Cinéaste de la marge, Wang Bing s'évertue à filmer la majorité invisible de la Chine, en détaillant minutieusement la condition de vie et le quotidien des Chinois contemporains. Ainsi son premier film monumental de 9 heures, A l'ouest des rails (2003), s'attarde sur la mutation d'une cité industrielle chinoise et ses conséquences sur les ouvriers, de plus en plus livrés à eux-mêmes à mesure que l'Histoire officielle les oublie.
Ce rapport au passé et à la transmission de la parole des générations précédentes est au coeur de son film suivant, Fengming (2007). Entretien fleuve filmé en plan fixe et presque sans coupe, Wang Bing va à la rencontre d'une femme âgée et lui demande de revenir sur sa vie, qui a été malmenée par la Révolution culturelle.
En 2009 sort L'Homme sans nom, qui suit un marginal vivant en complète autarcie et qui décrit avec précision son quotidien au cours d'une année entière. Sans parole, le cinéaste met en lumière avec patience et virtuosité la réalité des laissés-pour-compte de l'essor économique chinois. Mettant son approche sans concessions de son art au service de la marge, Wang Bing travaille et s'épanouit hors système et dans la semi-clandestinité, aucun de ses films n'étant distribués voire sont même censurés en Chine.
Le Fossé (2010), s'il s'agit de sa première fiction, n'en demeure pas moins très proche thématiquement de son oeuvre documentaire. Suivront deux autres documentaires, Les Trois Soeurs du Yunnan (2012) et A la folie (2013), et qui participent à constituer une des filmographies les plus atypiques et édifiantes du cinéma contemporain, célébrée dans les festivals à travers le monde.