Revenu sur la terre ferme, il est initié à la danse et rejoint une compagnie avant de s'en détourner pour devenir comédien et de s'interesser à la photographie et au cinéma amateur. Ses petits films lui fournissent une carte d'entrée à la BBC.
Il fait alors ses classes à la télévision en signant des documentaires sur l'art, la musique, la danse...Il signe pour le cinéma deux films dans l'air du temps , typiques de la production sixties, French Dressing (1963) et Billion Dollar Brain (Un cerveau d'un milliard de dollars-1967) puis s'impose de façon tonitruante avec Love (1969), adaptation du "scandaleux" roman de D.H. Lawrence (Women in love), qui trouve un écho contemporain à la démarche de l'écrivain (libération des moeurs, critique sociale virulente...).
La sexualité, frustrée et libérée, devient le coeur de l'oeuvre du cinéaste. Il décline le thème à travers diverses biographies d'artistes célèbres, qu'ils soient compositeurs, sculpteurs, acteurs : Tchaïkovsky (Music Lovers, 1970), Henri Gaudier (Le Messie sauvage, 1971), Mahler (1974), Liszt (Lisztomania, 1976, interprété par Roger Daltrey des Who !), Valentino (1977, l'idole du cinéma muet est incarnée par... Rudolf Noureev !).
L'art est pour Ken Russell un vecteur de liberté essentiel. Mais la sexualité reste le fil conducteur de quasiment tous ses films, qui cultivent un style flamboyant et provocateur à travers des scènes chocs au symbolisme souvent outrancier : Les Diables (1971) font se succéder tortures, exorcisme et orgies autour d'un couvent; Les Jours et les nuits de China Blue (Crimes of Passion-1984)... Enfin, la musique aura été une source d'inspiration inépuisable pour le cinéaste, qu'elle soit classique (dans les biographies déjà citées) comme populaire (il met en images l'opera-rock des Who, Tommy-1975, ou revisite l'âge d'or du musical hollywoodien des années trente avec The Boy Friend-1972).
Tenté par le fantastique, l'onirique et la science-ficton, Ken Russell a fait quelques tentatives (pas forcément concluantes) dans ce domaine avec Au delà du réel (Altered States-1980), Gothic (1986), Le Repaire du ver blanc (The Lair of the White Worm-1988)...
Depuis 1991 et La Putain (Whore), avec l'exception du passage-éclair de son film Uri (pratiquement pas diffusé), les Français ne voient plus un seul film de Ken Russell. Celui-ci n'a pourtant pas cessé de tourner, et on peut l'apercevoir comme acteur dans quelques films signés d'autres cinéastes, silhouette massive et crinière blanche, comme dans Appellez moi Kubrick (2005). Gageons que son oeuvre excentrique, traversée de véritables fulgurances et de moments réjouissants par leur mépris du bon goût, ne va tarder à être redécouverte.
Philippe Piazzo