Leurs sketchs, souvent irrespectueux, vont faire les beaux jours de la télévision britannique. Chargé surtout des séquences animées, où son imagination fait merveille, Terry Gilliam touche aussi à l’écriture et à la mise en scène.
Le succès phénoménal de la série Monty Python’s Flyng Circus entraîna la sortie d’un film regroupant leurs sketches, en 1971 (Pataquesse), puis de projets plus originaux comme Sacré Graal, chef-d’œuvre de l’humour nonsensique sur fond de légende arthurienne que Gilliam coréalise avec Terry Jones. La Vie de Brian (1979), délirante parodie de la vie du Christ et Le Sens de la vie (1982), retour au film à sketches, leur association atteint une apogée. Dans ce dernier film, Gilliam réalise l’impressionnante scène d’ouverture, véritable préface au futur Brazil.
Entre temps, le cinéaste a fait ses premiers pas en solo dès 1976 avec Jabberwocky qui confirmait son goût pour les atmosphères médiévales et fantastiques, et une esthétique un peu crade avec des effets assénés comme des coups de poing.
Son génie imaginatif s'affirme encore un peu plus avec Bandits Bandits (Time Bandits), en 1981, où des nains voyagent dans le temps avec un petit garçon et croisent aussi bien Sean Connery en Agamemnon que John Cleese en Robin des Bois. Fort de son originalité, le film connut un vrai petit succès qui va permettre au réalisateur de revoir ses ambitions à la hausse. Ainsi Brazil, en 1985, peut-être son chef d’oeuvre. Situé entre le 1984 de George Orwell et l’oeuvre de Franz Kafka, Brazil est une véritable réussite visuelle. Le monde futuriste est à la fois crédible et extravagant. Avec ses gags tordants et sa mise en scène baroque, cet incontournable de la Science-fiction est aussi l'histoire d'un doux rêveur (Gilliam n'aiment rien tant que mettre en scène des marginaux héroïques) qui cherche à s'échapper d’un monde totalitaire. Le film est, par ailleurs, truffé d’allusions cinématographiques pertinentes sans jamais tomber dans la parodie.
En 1989, Les Aventures du baron de Münchausen, revient vers les thématiques de Bandits Bandits. Voyages irréels, décors délirants, costumes chatoyants, imagination débridée... Mais le film souffre d’un côté brouillon qui l’empêche de connaître le succès lors de sa sortie et marquera une première étape décisive parmi les nombreuses difficultés que connaîtra le réalisateur dans sa carrière.
En 1991, Fisher King (Lion d’Argent au festival de Venise), fable contemporaine aux envolées oniriques, réunit Jeff Bridges, un cynique devenu dépressif, et Robin Williams, clochard à demi-fou à la recherche du Graal. En 1995, Gilliam s’inspire de La Jetée de Chris Marker pour réaliser L’Armée des douze singes avec Bruce Willis et Brad Pitt. Sa réinterprétation brillante d'un court-métrage clé dans l'histoire du cinéma donne naissance à un nouveau monde futuriste qui réussit à imposer son ton propre. Mais Gilliam connait un nouveau revers en 1998 avec Las Vegas Parano, échec public cinglant malgré Johnny Depp et Benicio Del Toro déchaînés, et il faudra plusieurs années pour que cette adaptation en roue libre du gonzo journalisme de Hunter S. Thompson touche quelques adeptes enthousiastes.
Son rêve d'adapter Don Quichotte est alors sur le point de s'accomplir lorsqu'une accumulation de catastrophes incroyables (Jean Rochefort souffrant, météo effroyable...) interrompent vite le tournage. L'aventure ressemble tant à un film même de Gilliam que le making of du film (Lost in la Mancha) va être diffusé, comme un long-métrage, et remporter un vrai succès ! Mais il faudra attendre 2005 pour voir le nouveau film de Terry Gilliam : Les Frères Grimm, fidèle à son goût du décor baroque et son atmosphère de légende noire. Dans les rôles titres, Matt Damon et Heath Ledger semblent beaucoup s’amuser dans cette relecture habile de la vie des deux frères mélangée à leurs contes les plus célèbres.
Marqué par les embûches rencontrées, alors que la production de de cette lourde production traîne en longueur, Gilliam tourne confidentiellement, un "petit" film, qui en est presque le versant moderne et trash, Tideland, avec Jeff Bridges. Ce conte macabre pour enfants... sera interdit aux moins de seize ans, ruinant d’un seul coup toute espérance de succès. Relativement complaisant, possédant une esthétique un peu douteuse, le film confirme que l’œuvre de Gilliam, tout en restant originale, peine à trouver un nouveau souffle.
Nouveau mauvais coup du sort, son dernier film est marqué par la mort, en cours de tournage, de son acteur principal Heath Ledger. Gilliam réécrit son rôle de façon à faire jouer un même personnage par Johnny Depp, Jude Law, Colin Farrell... et Heath Ledger, à tour de rôle. L’Imaginarium du docteur Parnassus reste, malgré cette trouvaille, un film bancal. Comment, pourtant, dans ce monde de rêves et de forains, ne pas y reconnaître la manière inimitable de Terry Gilliam, l'un des plus grands conteurs de l’écran.
Vincent Boffy