Bentley Dean et Martin Butler : " Aucun d’entre eux n’est jamais allé au cinéma..."
"Les habitants de Yakel, sur l’île de Tanna, chassent toujours avec un arc et des flèches.1
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Dans l'une des dernières tribus traditionnelles du monde, une jeune fille rompt son mariage arrangé pour s'enfuir avec l'homme qu'elle aime.
Dans l'une des dernières tribus traditionnelles du monde, une jeune fille rompt son mariage arrangé pour s'enfuir avec l'homme qu'elle aime. Les amoureux déclenchent ainsi une guerre qui menace leur clan. Tanna est l’histoire vraie qui bouleversa la vie des habitants d’une petite île du Pacifique et fit réviser la constitution d'un pays.
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Tous les acteurs sont non professionnels. Tous vivent à Yakel ou dans les villages environnants. Ils ne sont jamais allés à l’école, la plu
Tous les acteurs sont non professionnels. Tous vivent à Yakel ou dans les villages environnants. Ils ne sont jamais allés à l’école, la plupart n’ont jamais quitté Tanna, qui est, outre le titre du film, l’île volcanique du Vanuatu (ce que, avant l’indépendance de ce territoire, on appelait condominium des Nouvelles-Hébrides), où se déroule l’action. Nous sommes donc dans l’une des dernières tribus traditionnelles mélanésiennes ayant été épargnées par ce que nous qualifions très facilement de « progrès », occidentalisme oblige.
Autant le décor est exotique, autant la situation est intelligible, même pour le lecteur n’ayant que des souvenirs lointains de Shakespeare, en son Roméo et Juliette. Une jeune fille rompt un mariage arrangé pour s’enfuir avec celui qu’elle aime. À la passion des tourtereaux répond la guerre qui s’ensuit entre Montaigu et Capulet locaux. Contrairement à ce qu’affirmait Jean Giraudoux, ici la guerre de Troie bat son plein. Même pour le lecteur ne comprenant pas le moindre mot de bichelamar, moi par exemple, il suffit des élans du cœur pour adhérer à cette confrontation entre David et Goliath, et prendre parti pour Jerry contre Tom. Ici, les enfants de Yakel ont fini par jouer avec ceux de Bentley, apprenant leur langue et leur mode de vie.
Pendant sept mois, les réalisateurs (Bentley, à la caméra, et Martin, au son, travaillent ensemble depuis plus de sept ans) ont partagé la nourriture et les aventures des habitants de la région, de l’aube jusqu’à la cérémonie du kava, au crépuscule. De toute façon, en des lieux encore non reliés au courant électrique, on imagine mal comment il pourrait en être autrement. Ce film est donc simultanément grandiose et simple. Il suffit de se laisser porter par le récit, tout en admirant les paysages.
Cela n’empêche en rien que – l’imaginaire de l’analyste intègre aussi sa propre culture – le film Tanna nous en a rappelé d’autres. Le plus récent est Stromboli, réalisé en 1950 par Roberto Rossellini, ne serait-ce qu’à cause de l’éruption non tant du volcan que de la solitude des sentiments qui en découle. On peut lui adjoindre les Rendez-Vous du diable, d’Haroun Tazieff, film moins métaphorique que le Rossellini, Tazieff ayant filmé en couleurs des volcans en éruption. Le plus ancien est Tabou, film sonore (on qualifie de sonore la brève période comprise entre la fin du muet et le début du parlant) sorti en 1931 et coréalisé par Friedrich Wilhelm Murnau et Robert Flaherty, un des chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma.
Il est des aventures cinématographiques fascinantes à plus d’un titre. À la beauté de l’œuvre finie se mêlent la singularité de sa genèse et
Il est des aventures cinématographiques fascinantes à plus d’un titre. À la beauté de l’œuvre finie se mêlent la singularité de sa genèse et la rareté de sa provenance. Il en va ainsi de ce très beau Tanna, tout droit venu des îles Vanuatu, par la grâce d’une collaboration inattendue entre deux cinéastes australiens et les habitants d’un village attachés à la cosmologie traditionnelle de l’archipel : la Kastom.
L’argument du récit ? À l’ombre d’un volcan en activité, le petit-fils d’un chef de tribu, Dain, et une jeune femme tout juste initiée, Wawa, nourrissent l’un pour l’autre de tendres sentiments. Au nom de la tradition et afin d’apaiser un conflit, Wawa est cependant promise à un homme issu d’une communauté rivale…
De cette matière scénaristique on ne peut plus simple, Bentley Dean et Martin Butler tirent un long métrage fort et haletant, aussi authentique que les faits réels dont il est inspiré (...)
Ode à une nature célébrée avec un sens presque malickien de la poésie, tragédie filmée dans la luxuriance de la forêt ou sur fond d’éruptions incandescentes, témoignage d’un monde ayant sciemment refusé les « apports » coloniaux (argent, possessions, mode de vie) des successeurs de James Cook, Tanna évite nombre de pièges guettant les œuvres à forte composante ethnologique pour proposer un captivant voyage, si loin, si proche.
On pense à Roméo et Juliette de Shakespeare autant qu’à 10 canoës, 150 lances et 3 épouses de Rolf de Heer (sorti en 2006).
Outre le talent filmique déployé par les cinéastes – sans le moindre artifice, y compris au bord du volcan –, le film doit sa réussite au cheminement commun avec les habitants de l’île de Tanna, et plus particulièrement du village de Yakel. Le chef et le chamane ont joué leur propre rôle.
Le beau Mungau Dain a été désigné par la communauté pour jouer le rôle de l’amant rebelle… Tout a été exposé, débattu, réintégré au vécu du village et chacun a pu jouer sa partition dans un mélange fécond d’improvisation et de véracité. Aucun de ceux qui apparaissent à l’écran n’avait l’expérience du jeu avant de participer au tournage.
Aucun n’avait vu de film avant de découvrir l’œuvre terminée, dans le village même, lors d’une projection de fortune. « Ils ont dit qu’il reflétait la réalité et aiderait à maintenir la Kastom vivante », témoigne Martin Butler. « Nous voulons vous informer que nous considérons ce film comme le nôtre », ont solennellement annoncé les chefs. Bluffante magie du cinéma.
Ces rondes d'enfants, d'adultes, et l'omniprésence de la figure du cercle évoquent les visions de Werner Herzog, notamment dans son document
Ces rondes d'enfants, d'adultes, et l'omniprésence de la figure du cercle évoquent les visions de Werner Herzog, notamment dans son documentaire La Soufrière. Et il y a, sur tous ces visages, dans tous ces regards, quelque chose qui semblait perdu et ressuscite miraculeusement : une certaine bienveillance, une grâce, comme surgies d'un autre monde.
Qu'importe l'histoire à proprement parler, il suffit de s'abandonner aux images, de se laisser bercer par la musique visuelle. C'est une affaire de rythme et de tempo, un chant funèbre et lumineux.
Bentley Dean et Martin Butler viennent tous deux du documentaire, et cela se voit. Ils se sont auparavant intéressés aux origines de l'homme et aux Aborigènes. Cette fois, ils rendent hommage à une tribu riche de sa béatitude à travers un film envoûtant, candide comme un rêve dont on souhaiterait ne pas se réveiller.
La beauté de "Tanna" (..). tient dans captation de ce monde primitif, hors du temps, dont on comprend sur le tard qu’il s’agit du véritable
La beauté de "Tanna" (..). tient dans captation de ce monde primitif, hors du temps, dont on comprend sur le tard qu’il s’agit du véritable choix de vie d’une communauté soumise à la tentation de l’argent depuis l'arrivée des colons britanniques. Visuellement splendide
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