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Remontant jusqu'à l'époque de l'Indochine française, et fouillant parmi les innombrables archives, le cinéaste met à nu les racines de la guerre du Vietnam.
En archéologue des images d'archives, remontant jusqu'à l'époque de la colonisation française, le cinéaste expose la préméditation de l'intervention américaine et le caractère, selon lui, inéluctable de la défaite militaire. Tourné en 1968, au coeur du conflit, et diffusé en 1969 (l'année où mourut Ho Chi Minh), le premier documentaire (américain) à affronter avec lucidité un sujet tabou. Un film-clé.
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" Alors que le procès de l'Armée U.S. contre Joseph McCarthy (décrit 8 ans plus tard dans le premier film de De Antonio) avait pratiquement
" Alors que le procès de l'Armée U.S. contre Joseph McCarthy (décrit 8 ans plus tard dans le premier film de De Antonio) avait pratiquement arrêté la vie des Etats-Unis, pour la première fois suspendus à la télévision, le guerre du Vietnam n'est plus depuis longtemps qu'un spectacle comme un autre.
Dans ses films, De Antonio saisit ce caractère particulier de la vie politique américaine : que le spectacle en est le fondement (ceci sans commune mesure avec les platitudes sur la "société du spectacle" de ce côté de l'Atlantique). McCarthy avait été renversé, non par le libéralisme, mais par une image (le juge Welch) infiniment plus séduisante que lui ; l'assassinat de Kennedy est révélé en creux par quelques-uns des artifices de l'immense mise en scène qui l'entoura. L’accoutumance qui caractérise l'attitude des USA devant la guerre du Vietnam, leur troisième grand fait historique depuis le New Deal, fait de Vietnam, Année du cochon une conclusion logique à la trilogie de De Antonio.
Le malentendu consiste à y voir le premier dossier sur la guerre, alors que son ambition n’est pas l'exhaustivité, maie une histoire de la consciance américaine devant l'événement : d’où les réponses faussement simplistes proposées (de LeMey à Johnson, y avait-il plus subtil à trouver ?). Autre malentendu, croire le film destiné à l’appréciation d'un public particulier. C'est confondre son sujet et ses spectateurs. Le film, bien sûr, est un discours par lui-mème (les rapports de sa dramaturgie avec le cinéma américain classique pourraient d'ailleurs être étudiés). Il ne s'agissait pas de faire de chaque image une traduction visuelle des mots d'un livre possible sur le même sujet. Alors que Point of Order! traitait d'un matériel mort, rejeté dans le passé, qu'il fallait faire revivre et traiter dramatiquement, et que Rush to Judgment au contraire avait "un but activiste précis", une nécessité plus immédiate, avec Vietnam, Année du cochon, De Antonio doit tenir compte de ces deux qualités divergentes du matériel. Tout le film consiste en cette confrontation d'éléments discordants : guerre française/guerre américaine, passé/actualité (fin 68), parole/image, mensonges/faits.
Le film n'est donc pas une oeuvre ouverte : on ne pourrait pas, comme dans le cas de L'Heure des brasiers, lui ajouter une postface ou y intercaler une discusslon (cette possibilité n'est pas ignorée par l'auteur qui pensait inclure dans son film précédent dix mlnutes de réponse des membree de la commission Warren à tout endroit désigné par ceux-ci.
Parce qu'ici c'est la dramaturgie qui crée l'interprétation des faits : Vietnam, Année du cochon est un film de montage hautement conscient de ses moyens. William Burroughs dit dans une interview récente que le fait de découper et réarranger les mots (ou les images) (...) brise le système de contrôle (de l'Establishment) ". Le point de vue bazinien de Moullet écrivant (Cahiers n° 156) " que l'intérêt de Point of Order! provient moins du document, légèrement orienté, que de la passionnante dialectique des procès" ignorait justement que dans ce cas, dialectique et orientation des documents ne faisaient qu'un. Il s'agit bien ici d'entraîner le spectateur dans le cours d’un processus de production du sens. Et surtout de reconnaître à ce processus sa fonction intrinsèquement subversive."
" Dieu sait si des documents sur le Viêt-nam et sur la guerre du Viêt-nam nous commençons à en avoir vu — tant sur le petit que sur le grand
" Dieu sait si des documents sur le Viêt-nam et sur la guerre du Viêt-nam nous commençons à en avoir vu — tant sur le petit que sur le grand écran. Ma mémoire rameute en moi des images de Pierre Schoendoerffer, à la TV, et d’autres images de Joris Ivens, au cinéma. L’intérêt incontestable de ce Viêt-nam, année du cochon, c’est que premièrement il est l’œuvre du citoyen américain Emile de Antonio et que, deuxièmement, ce témoignage est plus qu’un documentaire, c’est un ouvrage d’historien.
La conscience politique ressemble à la charité : bien ordonnée, elle commence par soi-même. C’est d’abord aux Américains de nous dire ce qu’ils pensent de leur guerre du Viêt-nam. Comme c’eût été d’abord aux Français de manifester par le film ce qu’ils pensaient de la guerre d’Algérie. Ce qu’ils n’ont jamais fait (...)
Évidemment, toute question de sentiment est hors de propos entre les États-Unis et le Viêt-nam qui n’a jamais participé du patrimoine américain. Coloniale, cette guerre ne l’est que sournoisement. Il s’agit avant tout de rapports politiques nus, débarrassés de tout ce passé « familial » qui a empoisonné nos guerres en Indochine et en Afrique du Nord. Et c’est sur ces rapports politiques nus qu’insiste le travail d’Émile de Antonio.
Travail dont Émile de Antonio a l’habitude. Je n’ai pas encore oublié Point of order, présenté à la Semaine de la Critique à Cannes, il y a quelques années. Émile de Antonio y traitait d’une des périodes les plus troubles de l’histoire des États-Unis, l’affaire Mac Carthy; passionnante analyse du phénomène quasimédiéval qu’avait été en Amérique l’hystérie anticommuniste et la trop fameuse chasse aux sorcières. Cette fois, Émile de Antonio tente de décrire cette autre maladie de l’Amérique d’aujourd’hui, la guerre du Viêt-nam.
Décrire seulement? Bien sûr que non. La description de cette guerre nous est, hélas, familière : la télévision a multiplié les reportages. Pour Émile de Antonio, la description ne fait qu’illustrer une explication. Le drame présent est étudié dans ses racines — description du passé — et cette étude aboutit en conclusion à une évocation des conséquences possible de ce drame — description du futur.
C’est en cela qu’Émile de Antonio agit en historien. La guerre du Viêt-nam n’est pas cernée comme un événement isolé, saisie dans son pittoresque, si abominable qu’il soit. Viêt-nam, année du cochon n’annonce pas quelque déploiement de folklore exotico-militaire. Année du cochon, c’est d’abord une date. Une date de l’histoire — de cette histoire qu’est celle de l’impérialisme américain. Et une date dans l’histoire — celle où un petit peuple est en train de réussir à tenir tête à cet impérialisme colossal. C’est toujours une date historique lorque David, à coups de fronde, oblige Goliath au recul et à la réflexion.
Émile de Antonio prend donc les choses d’un peu loin. Il remonte à la colonisation française, dont l’actuelle guerre est une séquelle. Nous revoilà : nos fonctionnaires de blanc vêtus, casque (colonial) en tête, les fesses dans des pousse-pousse attelés d’un squelette agile. Et re-voilà nos troufions, pour le défilé martial et le casse-pipe grand format. Et voilà Dien-Bien-Phu. Et l’immense résonance de la défaite française. Et Bao Daï à Cannes. Et les accords de Genève.
De ces images, l’explication commence. Les documents photographiques, les bandes d’actualités, les extraits d’archives, les reportages TV de différentes origines s’accompagnent, nattés ensemble grâce à un montage d’une grande pertinence, d’interviews poursuivies auprès de personnalités de toutes origines et de tous bords qui, de près ou de loin (mais surtout de près!) sont intervenues dans la situation politique et militaire de cette partie du monde : l’Asie du Sud-Est et, plus précisément encore, l’ex-Indochine française.
Pour indiquer la richesse et le sérieux de ce travail d’historien auquel s’est attaché Émile de Antonio, je cite les sources de son information : actualités de l’American Broadcasting Company, United Press International, Associated Press, Paramount, Fox Movietone; documents du Front de Libération nationale, de la République démocratique (Viêt-nam du Nord) et de la British Broadcasting Corporation; archives de la République démocratique allemande, du film tchécoslovaque et de différentes chaînes de télévision.
Les personnalités ? Des Français, intéressés à la question parce que la France a encore une certaine responsabilité (ne serait-elle qu’historique) dans l’affaire : professeur, comme Paul Mus, professeur de bouddhisme à l’université de Yale, ancien officier de l’armée française, négociateur du général de Gaulle avec Ho Chi Minh; journalistes, comme Jean Lacouture et comme Olivier Todd et un ancien membre du corps expéditionnaire en Indochine (1945). Des Vietnamiens, comme Diem ancien président de la République du Viêt-nam du Sud; comme le général Ky, comme Nhu, le frère de Diem et sa redoutable épouse.
Et, surtout, des Américains : Mac Namara, Rusk, Nixon; journalistes, professeurs; et militaires, du général en chef Westmoreland au simple G. I. en passant par le colonel de chars George S. Patton III et un ex-sergent des Forces Spéciales américaines au Viêt-nam, déserteur en 1968.
Discours officiels, propagande électorale, accusations des opposants, plaidoyers gouvernementaux, confidences, interviews proprement dites : dès que ces gens parlent (toutes interventions admirablement sous-titrées par Eisenchitz et Cottrell — et ce détail a ici son importance), on n’arrête pas d’apprendre des choses. Que Roosevelt, par exemple, était décidé à tout mettre en œuvre pour empêcher les Français de reprendre pied en Indochine; que les élections à Saïgon étaient truquées et voici comment; et coetera.
Et, dans le même mouvement, nous sommes à Saïgon, processions bouddhistes, un bonze s’installe posément « en lotus » et flambe, sous nos yeux, interminablement; nous sommes dans le maquis, on y dynamite des silos clandestins bourrés de riz, on interroge un supposé Viêt-cong; nous sommes à Hanoï, Ho Chi-Minh s’adresse à la foule. Sans quitter le théâtre des opérations, Emile de Antonio ne cesse pas de nous tenir présents, en même temps, dans les coulisses : au Département d’État à Washington; en tournée de propagande avec la terrible madame Nhu, beau cobra mince au regard glacial et noir, sifflant de haine; dans les rangs de l’opposition aux États-Unis.
Ce qui m’a frappé, c’est la violence avec laquelle les Américains de tout premier plan se sont dressés, et se dressent, contre cette guerre. Ils n’y vont pas de main morte. La liberté d’expression existe aux États-Unis, on n’en peut douter. Ce film en est le meilleur témoignage. Comme il témoigne de la foi et du courage vietnamiens.
Et puis, il y a, en ponctuation discrète, et comme hors de l’histoire, tous ces regards. Regards fous de peur ou de douleur, ou fixés par la résolution froide, ou débordant d’une haine mal camouflée sous le silence de la bouche et des gestes : ainsi celui de cette mère à l’enfant de laquelle un G. I. vient d’offrir une cigarette.
Agissant toujours en historien réfléchissant sur l’histoire, Émile de Antonio entrouvre des perspectives vers l’avenir. Celui du Viêt-nam ? Enfin la paix après une guerre de plus d’un quart de siècle ? Enfin l’indépendance après des siècles de luttes contre les envahisseurs de tous poils, remuants voisins asiatiques, colonisateurs européens, forces expéditionnaires américaines ?
Et pour les États-Unis ? Champions-de-la-liberté-et-de-l’indé-pendance des peuples, dont l’économie doit tant à la poursuite de la guerre et qui ont déjà déversé sur le Viêt-nam plus de bombes qu’ils n’en ont déversé pendant toute la Deuxième Guerre mondiale. Un des interviewés, le père Berrigan (jésuite, poète, négociateur avec Hanoï pour la libération des aviateurs capturés) voit dans la résistance victorieuse du Viêt-nam les derniers jours de Superman. Et le terme enfin mis à l'arrogance du pouvoir."
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