râle, d’abord. Un souffle. Quelqu’un qui fait l’amour, ou qui souffre ? Puis le noir de l’écran laisse place à des corps lumineux, mais i
Un râle, d’abord. Un souffle. Quelqu’un qui fait l’amour, ou qui souffre ? Puis le noir de l’écran laisse place à des corps lumineux, mais indistincts. Arbres noués. Muscles clairs, chairs qui se cognent, s’agrippent, forcent et se caressent. Une bouche ouverte, bizarrement allongée, comme un puits d’ombre. “ Calme-toi ”, dit un homme. La caméra se détache de leurs corps ; ils ne faisaient qu’un, on voit maintenant qu’ils sont deux, l’un dans les bras de l’autre. Comme des amants, mais ils sont père et fils. Le fils agité par un cauchemar, le père consolateur et rassurant. Ils se parlent ; l’un encore plongé dans ses terreurs, l’autre bien éveillé. Nous sommes avec l’un et avec l’autre. A la fois assimilés à la parole du père qui interroge : “ Tu es encore là bas ? ” – et l’on comprend : dans ce malaise, dans ce cauchemar. Et projetés dans le rêve même de ce fils de 20 ans, fort et brutal, mais recroquevillé comme aux premiers jours, et dont le double se tient droit et nu sur un chemin mystérieux, étroit et sinueux, trempé par la pluie. Un chemin onirique. Une sorte de rive lointaine et mythologique, où les femmes observent et la mort guette. Où sommes-nous, en réalité ? Au cœur d’un fantasme. Le père est ici un exact double du fils ; il a exactement le double de son âge et lui ressemble vraiment ; ils exercent le même métier de militaire et souffrent tous deux du même sentiment d’être abandonné par la femme qu’ils ont aimée.
Le film se déroule sur le seuil d’une frontière toujours trouble. Les couleurs sont comme délavées, les images souvent légèrement déformées, allongées, comme fuyant vers d’autres dimensions, portées par des sons subtilement mélangés. Une musique lancinante (de Tchaïkovski) devient aussi envoûtante que les silences, les respirations, les bruits sourds et les résonances. Les dialogues semblent pleins de sonorités liquides qui s’accorderaient avec l’impression permanente d’être dans un univers fait de la rosée du matin et d'une neige prête à fondre.
Le père et le fils habitent aussi le dernier étage d’un immeuble aux teintes de vieille carte postale, et les murs ont la patine voyante d’un trompe-l’œil théâtral. Sur le rebord de leur fenêtre, une poutre en bois mène à un toit écrasé par un ciel artificiel et, aux derniers instants, submergé par l’océan.
Tous les contrastes, au lieu des les aplanir ou de les confronter, Sokurov arrive ainsi à les fondre en une sorte de cosmogonie fantasmatique : tout se répond. Le ciel et la terre, le père et le fils, l’amour filial et la pulsion sexuelle, les mots et les souvenirs... Même lorsque surgit un troisième étrange personnage, un jeune homme indistinct, il ne peut s’agir qu’un double du double... Encore un fils qui se voit à travers son père. Mais le plus beau est évidemment la façon immédiate qu’a le cinéaste de transmettre ces labyrinthes par le jeu des corps et des mouvements. Images suggestives, évocatrices, où l’amour et la mort se rejoignent intimement, de façon un peu précieuse. Images hautaines car sûres de leur beauté, évidente, placées sous l’influence de ces tableaux anciens. Comme dans "Mère et Fils" où les deux personnages du titre composaient le vivant tableau d’une pietà inversée (le fils porte sa mère sur un chemin de croix où la mort est synonyme de délivrance).
Mais le film était alors sans paroles. Ici, résonne un étrange leitmotiv souterrain : le fils ne dit pas à son père : “ Tu m’as donné la vie ”, mais, alors que celui-ci est peut-être en train de mourir lentement : “ Tu m’as sauvé la vie. ”
Certaines notes de musique sonnent alors comme le tic-tac d’une horloge. “ Si tu pars, tu crois que je serai heureux ? ” Il n’y a pas de réponse.
Le fils raconte à son ancienne fiancée qu’il a encore fait un rêve. C’est son fils, pas encore né, qu’il a vu cette fois. Prémonition ? Bientôt, le père et le fils auront échangé leurs songes ; leurs vies et leurs morts aussi.
" ... Ils vivent ensemble dans un petit appartement dont les fenêtres donnent sur les toits aux allures méridionales avec, au loin, la mer,
" ... Ils vivent ensemble dans un petit appartement dont les fenêtres donnent sur les toits aux allures méridionales avec, au loin, la mer, une plaque de plomb où glisse la silhouette des cargos.
Le père, veuf, est un ancien officier il a quitté son régiment de l'armée de l'air , le fils étudie pour le devenir à son tour. Même s'il s'est toujours défendu de toute velléité autobiographique, du moins peut-on rappeler que le père de Sokourov était militaire. L'ambiance est bizarre de bout en bout : érotisme martial des Apollon imberbes, dont on ne sait s'ils rappellent Michel-Ange ou les riches heures de la propagande soviétique ; bande-son Titanic où un orchestre tout entier semble couler lentement dans les abysses sur des variations vague à l'âme de Tchaïkovski, happées de voix et de bruits indistincts ; anomalies des repères géographiques les personnages russes dans leurs intérieurs indatables, qui ressemblent à ceux de la France des années 50, deviennent subitement des promeneurs prenant un tram dans une ruelle pentue de Lisbonne ; accès de colères virant chorégraphie au sol ; paroles mystiques jetées en pâture à qui veut les saisir : «Le père qui aime crucifie. Le fils qui aime se laisse crucifier.»
«Le cinéma est un grand piège psychophysique, un spectacle redoutable qui commence par inculquer la paresse au niveau physiologique, une paresse de contemplation qui s'ajoute à la paresse globale et naturelle des humains. Celle-ci ne freine ni pensée ni sentiment, celle-là arrête notre développement intérieur, bloque notre imagination indépendante, notre quête de solutions. Ainsi, le cinéma représente en grande partie un phénomène portant la mort.» Ces propos de Sokourov en 2001 (1) résument parfaitement son rapport compliqué à la pratique du septième art, qu'il juge «secondaire» par rapport à la littérature, la musique ou la peinture.
Pourtant, dans une Russie désormais, elle aussi, abandonnée aux seules joies du cinéma hollywoodien et dont la cinématographie nationale est une peau de chagrin, Sokourov, en dépit de son hermétisme, de son kitsch bricolé n'a aucun mal à faire figure de héros aussi contrariant qu'indispensable. Issu d'une génération qui semble s'être vidée de sa substance, le cinéaste a trouvé refuge dans un système de films inquiétants, qui édifie moins des cathédrales d'images, comme on a pu souvent le dire, qu'il ne creuse des grottes sonores où les paroles des personnages paraissent se mêler à des scansions captées des tréfonds de la terre.
Père, fils donne une fois encore ce sentiment d'oeuvre habitée par quelque chose qui n'est plus tout à fait humain, un hédonisme démoniaque, où l'amour porté aux créatures et aux choses d'ici-bas se double d'une volupté morbide, le désir de pénétrer en tremblant les entrailles rouges de la mort.
Ainsi, le film porte en lui, dissimulée sous ses voûtes, dans la chaleur suffocante de ses embrasements au ralenti, la signature même de l'enfer. Les images sont comme agencées par la main brûlée d'un damné du huitième cercle. Citant Rainer Maria Rilke en ouverture de Sauve et protège (1989), Sokourov s'exclamait déjà : «O Seigneur, donne à chacun sa mort à lui/ Le mourir issu de ce vivre même/ Où il trouva l'Amour, un sens et la détresse.»
(1) Entretien avec Hélène Oustugova, professeur d'éthique et d'esthétique à l'université de Saint-Pétersbourg.
" Tout n'est que sensations et atmosphère dans ce film qui n'est qu'esthétisme. On peut rester totalement hermétique à ce parti pris. Mais p
" La photo jaunâtre, voire saumon, comme prise à travers un vieux bas nylon, ressemble à celle d’un film soviétique en Sovcolor ou à celle
" La photo jaunâtre, voire saumon, comme prise à travers un vieux bas nylon, ressemble à celle d’un film soviétique en Sovcolor ou à celle d’une fantaisie érotique des années 70. Une image qui se désanamorphose à l’occasion, ralentit parfois, et donne à une promenade en tramway des airs de dessin animé de Tex Avery ou de remake de L’Aurore (ce qui n’est pas le cas de toutes les promenades en tramway). Les mots prononcés par les acteurs semblent étouffés par du coton. La musique ? Diffusée en boucle par un poste de radio antédiluvien, elle ressemble à une compil des "plus grands airs de Tchaïkovski" revus et corrigés par un orchestre symphonique régional payé au mètre, qui jouerait dans le lointain, tout au fond d’une gigantesque salle de bal désertée par les danseurs.
Où sommes-nous ? Sans doute en Russie (Saint-Pétersbourg), à moins que ce soit au Portugal (Lisbonne). Au fond, quelle différence ? Sokourov reste fidèle à lui-même : confondre les époques, les générations, c’est empêcher que le temps passe, que l’histoire ait un sens, que les choses (y compris politiques) changent, c’est regretter le temps béni où tout semblait devoir durer toujours. C’est donc par le dépaysement que Sokourov entreprend de déconnecter le spectateur du monde extérieur, de la réalité, de l’époque et des lieux, pour l’amener à se concentrer sur une seule entité éternelle, mythique, biblique : un couple père/fils, le Père et le Fils. Et quel couple !
"Un père qui aime crucifie, un fils qui aime se laisse crucifier", disent à deux reprises les protagonistes du film. Mais le pensent-ils vraiment ? Le craignent-ils plutôt ? Dès les premières images, on croit tomber au milieu des ébats amoureux de deux hommes. Deux corps musculeux dépourvus de poils, deux corps essoufflés et virils s’étreignent en gros plan, sans qu’on sache bien s’il s’agit de s’aimer ou de se battre, comme dans ces tableaux de la Renaissance qui montrent une lutte entre des anges. (...)
La tendresse entre les deux hommes est immense, ils sont tout l’un pour l’autre, excessifs. De longs plans les montrent soudés l’un à l’autre, dans une fusion qui les met à l’abri du monde extérieur, mettant par contraste en valeur le temps qui passe. Sportifs, militaires tous les deux (comme l’était le père de Sokourov), ils n’ont peur de rien, pas même de la chute. Car parfois ils montent sur le toit qui surplombe leur mansarde, en suspens entre terre et ciel, pour jouer au football ou avec le vide, Aristochats slaves, personnages de La Bohème. Pourtant un Père et un Fils confondus, c’est forcément la mort. L’un des deux doit être prodigue, si possible le Fils. Le Père le sait. C’est à lui de choisir l’instant où tout doit changer, pas au Fils. (...)"
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