Sa famille fuit l’Allemagne en 1939 pour rejoindre New York. Pendant ses études, Mike Nichols fait la connaissance d’Elaine May avec il formera un célèbre duo sur scène pendant quelques années.
Se tournant vers la mise en scène, il continue à travailler pour le théâtre, avec un succès grandissant, avant de se voir confier, en 1966, la réalisation de son premier film, une adaptation de la pièce Qui a peur de Virginia Woolf ? Elisabeth Taylor et Richard Burton y forment un duo mémorable, couple alcoolisé qui se déchire devant deux jeunes mariés. Réussissant à canaliser ses deux monstres sacrés, Mike Nichols s'impose alors comme un direction d’acteur hors pair, ce que confirment ses réussites suivantes.
Dès l’année suivante, Mike Nichols signe ce qui restera son film le plus célèbre : Le Lauréat. Le héros, qui représente pourtant une forme d’idéal de réussite au début de l’histoire, choisit l’anticonformisme après avoir couché avec une amie de ses parents puis avec sa fille. Joué par un Dustin Hoffman alors complètement inconnu, le film connaîtra un succès hallucinant. Son ton novateur, le jeu très moderne de Hoffman, l’érotisme d’Anne Bancroft, tout cela contribue à faire du film un phénomène de société qui garde encore aujourd’hui toute sa fraîcheur, aidé en cela par les tubes interprétés par Simon et Garfunkel. Un oscar du meilleur réalisateur récompensera le travail du cinéaste.
Mike Nichols réalise ensuite Catch 22, en 1970, mélange de film de guerre et de satire politique, puis rencontre Jack Nicholson en 1971 pour Ce plaisir qu’on dit charnel, film sur la découverte de la sexualité par deux étudiants. L’aspect sulfureux du film entraînera quelques scandales et fera toute sa notoriété.
Désormais, il fait partie des valeurs sûres d'Hollywood et il aime employer les stars dont il révèle toutes les facettes dramatiques sur des sujets les plus divers. Après un film écologique, Le Jour du dauphin, en 1973, avec George C.Scott, il retrouve Jack Nicholson en 1975, associé à Warren Beatty pour La Bonne Fortune. Leur duo cherche à s'aligner sur le succès du tandem Redford/Newman dans le sillage nostagique de L'Arnaque, mais cette tentative de revival de comédie hollywoodienne située les années vingt manque sa cible. Mike Nichols aborde un sujet scabreux sur un ton joyeux pour un résultat très indigeste. Cet échec complet l'écartera quelques années du cinéma, le forçant à retravailler pour le théâtre et la télévision.
Avec Le Mystère Silkwood, en 1984, Mike Nichols réussit son retour avec un film-enquête, adapté d’une histoire vraie, où Meryl Streep est particulièrement brillante, entourée de Kurt Russell et de Cher en meilleure amie lesbienne. L’année suivante, le cinéaste forme un couple inédit, avec deux acteurs qu'il connait bien désormais : Meryl Streep et Jack Nicholson : La Brûlure. Cette chronique de la séparation d'un couple reste pourtant trop conventionnelle et les deux stars restent dans les marques d'une performance trop attendue.
Avec l’adaptation de Biloxi Blues, la pièce autobiographique de Neil Simon, Mike Nichols retrouve le mordant de ses débuts, permettant à Matthew Broderick d'aborder un personnage un peu plus complexe que les rôles d'ados auxquels il était cantonné.
Et le succès est de nouveau au rendez-vous avec, en 1989, Working Girl, qui recycle les ficelles de la comédie classique avec un sujet très moderne : la vie des yuppies de Manhattan. Archétype des années quatre-vingt triomphantes, où une jeune femme arrive à changer son destin par la force de sa volonté, le film s'appuie sur Mélanie Griffith, dans l'un de ses meilleurs rôles, secondée par Joan Cusack, particulièrement savoureuse. Entre elles-deux, Harrison Ford, galamment en retrait, avale de son sourire enjôleur la moindre de ses apparitions. La scène où il change de chemise tout en téléphonant dans un bureau vitré devant des dizaines de secrétaires enamourées est anthologique.
Avec Bons baisers d’Hollywood, en 1990, adapté de l’autobiographie de Carrie Fisher (l'ex-Princesse Leia de La Guerre des étoiles, Mike Nichols a l’occasion de faire une brillante satire de sa profession. Mais en réunissant Meryl Streep et Shirley MacLaine, le film est recentré sur leur relation mère-fille et s'éloigne de son sujet.
On ne change pas une équipe qui gagne ? Harrison Ford again, en 1991 pour A propos d’Henry. Un film "honnête", mais disons que l'on préfère définitivement Harrison en aventurier égrillard qu’en handicapé convalescent. Surtout lorsque le récit commence à prendre l'eau des bons sentiments. Dans le film suivant, Wolf, histoire de loup-garou, c'est Jack Nicholson qui revient sous les caméras du réalisateur, sans surprise notable. Mike Nichols enchaîne les réalisations "pros" ... et "tranquilles", qui plaisent tant aux Studios, pour lesquels il signe encore Birdcage, remake inutile de La Cage aux Folles, ou la satire politique Primary colors, d'une portée critique toute relative.
Plus original malgré les apparences, Closer, entre adultes consentants, en 2004 raconte les errements sexuels de deux couples avec un casting de grand luxe. Mike Nichols est particulièrement inspiré dans cette nouvelle adaptation d'une pièce de théâtre, décidément son domaine de prédilection et, bien que Julia Roberts et Jude Law y forment un couple électrique, ce sont surtout Clive Owen et Natalie Portman qui fascinent, dégageant une sexualité trouble. Leurs performances seront saluées aux Golden Globes. En 2007, une nouvelle satire politique inspirée par des événements réels connaît son petit succès. La Guerre selon Charlie Wilson est une bonne surprise, par l’originalité de son sujet et pour le plaisir que Tom Hanks semble avoir eu à jouer dans le film.
Qualité quasiment constante, emploi d'acteurs hors pair, sujets forts... les films de Mike Nichols ont pratiquement toujours de quoi appâter le spectateur. Il est toutefois permis d'avoir aujourd'hui un soupir nostalgique en se remémorant ses débuts fulgurants. Certes, réussir dès son deuxième long-métrage, un film culte qui révèle une star (Dustin Hoffman) est un sacré handicap, mais le savoir-faire indéniable du metteur en scène fait regretter ses premières audaces.
Vincent Boffy et Philippe Piazzo