Christophe Cupelin : " Je suis un enfant de Sankara..."
VIDEO | 2015, 16' | Ecologiste, féministe, anti-colonialiste mais surtout humaniste, la figure du révolutionnaire1
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De 1972 à 1978, Solanas adapte un grand poème social du XIXè siècle argentin qui trouve, cent ans après sa parution, un cruel écho dans l'actualité du pays.
Après avoir filmé la révolution argentine "en direct" dans "L'Heure des brasiers", Solanas adapte librement le grand poème argentin "Martin Fierro" de José Hernandez (1872) et remet en question la résistance du peuple et sa lutte pour sa libération. Une oeuvre en écho à toutes les rebellions : le vieux rêve de Martin Fierro est celui d’un pays où la paix et l’unité seraient inséparables de la justice et de la liberté. Mais est-ce encore possible ? Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs-Festival de Cannes 1978
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Ce film, tourné en 1972-1973, a été emporté en Europe par Solanas, exilé politique. Il a pu être terminé grâce à une petite coproduction fra
Le film qui sort seulement en cette fin de 1980 a été achevé, à peu de choses près dans sa forme actuelle, en 1974 (voir Positif n° 200, La
Le film qui sort seulement en cette fin de 1980 a été achevé, à peu de choses près dans sa forme actuelle, en 1974 (voir Positif n° 200, La Revue du cinéma n° 335). Retardé par l’exil du cinéaste, par de nombreuses vicissitudes techniques, finalement par les aléas de la distribution, il a eu le temps de donner lieu à quelques polémiques avant même que le spectateur puisse se faire par lui-même une opinion. Encore n’est-il pas sûr que le film fournisse à lui seul pour cela tous les éléments nécessaires.
Laissons de côté le débat politique, qui semble tourner autour des particularités de l’histoire argentine et du personnage controversé de Peron (1).
Depuis sa chute, il est passé de l’eau sous les ponts, et sous le règne de Videla, on peut se dire que c’était le bon temps quand l’Argentine, un certain 17 octobre 1945, choisissait démocratiquement le chef de l’État - fut-il militaire et suspect de mauvaises fréquentations.
Les fils de Fierro, d’ailleurs, à la différence de L'heure des brasiers, précédent film de Solanas (1969), ne se présente pas comme une analyse mais comme un poème, et les références péronistes sont assez obscures. On y décèle sans peine des accents ouvriéristes et populistes qui rappellent quelques envolées lyriques d’antan. Un pur révolutionnaire ne pardonne pas ça.
Pourtant, en voyant ce film en 1980, tout en sachant qu’il était dirigé contre la dictature de Lanusse, cinq ans auparavant, on se dit que Solanas n’est peut-être pas un bon analyste des révolutions, mais que d’instinct, il a vu juste quant à l’avenir de son malheureux pays. L’instinct des poètes sans doute, et cette étrange capacité qu’ils ont de viser des cibles là où elles seront plus tard.
Pour brouiller un peu plus les pistes pour le public européen - le seul qui verra le film, hélas, et encore en petit nombre - Solanas se réfère à un héros mythique, une sorte de Roland local, peu connu en dehors de son territoire où il jouit en revanche d’un formidable succès : le gaucho Martin Fierro. Créé en 1872 par José Hernandez (1834-1886) lui-même devenu le champion des gauchos après avoir quitté Buenos Aires à 14 ans pour cause de maladie, ce personnage central d’un long poème a fini par incarner l’Argentine comme Gavroche Paris. Pour tout dire, le jour de naissance de Hernandez est déclaré férié dans la province de Buenos Aires («jour de la tradition »), et Martin Fierro est évoqué à tout bout de champ. Un film, déjà, lui a été consacré. Cela en agace quelques-uns, dont Borges, et au poème de Hernandez sur le gaucho fruste et analphabète, plus d’un amateur préfère le « Don Segundo Sombra » de Ricardo Guiral-des, moins jaillissant de poésie brutale.
C’est donc en traversant cette querelle politique complexe, et ce réseau de références culturelles peu familières hors d’Argentine, que le spectateur français aborde ce film. A la rigueur, on pourrait oublier cet arrière-plan si l’auteur ne prenait pas aussi ses distances avec le système de références cinématographiques qui tend peu à peu à homogénéiser le cinéma mondial. A l’opposé, et de manière explicite, Solanas recherche ses sources ailleurs que dans le cinéma, dans les diverses expressions de la culture populaire : danses, chants, contes, récits de tradition, scènes conservées par la mémoire collective, poèmes. Parallèlement, il a recherché une certaine vérité des personnages quotidiens, en filmant pendant une année en vidéo la vie des ouvriers du grand Buenos Aires (une énorme agglomération, plus du tiers de la population totale d’Argentine), dans les usines, les bars, les maisons, les syndicats, se constituant ainsi une sorte de carnet de notes toujours disponible. Restait à donner une unité à des matériaux aussi disparates que la vieille ballade et le magnétoscope.
Divisé en trois grandes parties (l’Aller, le Désert, le Retour) et en onze subdivisions nettement numérotées (et conçues, dit l’auteur, comme des tangos ou des milongas), le film suit dans les luttes ouvrières, la guérilla, la prison et la torture les trois fils de Fierro -l’Aîné, le Cadet, Picardia - devenus personnages collectifs en chaque lieu de travail et de lutte. Le tout est ponctué des passages à cheval du gaucho légendaire, dans la pampa toujours présente dans l’imaginaire de ces prolétaires urbanisés (« Au commencement était la pampa », titre Pierre Kalfon en premier chapitre de son livre sur l’Argentine).
Dédaignant la narration traditionnelle et le documentaire engagé, Solanas ne s’est pas donné la tâche facile. Intégrant des scènes réalistes, des pantomines, des scènes théâtrales, de l’outrancier, du pathétique, du quotidien, il soumet le spectateur à des ruptures continuelles, des changements de registre, en bref à tout ce que réprouvent les règles de la composition classique, Ce n’est pas un malheur, et on en a vu d’autres. Peut-être qu’un Argentin suivrait cela avec facilité et délectation, mais d’ici, nous avons parfois le sentiment de perdre pied dans ce courant tumultueux qui garde pourtant, quelque part dans ses structures profondes, le rythme des grands poèmes épiques. Même quand on ne sait plus très bien où on en est, et qu’en bons cartésiens, on cherche à comprendre ce qu’il advient des personnages-repères et de leurs avatars successifs, on reste sous le charme de plans séquences admirables, d’images visuelles et sonores rythmées un peu à la manière des Poèmes barbares de Leconte de Lisle (encore qu’une telle référence, plus du tout à la mode aujourd’hui, laisse entrevoir les limites du genre).
Un film ambitieux qui n’a pas eu les moyens de son ambition, ou pas su les dominer, mais un cri qui sonne fort dans le silence de plomb qui pèse sur la malheureuse Argentine - et sur le Chili, et sur l’Uruguay, le Paraguay, le Brésil, la Bolivie pour ne parler que de ce coin du monde.
(1) Voir Georges Bearn « La décade péroniste » - Gallimard-Julliard, 1975, Coll. Archives.
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