William Friedkin : "Nous portons tous en nous le germe du mal"
Le cinéaste a tourné Killer Joe après 5 ans d'absence. L'équipe et lui-même témoignent de cette "version un peu to1
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C'en est fini de Chris s'il ne trouve pas les 6 000 $ qu'il doit encore au caïd du coin. Il y aurait bien l'assurance vie de sa mère, mais elle est vivante...
Chris, 22 ans, minable dealer de son état, doit trouver 6 000 dollars ou on ne donnera pas cher de sa peau. Une lueur d'espoir germe dans son esprit lorsque se présente à lui une arnaque à l'assurance vie. Celle que sa crapule de mère a contractée pour 50 000 dollars. Flic le jour, tueur à gages la nuit, Killer Joe est appelé à la rescousse. Mais il se fait toujours payer d'avance. Or, Chris n'a que sa petite sœur, Dottie, à donner en gage...
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" Tracy Letts, dramaturge qui a adapté ici sa propre pièce (il était déjà l’auteur du cauchem
" Tracy Letts, dramaturge qui a adapté ici sa propre pièce (il était déjà l’auteur du cauchemar claustrophobe Bug, également tourné par William Friedkin en 2006) n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Sa galerie de personnages, plus ignobles ou pathétiques les uns que les autres, n’offre aucune faille ni échappatoire (...)
L’exercice ne serait ainsi que platement caricatural si William Friedkin n’avait pas poussé son film au paroxysme d’une férocité qui rappelle, par moments, le lyrisme nihiliste et sauvage d’un Harry Crews. Assumant le risque de théâtraliser parfois à outrance les scènes les plus crues, Friedkin n’épargne rien, ne se refuse rien. Sa jubilation à faire durer indéfiniment une scène horrible dans laquelle le tueur à gage humilie la belle-mère indigne a ainsi quelque chose d’à la fois fascinant et parfaitement repoussant."
" C'est le tango des minables, la chaloupée des crapules : dans Killer Joe, le nouveau film de William Friedkin, il n&
" C'est le tango des minables, la chaloupée des crapules : dans Killer Joe, le nouveau film de William Friedkin, il n'y a que des bas de plafond, des canailles, des chiennes. Nous sommes au Texas, donc. Nous sommes aussi dans l'univers de Friedkin, qui aime explorer les confins de la monstruosité humaine. Ici, il s'amuse à mettre en scène une parodie noire de Blanche-Neige. « Sauf dit-il, que le Prince charmant est un tueur. »
En effet : les Smith, famille exemplaire du Lumpen de Dallas, passent leur temps à se déchirer. En manque chronique d'argent, le fils aîné propose de buter sa mère alcoolique, pour récupérer le montant de l'assurance. Bonne idée, répondent en choeur le père, la soeur, la belle-mère, butons. Mais qui fera le job ? (...) Friedkin, depuis toujours, s'intéresse à la noirceur des hommes : dans sa jeunesse, il a joué au poker avec Nelson Algren (l'auteur de l'Homme au bras d'or), côtoyé un oncle fic assassin au service d'Al Capone, et failli mourir sur l'autoroute d'un arrêt cardiaque. Formé à la télé des années 1950, il a inventé un style avec French Connection et l'Exorciste : l'image a du grain, la vie est sombre, les vices sont nombreux, les tentations inévitables. Surnommé Hurricane Billy (« Billy la Tornade »), il est célèbre pour sa rapidité à tourner, ses coups de colère, son sadisme sur les plateaux (mais il s'est calmé) et sa rage de séduire les femmes qu'il convoite (mais il s'est calmé aussi). A 76 ans, il a trouvé, dans le scénario de Killer Joe, tout ce qu'il aime : une violence désespérée, une histoire cauchemardesque, et le plaisir de choquer.
Car Tracy Letts, l'auteur de la pièce dont le film est tiré, a une marque de fabrique : « Chez moi, tous les personnages finissent nus ou morts. » Dans Killer Joe, les deux. Le sang coule, les assiettes volent, les bagarres se terminent à coups de boîtes de conserve sur les os de la face, et il y a une scène démente de fellation sur un pilon de poulet. C'est abject, et filmé comme tel. Friedkin n'autorise aucune identification : ces individus, affreux, sales et méchants, sont la lie de la terre. Le dernier plan montre, simplement, un doigt sur une gâchette : Friedkin voit la vie ainsi, sur le fil. La balle, c'est Dieu (peut-être)."
"... Avant de recevoir un hommage pour l'ensemble de sa carrière et de présenter son nouveau film, Killer Joe, ce je
"... Avant de recevoir un hommage pour l'ensemble de sa carrière et de présenter son nouveau film, Killer Joe, ce jeune homme de soixante-quatorze ans, admirateur de Proust et de Simenon, ne cachait pas sa stupéfaction, en privé, de découvrir qu'il avait été en France interdit « seulement » aux moins de 12 ans. Aux Etats-Unis, il a été interdit aux moins de 17 ans, la classification la plus sévère qui soit. Interrogé sur la question de la violence, Friedkin rétorque : « Il y a plus de violence dans Shakespeare. Mais ne le lui répétez pas, je ne voudrais pas l'embarrasser. »
Tourné en vingt et un jours pour 4 millions de dollars -une misère pour un réalisateur qui a tourné le film le plus rentable de l'histoire du cinéma d'horreur (402,5 millions de dollars de recettes) -, Killer Joe est porté par des acteurs exceptionnels. Matthew McConaughey en tête.
Killer Joe est un film à ne pas mettre sous tous les yeux. Violent, érotique, amoral. Et aussi efficace, jouissif, virtuose. On s'en veut un peu (beaucoup) de le dire."
" Regard de braise, accent redneck au couteau, mâchoire tombante, corps tordu de concupiscence satanique, Matthew McConaughey tr
" Regard de braise, accent redneck au couteau, mâchoire tombante, corps tordu de concupiscence satanique, Matthew McConaughey trouve ici le rôle de sa vie. L'ex-jeune premier abonné aux comédies romantiques porte à incandescence son infernale métamorphose, entamée avec Magic Mike, de Steven Soderbergh (...) D'une impétuosité fourbe et rentrée, il campe toutes les facettes de Lucifer, tour à tour tentateur, accusateur, exterminateur et - plus encore - scrutateur.
"Your eyes hurt" : "Tes yeux font mal", lui souffle ainsi, par deux fois, Dottie (Juno Temple, excellente en proie désemparée). Le diable se niche dans les détails, et les spectateurs les plus attentifs auront noté qu'une présence souterraine traverse tout le film : celle de la télévision, qui diffuse scène après scène son flot d'inepties et d'atrocités. Avant de faire dire la messe à la tablée en lambeaux, Joe ne manque pas de saccager, avec force fracas, l'écran familial. Manière de rappeler d'où, précisément, vient le fléau dont il n'est que le modeste exécuteur.
Ce geste iconoclaste résume, pour ses contempteurs comme pour ses adorateurs, le cinéma de Friedkin. Les premiers ne voient, chez le réalisateur de L'Exorciste, qu'ultraviolence gratuite et amorale, purgeant, avec un mépris ironique, une humanité réduite à ses plus vils archétypes. Dans le calvaire enduré par les personnages féminins de Killer Joe, rattachés aux représentations les plus archaïques de leur sexe (vierge, mère et prostituée), ceux-là trouveront, n'en doutons pas, matière à conforter leur dédain. Les seconds, au contraire, saluent l'auteur de La Chasse comme un pape de la course-poursuite, un démiurge de l'adaptation littéraire, un ange de l'ambiguïté. Tiré d'une pièce de Tracy Letts, Killer Joe et ses chassés-croisés pétaradants leur donnera le même type de satisfaction qui convulse le Malin à l'approche de sa cible. Un plaisir mêlé d'effroi, qui tire sa légitimité d'un pari aussi problématique qu'admirable lorsqu'il est, comme ici, tenu : pour exorciser le Mal, il ne suffit pas de dévisager le diable, il faut encore adopter son regard et, après en avoir saisi les leurres, se crever les yeux."
" William Friedkin n'y va pas de main morte. Rien à faire du bon goût, de la sensibilité et autres sornettes.
" William Friedkin n'y va pas de main morte. Rien à faire du bon goût, de la sensibilité et autres sornettes. La violence, il en a filmé les effets séduisants et détestables (...) De la pièce de Tracy Letts, avec ses archétypes inspirés de Tennessee Williams ou de Sam Shepard (le frère vaguement incestueux, la soeur sosie de Baby Doll), il tire une farce. Une charge. Sur une famille qui, par monstruosité autant que par bêtise, plonge dans un piège qui va la détruire. Sur un monde sans repères, aussi, que domine ce flic sans loi, soudain amoureux. Interprété avec une froideur glacée par Matthew McConaughey, longtemps considéré comme le plus mauvais comédien de Hollywood, régénéré depuis peu par une série de rôles ambigus (notamment dans Magic Mike, de Steven Soderbergh) où il fait merveille.
Célèbre pour exacerber les scènes d'hystérie (L'Exorciste, en 1974...), le cinéaste, curieusement, a toujours, revendiqué un goût pour l'épure : « Une pièce, deux acteurs : le strict minimum me plaît. » Il est vrai que, dans Bug (2006), ce sont des pucerons qui, à eux seuls, créaient l'angoisse. Comme, ici, le clic-clac du briquet du shérif assassin... Chez Friedkin, un simple petit bruit, répété à satiété, fait naître la tension. Ce curieux suspense tragi-comique. Et puis, brutalement, il lâche les chiens. La conjuration des imbéciles s'effondre. Tout explose. La folie douce devient furieuse. Et soudain, c'est l'enfer... ."
Ciné Phil au sujet de
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