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Entre un père rigoriste et une mère qui le délaisse pour son amant, le petit Prico est balloté par la vie. Chaque retrouvaille appelant une désillusion.
Balloté par un père rigoriste et une mère qui le délaisse pour son amant, le petit Prico est envoyé chez sa tante, puis sa grand-mère, puis au pensionnat... Dès qu'il retrouve le sein maternel, il s'épanouit. Mais ce n'est que pour perdre à chaque fois un peu plus ses illusions. Un film annonciateur du néoréalisme et le début d'une longue collaboration entre De Sica et le scénariste Cesare Zavattini (plus de vingt films en commun). Juste après ce coup d'éclat vont naître deux autres chefs d'oeuvre sur l'enfance : "Sciuscia" (1946), un film dur dans l'univers carcéral, et "Le voleur de bicyclette" (1948), longtemps considéré comme "l'un des meilleurs films du monde" par la critique.
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Témoin perdu, fragile, déchirante victime collatérale, l'enfant sert de fil rouge à ce drame conjugal ordinaire, dans l'Italie des années 1
Témoin perdu, fragile, déchirante victime collatérale, l'enfant sert de fil rouge à ce drame conjugal ordinaire, dans l'Italie des années 1940.
Au crépuscule du régime mussolinien (le film a été tourné en 1942, un an avant la chute du Duce), Vittorio de Sica dynamite l'imagerie familiale fasciste, rigide et traditionnaliste. Ici, le père est lâche et paumé, la mère « indigne », étouffée par le carcan des convenances, forcée par la société (les « bonnes gens » de son immeuble, avides de ragots) de choisir entre sa vie amoureuse et son fils...
Ancré dans une minutieuse description du quotidien — tout un luxe de seconds rôles saillants, de scènes happées sur le vif —, ce mélo sensible et amer préfigure le mouvement néoréaliste. C'est le premier drame de Vittorio de Sica, son premier grand film, quatre ans avant d'écrire l'histoire du cinéma avec Le Voleur de bicyclette.
Sous les accents mélos se cache une œuvre fondatrice, où les balbutiements du néo-réalisme se font entendre dans un drame faussement classiq
Sous les accents mélos se cache une œuvre fondatrice, où les balbutiements du néo-réalisme se font entendre dans un drame faussement classique, d’une créativité rare pour l’époque.
La carrière de Vittorio De Sica cinéaste pourrait bien avoir commencé là, en 1942, avec ce petit film resté dans les tiroirs quelques années et sorti finalement dans les salles deux ans plus tard. Les enfants nous regardent, petite merveille méconnue dans la filmographie de son auteur, est une étape importante pour le réalisateur (...) Les enfants nous regardent est son cinquième long métrage et la rupture de style et de ton impressionne d’autant plus qu’au moment où De Sica tourne le film, l’Italie connaît ses heures les plus sombres. La rigueur morale érigée en principe par le régime fasciste ne s’accorde guère avec le ton délibérément moderne du scénario, mélodramatique jusqu’à l’outrance mais à l’issue si désespérée qu’elle apparaît comme un châtiment pour tous les personnages.
Quelle est cette Italie populaire filmée par De Sica ? Un bloc de frustrations et de rancœurs, de jalousies et d’égoïsme, dont la principale victime est l’innocence même : un enfant de 7 ans, métaphore probable de la jeune génération italienne de l’époque.
Adapté d’un roman de Cesare Giulio Viola par De Sica et Cesare Zavattini, qui deviendra par la suite son co-auteur attitré, du Voleur de bicyclette à L’Or de Naples, Les enfants nous regardent raconte l’histoire terriblement banale d’un couple en crise (...) Les accents mélodramatiques du film, propices aux effets les plus dégoulinants, sont étouffés par une mise en scène austère dans laquelle se devinent les prémices du mouvement néo-réaliste, dont De Sica sera par la suite l’un des plus illustres représentants.
Ce qui n’empêche pas le réalisateur de signer quelques scènes étonnantes, entre rêve et cauchemar, où l’horreur du quotidien, vécue par un enfant qui ne peut pas la verbaliser, ne peut s’exprimer que par le truchement d’une métaphore visuelle, tel ce reflet fantomatique et anxiogène de Prico dans la vitre d’un train.
Pour le reste, tout le film transpire le désir de se frotter à la représentation de l’Italie des vraies gens, montrées sous leur jour le moins flatteur, souvent le plus abject. L’égoïsme de la mère, la lâcheté du père, la violence de l’amant, la dureté de la grand-mère, la curiosité malsaine des voisines : c’est toute une Rome populaire et sacrifiée sur l’autel des convenances bourgeoises de l’époque qui est montrée avec un étonnant mélange d’âpreté et de douceur. De Sica, malgré tout, aime ses personnages ; leur monstruosité, si humaine, n’est que le reflet des temps dans lesquels ils vivent.
À bien des égards, Les enfants nous regardent est un film bouleversant : épousant de bout en bout le regard d’un enfant qui tente, avec ses propres moyens, d’éviter la catastrophe qui s’annonce, De Sica se garde bien de toute mièvrerie, réussissant à préserver jusqu’à la dernière scène l’innocence de Prico.
La cruauté de la dernière scène n’en est que plus insupportable (...) Le jeune Luciano De Ambrosis, avec son regard tour à tour interrogateur et désespéré, incarne à merveille la colère et la résignation, d’autant plus intolérables qu’elles prennent corps dans les yeux d’un petit garçon (...) Pourtant subsiste un espoir, celui d’une rébellion, d’un refus : tout au long du film, Prico est un combattant qui n’accepte pas et décide au détour d’une scène, mi-suicidaire, mi-inconscient, de tracer sa route le long d’une voie ferrée. Peu importe si le train arrive, peu importe si cela fait mal : Prico regardera jusqu’à la dernière seconde la peur en face. La foi de De Sica en l’avenir de son pays n’était peut-être pas totalement éteinte.
Dans Les Enfants nous regardent, c’est bien l’institution toute entière de la famille telle qu’elle est décrite par le leurre fasciste que
Dans Les Enfants nous regardent, c’est bien l’institution toute entière de la famille telle qu’elle est décrite par le leurre fasciste que Zavattini et De Sica mettent en branle, dans une adresse générale (le « nous » du titre, qui respecte le titre original, vise à impliquer d’emblée le spectateur dans la démonstration) : que ce soit la détresse d’un enfant malheureux, la désunion d’un couple bien sous tous rapports, ou l’adultère d’une mère... le film traite de sujets qui étaient habituellement bannis par les autorités fascistes, tout simplement parce qu’ils risquaient de faire chanceler l’ordre moral établi, qui cherchait à imposer le bonheur (quand bien même il ne serait que de façade), qui célébrait la force du couple et qui n’envisageait une femme adulte que comme une vierge ou comme une sainte dévouée...
On peut d’ailleurs trouver le film plutôt bienveillant à l’égard de l’institution religieuse qui, certes impose un uniforme renvoyant à une forme de désindividualisation, mais offre surtout un refuge à l’enfant abandonné. Dans les années qui suivront, Zavattini sera autrement plus critique avec l’Eglise catholique...
(...) Les Enfants nous regardent est conditionné à un regard enfantin, celui du jeune Prico, sept ans. Ce n’est pas réellement un point de vue subjectif au sens où la mise en scène ne nous montrerait que sa vision des choses, mais le film épouse parfois, pour les causes de sa démonstration, la naïveté de son regard ou l’intensité de sa perception, tantôt dans le registre de l’émerveillement, tantôt dans celui de l’incompréhension, tantôt dans celui de la peur (on peut citer par exemple toute la séquence de la fugue, depuis la balade sur les rails jusqu’à la course nocturne sur la plage).
On raconte que De Sica avait choisi le jeune Luciano de Ambrosis pour son aptitude à pleurer, le gamin étant encore affecté par la disparition récente de sa mère - faire pleurer les enfants sera manifestement une préoccupation régulière du cinéaste si l’on se souvient des anecdotes entourant sa relation avec le jeune Enzo Staiola du Voleur de bicyclette... Pour jouer les parents, De Sica engagera la très belle Isa Pola, une des petites vedettes du cinéma italien des années 30, et Emilio Cigoli (une très grande "voix" du cinéma italien, ici engagé pour jouer avec sa mère, Giovanna, dans le rôle d’Agnese), qu’il redirigera ensuite dans un second rôle de Scuscia.
Formellement, si ce n’est pour la partie balnéaire à Alessio (pas forcément la partie la plus intéressante du film, d’ailleurs), plus aérée, De Sica joue la plupart du temps sur des cadres serrés, qui enferment, encerclent, oppressent les personnages (par de très gros plans, ou des sur-cadrages provoqués par les murs, les portes ou les miroirs - voir les images ci-dessus) et sur une atmosphère globalement sombre, très souvent nocturne ou "crépusculaire" (là encore, on pourrait être tenté de succomber à un exercice rétrospectif un peu exagéré visant à affirmer que le film anticipe ainsi la fin de l’âge fasciste, ce qui ne serait pas forcément surestimer la conscience socio-politique de Zavattini...).
Sur ce point aussi, difficile d’associer le film aux canons esthétiques du néoréalisme, tant on sent parfois De Sica tenté par une forme d’expressivité très dramatisante - plutôt éloignée des préoccupations réalistes ou documentaires associées au mouvement - qui use de lumières très artificielles (sur les yeux notamment) et peut même se rapprocher ponctuellement d’une forme de symbolisme expressionniste : dans le train, tandis que le garçon observe son reflet dans la vitre du wagon, des images (sa grand-mère rigide, les guignols du marionnettiste, une image spectrale de sa mère marchant dans une allée nocturne, rejointe par son amant...) viennent se superposer au défilement extérieur du paysage, donnant à la séquence une allure de cauchemar, rythmé par le son des rouages de la locomotive (...)
Les Enfants nous regardent mérite ainsi qu’on s’y attarde, autant donc pour ce qu’il nous révèle de la si particulière époque que constitue son contexte de production que pour ses qualités narratives comme esthétiques, inspirées par cette association Zavattini / De Sica vouée à devenir l’une des plus importantes de l’histoire du cinéma transalpin.
« Avec Les enfants nous regardent, De Sica renverse le schéma habituel, rebattu, de la dramaturgie en vogue sur les scènes et sur les écran
« Avec Les enfants nous regardent, De Sica renverse le schéma habituel, rebattu, de la dramaturgie en vogue sur les scènes et sur les écrans à l'époque du fascisme : le triangle sentimental constitué par Elle, Lui et « l'Autre ».
L'adultère est ici vécu à travers l'expérience qu'en a un enfant et les termes de l'intrigue classique, qui avaient été utilisés indifferemment pendant des dizaines d'années, par des écrivains mondains, par les prestidigitateurs habiles à brosser des « pochades » ou par les intimistes deviennent chez De Sica les éléments d'un conflit dramatique qui aboutit à une dénonciation, à une polémique contre le conformisme bourgeois (...) l'atmosphère et les personnages sont ceux de la chronique. Plus de « téléphones blancs », plus de ténors, ni de guerriers africains; mais une famille de petits bourgeois dont les préoccupations terre-à-terre, la vie terne, l'amertume des désaccords, nous fait oublier comme par enchantement l'atmosphère « virile » voulue par Mussolini et oppose un démenti aux sermons moraux des dirigeants sur le caractère sain et solide de la famille fasciste type.
De Sica fait alterner l'ironie subtile avec des passages secs et dramatiques. En une heure et demie de spectacle, il accumule plus de notations, de remarques qu'il n'est possible d'en tirer de cent autres films italiens sur le milieu bourgeois tournés au cours des années précédentes par réalisateurs besogneux. Les enfants nous regardent est un appel qui s'adresse à la conscience, un témoignage sur la vérité, un film dans lequel le fascisme, sa rhétorique, ses réalisations et sa fausse morale sont ignorés avec une telle franchise qu'elle nous fit bondir de joie lorque nous avons vu le film... »
"... Tout aussi juste nous paraît la scène au cours de laquelle le petit garçon va et vient dans sa chambre, tandis que dans la pièce voisi
"... Tout aussi juste nous paraît la scène au cours de laquelle le petit garçon va et vient dans sa chambre, tandis que dans la pièce voisine la mère résiste faiblement à son amant revenu pour la chercher. Il y a ici un premier essai de durée réelle qui annonce Umberto D. Nous saisissons le tragique sourd de cette minute par l'étirement voulu du découpage, qui a le mérite à la fois de nous associer au malaise, à l'anxiété croissante de l'enfant, et de nous faire sentir objectivement combien cette situation est dramatique. Même délicatesse de touche inspirée par un sens profond du monde enfantin, dans la dernière partie, celle qui retrace les vacances du foyer momentanément regroupé, le départ du train qui ramène le père à Rome, l'émerveillement de Prico devant les tours du prestidigitateur au cours d'une fête à l'hôtel, enfin son réflexe de panique quand il surprend sa mère sur la plage en compagnie de l'amant.
Ici, comme dans tout le reste du film, de Sica se montre cruel pour le monde des adultes et leur faiblesse sensuelle est toujours souligéne avant que nous soit montré l'enfant qui apparaît dès lors comme une victime de la veulerie des grands, incapables de se passionner vraiment pour autre chose que leur satisfaction physique. La fuite éperdue de Prico sur la voie ferrée, puis au bord de la mer, si elle n'a rien d'original à l'écran, est au moins traitée avec le souci de montrer un être infime et désarmé, perdu dans l'espace. Le Voleur de bicyclette reprendra ce thème et le développera de manière efficace... »
« Non sans peine, en 1943, de Sica mit en chantier I Bambini Ci Guardano, film psychologique très délicat dont l'action était entièrement e
« Non sans peine, en 1943, de Sica mit en chantier I Bambini Ci Guardano, film psychologique très délicat dont l'action était entièrement exprimées d'après les réactions d'un étonnant petit protagoniste de quatre ans. Sans ménagement, De Sica y accusait cruellement les mesquineries, les égoïsmes et les désespoirs d'un milieu bourgeois étriqué dans lequel tant de gens étouffent, privés d'horizon. La figure du mari trompé, la grand mère avec sa famille paysanne, les angoisses du petit Prico et ses épreuves trop grandes pour lui, toute matière ingrate devenait si émouvante qu'elle atteignait un certain lyrisme.
L'entourage était férocement typé : de la tante modiste avec son amant aux locataires de l'immeuble, de la petite fille à qui Prico est confié aux collègues de bureau du père, de la modeste pension d'Alassio au monde élégant de la plage, dépeint avec ses gestes, son vocabulaire, ses inflexions de voix. A des moments d'une intensité douloureuse, le drame se concentrait sur la physionomie prodigieusement mobile du petit interprète : la fuite de l'enfant qui veut rejoindre son père sur la conduite de sa mère, la terreur quand son père qui a décidé de se suicider l'abandonne au collège. L'homme descend l'escalier en hâte pour s'éloigner, le plus possible, de son fils et de ses remords, et les appels implorants du petit se perdent dans les salles du collège, désertes, immenses et dans un escalier monumental... »
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