Dans la course du Prix Delluc
On a coutume de désigner le Prix Louis Delluc comme le Prix Goncourt du cinéma. Créé en 1937, ce prix p1
Navigateur non compatible. Veuillez utiliser un navigateur récent
Le cinéaste retrace les souffrances vécues durant son enfance, sous le régime des Khmers rouges. Dernier volet d'une trilogie sur le génocide cambodgien.
Images perdues d'un bonheur familial éphémère, avant la longue tragédie... Dans ce troisième volet d'une trilogie documentaire sur le génocide cambodgien, le cinéaste fait revivre son enfance et sa famille détruites par les Khmers rouges à travers des figurines de terre cuite peintes, comme des santons qui les représentent. Evocation poignante et sobre d'un crime de masse qui n'a pas laissé d'images.
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
" Il y a l’image qu’on a trop vue, celle qu’on ne peut pas montrer, celle qu’on invente. Mais celle qui tourmente le cinéaste franco-cambod
" Il y a l’image qu’on a trop vue, celle qu’on ne peut pas montrer, celle qu’on invente. Mais celle qui tourmente le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh depuis trop longtemps, c’est l’image manquante. De cette obsession, il a tiré le titre de son dernier documentaire, primé au Festival de Cannes. Il livre un récit du génocide cambodgien d’autant plus poignant que les vides sont comblés grâce à un procédé renversant de simplicité : des figurines d’argile.
Cette absence est née en 1975. Quand Rithy Panh, 13 ans, et sa famille sont contraints de quitter leur maison de Phnom Penh pour rejoindre, comme tous ceux que les Khmers rouges ont décidé de «rééduquer», les rizières arides du Kampuchéa démocratique.
«Je sais que les Khmers rouges ont photographié des exécutions. Pourquoi ? Fallait-il une preuve ? Compléter un dossier ? Quel homme ayant photographié cette scène de mort voudrait qu’elle ne manque pas ? Je cherche cette image. Si je la trouvais enfin, je ne pourrais pas la montrer, bien sûr», expose le cinéaste dans l’Image manquante. Cela fait plus de vingt ans qu’il se consacre, à travers ses films, au travail de mémoire sur cet épisode terrifiant de l’histoire cambodgienne, les tortures et massacres commis par le régime de Pol Pot entre 1975 et 1979. Mais c’est la première fois qu’il aborde frontalement son parcours : la perte de sa famille alors qu’il n’est qu’un adolescent, le laissant seul aux mains de l’Angkar, l’organisation du régime maoïste dont on estime à 1,7 million le nombre de victimes.
En 2002, dans S21, la machine de mort khmère rouge, Rithy Panh confrontait les tortionnaires aux survivants du principal «bureau de la sécurité», où 17 000 prisonniers ont été torturés et exécutés. Dix ans plus tard, dans Duch, le maître des forges de l’enfer, c’est la parole de l’idéologue de l’extermination qu’il recueille lors d’une harassante confrontation qui le laisse exsangue. Avec l’écrivain Christophe Bataille, il décide alors de se pencher sur son propre passé dans l’ouvrage l’Elimination (Grasset, 2012).
Inlassablement, Rithy Panh continue sa quête d’images, celles de l’époque qu’il numérise, mais aussi celles qui sont enfouies dans sa mémoire (...)Pour mieux visualiser, il décide, plus de trente ans après, de retourner sur les traces de son enfance. La maison de ses parents est devenue un bordel. Afin de se la représenter telle qu’à l’époque, il demande à son équipe d’en créer une maquette. Compliqué. Problèmes d’échelle. Un technicien fabrique alors une petite figurine d’argile, dont il sculpte les traits. Des statues qui ont une âme et dans lesquelles le cinéaste se retrouve, au point de transfigurer son film en en faisant le sujet. Ces petits santons à la tête protubérante l’aident à mettre en scène ses souvenirs, des plus doux aux plus durs. «On les a fabriqués au fur et à mesure, à chaque fois que j’avais une nouvelle idée. Ils ont tous été faits par le même sculpteur. Je voulais que ce soit une seule personne qui transmette ce que je voyais. Chaque personnage a une réelle expression.»
La ribambelle de poupées, filmées dans des saynètes statiques auxquelles la caméra et les archives sonores insufflent une fugace vitalité, est d’abord parée des chatoyantes couleurs de l’enfance. L’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh et la déportation de ses habitants dans les rizières, déplacés comme ces petits morceaux de terre cuite, émacie les visages et habille les silhouettes de noir, comme celles des milliers d’ennemis du régime que les Khmers rouges ont voulu rééduquer en effaçant tout ce qui faisait d’eux des individus. Seule une petite statue garde ses couleurs : celle de cet adolescent qui voit mourir son père, lequel cesse de s’alimenter dans un ultime geste de résistance, puis ses sœurs, taraudées par la faim, et enfin sa mère, qui s’allonge aux côtés de la dépouille de sa fille de 16 ans pour ne plus se relever. «Mes couleurs, c’est pour montrer qu’il faut garder une petite chose au fond de nous qu’on ne peut pas abîmer.» L’innocente poésie de ces figurines en glaise donne sa puissance à l’horreur du récit, lentement déroulé par la voix de l’acteur Randal Douc (...)
Dans l’Image manquante, Rithy Panh ne tourne pas la page, mais y imprime enfin pleinement l’expression de ses souvenirs, ceux qui le hantent au quotidien. «On y pense tout le temps. On a la mort en nous. C’est ça d’être un survivant», dit-il, évoquant le travail de Primo Levi. «J’essaie de vivre avec. On nous a imposé ce vécu et maintenant, on doit en plus le transmettre.» Alors, aujourd’hui, cette image, il nous la donne."
" L'Image manquante est un travail de recomposition et reconstitution, par la parole (le cinéaste lui-même en voix-off) et un dispositif con
" L'Image manquante est un travail de recomposition et reconstitution, par la parole (le cinéaste lui-même en voix-off) et un dispositif consistant en des tableaux mettant en scène des figurines en terre cuite dans des décors. L'aspect figé des corps et des visages de ces figurines disent avec force et simplicité la sidération vécue par un peuple lors de la prise du pouvoir des Khmers rouges en 1975, notamment la déportation intégrale des habitants de la capitale Phnom Penh puisque l'idéologie du régime fit de la ville une impureté qu'il fallait détruire. De même que l'individu – le fait de posséder une casserole était la marque d'un individualisme à éradiquer ; la propriété devait se limiter à une cuillère et un uniforme noir. C'est l'Angkarqui gouverne, terme que l'on traduit par "l'organisation", à la fois personne, tous et chacun.
L'Image manquante fait donc dialoguer histoire collective et individuelle (...) la mise en scène des figurines et celle du régime par le biais d'images de propagande. Ce travail permet d'une part de formuler des images qui n'existent pas, d'autre part, il intègre une relecture des archives glorifiant l'édification de cette révolution intégrale, lesquelles portent les traces de la souffrance. Cette démarche renvoie au savoir voir et au retournement des images obéissantes contre leur commanditaires, que l'on retrouve, d'une façon plus radicale et percutante, dans le cinéma d'Andrei Ujica (L'Autobiographie de Nicolae Ceausescu) et Harun Farocki, particulièrement dans En sursis (2007) à partir des extraits d'un film présentant le camp de concentration de Westerbork comme un havre idyllique.
Touchant et prenant par son récit, L'Image manquante accède à une dimension supplémentaire par cette réflexion limpide sur le statut des images et ce qu'elles peuvent receler d'horreur, malgré elles. Aussi Rithy Panh déconstruit la perspective totalitaire du régime en le rendant à l'état d'un pays entré dans la plus terrible des fictions, où les individus sont réduits à l'état de figurants, à l'image de la fixité tragique des personnages de terre cuite. L'image manquante s'ouvre et se clôt par des vagues qui viennent heurter la caméra, représentation de ce que poursuit Rithy Panh dans son cinéma : le flux et le reflux de la mémoire, et la lutte contre l'oubli. "
"Pour évoquer cette « image manquante », il a fait sculpter des figurines en terre glaise, cette substance qui sert de linceul aux supplicié
"Pour évoquer cette « image manquante », il a fait sculpter des figurines en terre glaise, cette substance qui sert de linceul aux suppliciés jetés dans les abîmes de la terre, mêlés à la poussière indistincte des morts. La caméra fait ressurgir l’agonie de ce peuple, pris au piège d’une idéologie terrifiante. Rithy Panh montre, par ce procédé qui met en mouvement des personnages impassibles et immobiles, ce que fut la sidération de cette époque de folie révolutionnaire. Il fait monter des profondeurs du néant les heures ultimes de ces vies sacrifiées que nul ne vint sauver.
Terrible contraste entre le calme apparent de cette mise en scène et l’extrême violence qui se déployait, détruisant hommes, femmes, enfants, vieillards, sans distinction. Qu’en est-il du sommeil et des nuits de Rithy Panh, l’enfant du génocide, le rescapé qui cherche la vérité, appelle ses morts, veut les faire revivre dans ce chef-d’œuvre fulgurant et bouleversant ? Une vague immense le recouvre, l’étouffe, le submerge, l’engloutit. Jusqu’au bout du cauchemar."
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PROMO : 3 MOIS POUR 1€ AVEC LE CODE BEAUXJOURS24*
* puis 6,99€ par mois, annulable à tout moment
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE