La Playlist de Jean-Paul Civeyrac
VIDEO | 2015, 12' | Auteur d'un cinéma intimiste par ses sujets et par ses moyens, Jean-Paul Civeyrac revient cett1
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Noémie et Priscilla, en révolte contre le monde et en quête d'absolu, inquiètent leurs proches qui les sentent capables de tout. Y compris de se suicider ?
Noémie et Priscilla, deux adolescentes de milieu modeste, nourrissent la même violence, la même révolte contre le monde et la même quête d'absolu. Elles inquiètent fortement leurs proches qui les sentent capables de tout... Y compris de se suicider ?
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" ... Trop souvent caricaturé en symptôme de fièvres et de pâmoisons sentimentales, le romantisme est
" ... Trop souvent caricaturé en symptôme de fièvres et de pâmoisons sentimentales, le romantisme est culte ardent d'une passion sans partage, ivresse d'infini et révolte. Il est ferment de révolutions qui enflammèrent le XIXe siècle, et l'un de ses disciples, Théophile Gautier, prôna la nécessité de "mettre la planète à l'envers". C'est ce dont rêvent secrètement ces deux jeunes filles, qui nous rappellent l'indéfectible amitié unissant jadis la blonde Caroline von Günderode et la brune Bettina Brentano, deux romantiques allemandes contemporaines d'Heinrich von Kleist.
Jeunes filles d'aujourd'hui, Noémie et Priscilla ne sont pas seulement unies par leur désespoir d'avoir été toutes deux trahies par un garçon, elles ressentent un dégoût du monde contemporain, de ses injustices politiques et sociales : "Pourquoi faire des études ? Pour devenir chômeuse ? Pour se faire exploiter ? Pour exploiter les autres ?" Liées par un pacte suicidaire, elles annoncent un jour en classe qu'elles mettront ensemble fin à leurs jours, comme Kleist qui se tua avec sa bien-aimée.
Cette inadaptation à la société se manifeste aussi dans la famille. Noémie est en friction avec sa mère, Priscilla squatte chez sa soeur où elle se sent "boulet". C'est après un repas d'anniversaire au cours duquel elle est agressée par un cousin à la libido incontrôlée que Priscilla, en liaison téléphonique avec Noémie, va jusqu'au bout de son affinité élective.
Ceux qui connaissent l'univers de Jean-Paul Civeyrac retrouveront une obsession de la perte d'innocence, de l'amour au-delà de la mort, du deuil impossible et de l'absence du disparu comblée par la présence de son fantôme. L'importance, aussi, de la musique comme soupape de survie et métronome d'une élégante mise en scène. L'Orphée, de Gluck, berce ici la solitude d'une survivante en proie à sa solitude coupable, inconsolable Eurydice.
Plus qu'au Virgin Suicides, de Sofia Coppola (1999), c'est à la révolte contre l'absurdité du monde des héros du Diable probablement, de Robert Bresson (1977), que renvoient Des filles en noir.
C'est à la fameuse réplique finale du Pickpocket (1959), de Bresson, que l'on pense en voyant Noémie lutter contre son désespoir : "Quel drôle de chemin il m'a fallu prendre pour aller jusqu'à toi ! "
" Pour filmer ces deux héroïnes au bord du vide, Civeyrac a trouvé un équilibre entre la veine bressonienne
" Pour filmer ces deux héroïnes au bord du vide, Civeyrac a trouvé un équilibre entre la veine bressonienne de ses débuts (Ni d'Eve ni d'Adam, en 1996) et le lyrisme fiévreux de ses films suivants (comme Le Doux Amour des hommes). Les visages des deux actrices, débutantes et impressionnantes, sont scrutés avec une douceur, un tact jamais pris en défaut et, en même temps, une terrible exaltation entraîne le film : les deux lycéennes sont toujours en mouvement, en révolte, en fuite. Des filles en noir est, en quelque sorte, un thriller mental.
Ce sujet épouvantail, le suicide juvénile, Civeyrac en affronte les origines possibles, notamment sociale (avenir peu folichon) et familiale (pas grand monde à la maison). Mais la piste la plus déchirante est la découverte d'une solitude ontologique. Le désir éperdu de fusionner avec l'autre et le projet de mourir sont les deux motifs obsédants du film, qui se répondent et se combinent sans cesse. Noémie et Priscilla trouvent dans leur amitié un peu de cet absolu qui leur manque. Mais leur lien inconditionnel les pousse d'autant vers le passage à l'acte, fantasmé comme la fusion suprême.
Civeyrac assume, lui, son statut d'adulte, sa maîtrise, et une certaine sagesse bienfaisante, qui voit plus loin que l'impasse tragique. En pointant l'inaptitude de Noémie à pleurer, il suggère qu'une chrysalide de froideur enserre l'adolescente, lui barrant encore l'accès à la vie. Il place aussi, furtivement, la candidate au suicide au chevet d'une très vieille dame moribonde, aphone. Scène magnifique : quand Noémie, par provocation, lui annonce sa décision d'en finir, on entend à peine un souffle, mais c'est une protestation viscérale. Les dernières forces d'un corps exsangue mobilisées pour tenter de sauver une fille du noir."
" Il y a quelque chose à la fois de très beau et de tragique à voir des filles aussi jeunes, aussi belles, aussi
" Il y a quelque chose à la fois de très beau et de tragique à voir des filles aussi jeunes, aussi belles, aussi pleines de promesses déjà en rupture avec la vie, dialoguant aussi prématurément avec la mort, prêtes à un possible passage à l’acte par le simple effet de la parole.
Bien que centré sur ses deux vestales mélancoliques, et en empathie avec elles, Jean-Paul Civeyrac ne les accompagne pas jusqu’au rejet des autres, des adultes. La mère et les grands-parents de Noémie, sa professeur de musique, ou encore la grande sœur de Priscilla, la CPE du lycée, composent de beaux personnages, qui existent en quelques scènes et dont les raisons sont défendues.
Ni film socioréaliste, ni 100 % film de genre, Des filles en noir est en parfait équilibre entre ces deux pôles, entre fait de société (le suicide chez les jeunes) et regard stylisé (le romantisme noir), tel un sujet à la Pialat filmé par Murnau ou Tourneur.
Civeyrac fascine par la beauté d’un plan, le filmage d’un visage, restitue le frisson d’un crépuscule, fait deviner la menace invisible d’un hors-champ. Il a trouvé en Elise Lhomeau et Léa Tissier deux extraordinaires félines, deux débutantes qui portent le film avec une grâce et une intensité absolument stupéfiantes. Pas simple, quand on est un cinéaste quadra, de filmer des jeunes filles sans fausses notes et sans clichés
Animé par une belle croyance en son art, en son sujet et en ses actrices, Jean-Paul Civeyrac livre une partition quasi parfaite, délicate et inspirée, intense et sans concession, saisissant quelque chose de l’absolu de la jeunesse sans crainte, sans effarement et sans paternalisme. Une modeste splendeur."
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