Né en 1925, fasciné par les mal classés et les refoulés, Sam Peckinpah s’est même inventé un grand père indien pour coller au mythe. Toute son œuvre est marquée par ce refus de rentrer dans le rang, ainsi que par le regret d’être né trop tard et que les temps épiques soient révolus.
Il commence par écrire et réaliser des westerns pour la télévision dans les années cinquante. Dès son premier long métrage : New Mexico, un western, la réalisation honnête et le casting moyen sont transcendés par le sujet : le transport d’un cadavre à travers les lignes indiennes, qui permet au cinéaste de faire ses armes tout en laissant quelques bribes de ses futurs thèmes de prédilections.
En 1962, Coups de feu dans la sierra marque le début de sa véritable carrière : un western mélancolique sur la fin de l’ouest, avec des paysages magnifiés, l’utilisation de vieux acteurs sur le déclin (Joel McCrea et Randolph Scott) et l’intrusion de personnages répugnants. Sa mise en scène commence à trouver sa place, en particulier dans le duel final qui préfigure certains cadrages popularisés plus tard par Sergio Leone. Major Dundee son film suivant, très ambitieux, connaîtra de vrais problèmes de production et sera remonté contre son gré. Son échec public et le caractère intransigeant de Peckinpah lanceront son image d’enfant terrible d’Hollywood.
La Horde Sauvage quatre ans plus tard, raconte comment une bande de salopards traverse l’ouest et le Mexique à coups de pétoires, poursuivie par des mercenaires qui ne les valent pas et inscrivant en lettres de sang la fin d’un monde révolu qui ne veut plus d’eux. Scènes de massacre au ralenti, montage révolutionnaire, plans magistraux, nostalgie infinie, tout ce qui fait le cinéaste est bien là, au service d’une œuvre sans concession, servie par un casting exemplaire.
En 1970, le réalisateur s’attaque avec Un nommé Cable Hogue, à la solitude de l’homme face aux éléments et à la civilisation. Comme dans son film précédent, l’intrusion des premières voitures automobiles marque ici au fer rouge la fin de l’ouest américain.
Première des ses incursions hors du western, Les Chiens de paille confirme le goût du réalisateur pour la violence, sujet unique de ce suspense où un américain pacifiste est poussé à bout par une bande de dégénérés de Cornouailles... Le film suivant, Junior Bonner, le dernier bagarreur (1972) revient à l'univers du western par le récit d'un cow-boy de rodéo qui continue à vouloir vivre à l'ancienne à l'époque contemporaine... Le thème préféré de Peckinpah, qui en profite pour donner à Ida Lupino un de ses derniers grands rôles.
La même année, toujours avec Steve Mc Queen, Sam Peckinpah s'essaie au genre policier avec Guet-apens, l'histoire d'un voyou qui sort de prison, d'un braquage qui tourne mal et d'un couple qui fuit le reste de la bande avec l'argent... Ici, il ne reste plus grand chose des codes du genre. Dès le générique, Peckinpah impose sa science du découpage et ne relâche plus la tension. Les amants sont sensuels en diable, Peckinpah filme la fusillade finale comme un western et fait fi de la morale classique en conclusion.
Après cette réussite, Peckinpah revient une dernière fois au western avec un de ses titres les plus représentatifs : Pat Garrett et Billy the Kid. Fin de l'Ouest de légende, amitiés trahies, refus du compromis qui s'oppose aux adaptations de survie, et la violence comme langage, le tout raconté par les mélodies lancinantes de Bob Dylan... Le temps du western est alors révolu, même pour Sam Peckinpah.
En 1974, Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia revient sur le thème de son premier long-métrage, le transport des charognes, et offre à l'éternel second rôle Warren Oates son plus grand personnage. La mélancolie chère au réalisateur y est poussée jusqu’au désespoir.
Un an plus tard, Tueur d'élite lui permet de s'essayer au thriller paranoïaque.
Seule incursion dans le film de guerre, son Croix de Fer marque sa dernière grande réussite, en 1977. La seconde guerre mondiale est vue du côté des Allemands, pour montrer que le camp importe peu, et est le théâtre de l'affrontement de deux hommes, un officier lâche et un homme de troupe courageux et cynique. Rarement l’absurdité de la guerre n’aura été aussi majestueusement retranscrite.
Que ce soit avec Le Convoi en 1978, film de routiers parodiant les codes du western ou avec Osterman Week-end en 1983, nouvelle incursion dans le thriller paranoïaque, Sam Peckinpah ne retrouvera plus l’ambition de ses précédents films.
Reste qu'en seulement quatorze titres, ce réalisateur aura réussi à bâtir une oeuvre d'une grande innovation technique, très cohérente dans ses thèmes et d'un style caractéristique qui n'a pas fini d'inspirer aujourd'hui.