Il commence des études de médecine, mais se tourne rapidement vers le cinéma et réalise quelques courts métrages en amateur puis en professionnel, lorsque Elias Querejeta, producteur célèbre, lui permet de signer un moyen métrage, Martin, en 1988.
Ce n'est pourtant qu'en 1992 qu'il parvient à tourner Vacas, long métrage très ambitieux dans lequel il dresse un panorama de la société basque entre 1875 et 1936, à travers la description de deux familles montagnardes isolées.
Le film récolte des prix dans les nombreux festivals où il est sélectionné et le Goya (le César espagnol) du meilleur nouveau réalisateur en 1993. Medem y utilise pour la première fois Emma Suárez, qu'il retrouvera dans plusieurs de ses titres.
Le succès critique que le film obtient permet au cinéaste d'enchaîner immédiatement avec L'Écureuil rouge (La ardilla roja, 1993), de nouveau à partir d'un de ses propres scénarios, toujours avec Emma Suarez, et encore un succès, puisqu'il décroche le Prix de la jeunesse à Cannes cette même année.
Simple road movie en apparence, le film met en jeu plusieurs plans de réalité, à l'image de l'écureuil du titre, à la fois réel, perché dans son arbre, et symbolique, emblème en contreplaqué du camping où se retrouvent ses personnages, le rocker suicidaire et la motarde amnésique qu'il a sauvée. Manipulation, brouillage des pistes, construction éclatée, le film joue sur le mystère et l'ambiguïté, caractéristiques qui ressurgiront dans ses futures œuvres.
Tierra, qui représente l'Espagne dans la compétition cannoise en 1996, et remporte quelques prix dans des festivals internationaux, ne sortira en France qu'en 2002, après Les Amants du cercle polaire et Lucia et le sexe, pourtant postérieurs – exploitation due sans doute au bon accueil reçu par ceux-ci. Le film se développe encore de façon ambiguë, comme son héros, simple technicien qui parcourt les vignobles pour éliminer les cochenilles qui les infestent et en même temps dialogue constamment avec son double, un alter ego qui est son ange gardien et sa conscience. Rêve et réalité se confondent, comme les deux femmes dont, dans sa schizophrénie, Angel – ou les deux Angels qui le composent – est amoureux.
Jusqu'à présent, l'audience des films de Medem, quoique certaine, était plutôt du côté de l'"Art & Essai". Classés "films de festivals", et tous bien accueillis par la critique, ils n'avaient pas encore vraiment atteint le grand public. La situation va changer avec Les Amants du cercle polaire (Los amantes del Circolo Polar, 1998), qui sortira dans plus d'une trentaine de pays et va donner au réalisateur une stature internationale.
Il faut reconnaître que cette belle histoire d'amour fou, scellé dès l'enfance et allant au-delà de la mort, multipliant les flux et reflux du désir, emportant ses protagonistes d'Espagne en Finlande, jouant, comme d'habitude, sur plusieurs niveaux, affichant dans la même coulée narrative rêve, réalité, conte, mythologie, coïncidences et prémonitions, avait tout pour convaincre le spectateur. Et l'histoire tragique d'Otto et Ana demeure une des réussites les plus solides du cinéaste.
Trois ans plus tard, Lucia et le sexe (Lucia y el sexo) reprend la thématique de l'amour plus fort que le temps et l'espace. Medem n'a pas facilité la lecture de son film, utilisant une narration touffue, qui mêle les époques, multiplie les pistes et confronte la réalité et la fiction, celle que le héros romancier élabore peu à peu. Mais le réalisateur a su ne pas se perdre en route, et l'histoire d'amour – l'élément qui le préoccupe prioritairement depuis Vacas – entre cet écrivain qui peine à assumer son passé et cette serveuse de restaurant prête à tout est suffisamment crédible et forte pour qu'on les suive jusqu'au bout – jusqu'à Formentera, par exemple, bout du monde plus qu'agréable.
Comme le titre l'annonce, le sexe, filmé sans tabou, joue un rôle important – les scènes nocturnes entre Tristan Ulloa et Paz Vega (qui décrocha le Goya 2001 de la meilleure révélation) sont parmi les plus fortes et belles du cinéma espagnol moderne. Et Lucia permit de découvrir Elena Anaya, qui a depuis fait le chemin que l'on sait, jusqu'au récent La piel que habito de Pedro Almodovar.
Après cette œuvre majeure, sortie dans plus de quarante pays, Medem attendit six ans (excepté un documentaire sur la pelote basque en 2003) pour tourner de nouveau. Et malgré sa tête d'affiche Charlotte Rampling, Caotica Ana mit plus de trois ans avant de parvenir en France, où le film ne reçut, en plein mois d'août 2010, qu'un accueil mitigé.
Cette histoire d'une nouvelle Ana, après celle des Amants, artiste peintre pratiquant l'hypnotisme, et qui part à la recherche de ses vies antérieures, n'avait pourtant rien de plus surprenant pour le public que ses précédents films. Pas plus que le jeu sur les multiples plans de réalité, qui n'offre plus désormais de difficultés de lecture. Mystère de la réception. Medem a tourné depuis Habitacion en Roma (2010), décevante love story lesbienne, à l'esthétique publicitaire et à l'érotisme d'un autre âge, qui réunit (et dénude) au moins deux très belles femmes, Elena Anaya et Natasha Yarovenko. Le film est resté inédit en France dans les salles.
En vingt ans et sept longs métrages de fiction, Julio Medem a construit une œuvre très personnelle, hors de tout courant espagnol contemporain, avec ses obsessions, ses constantes, une manière bien à lui de jouer avec le fantastique, de capter la poésie d'un paysage, d'exalter l'intimité amoureuse. En bref, un auteur…
Lucien Logette