Une alchimie rare entre science-fiction et found footage émane du premier long-métrage de l’Irlandais Andrew Legge. Lola est un bijou artisanal, hybride, inclassable. A découvrir en exclusivité sur UniversCiné.
1938. Dans leur maison bohème londonienne, les sœurs Hanbury, Thom (Stefanie Martini) et Mars (Emma Appleton), jouent les rebelles insouciantes. Grâce à Lola, machine révolutionnaire inventée par Mars qui intercepte les émissions de radio et de télévision du futur, Thom, musicienne dans l'âme, se découvre une passion pour les tubes magnétiques de David Bowie. Mais face à la menace nazie, les deux sœurs décident d’utiliser leur technologie afin de déjouer les plans allemands.
Une touche de science-fiction féministe souffle sur Lola qui réécrit avec une certaine audace une histoire des sciences trop souvent racontée au masculin. Hedy Lamarr, actrice et inventrice révoltée contre le nazisme, a élaboré en 1940 avec le musicien George Antheil un système de communication précurseur du Wi-Fi. Si Mars rappelle Hedy Lamarr et Thom George Antheil, le fantôme du mathématicien et cryptologue Alan Turing plane lui aussi sur Lola. Comme lui avec sa « machine de Turing », qui permit de décoder les messages nazis, Mars livre des renseignements secrets au gouvernement britannique pour déjouer les attaques allemandes. Mais Turing et son équipe avaient bien pris soin de ne pas éveiller les soupçons. Discrétion que n’ont pas les deux sœurs puisqu'elles vont vite se rendre compte que manipuler le temps n’est pas sans conséquences… Et si Lola finissait dans les mauvaises mains ?
Pour explorer ce dilemme éthique, Andrew Legge orchestre une uchronie vertigineuse, à mi-chemin entre The Imitation Game de Morten Tyldum et La Jetée de Chris Marker. L’adage de La Jetée, « Appeler le passé et l'avenir au secours du présent » trouve un écho puissant ici. Passé, présent et futur s’entrelacent dans un patchwork d’archives - dont celles de Pathé - et d’images tournées en 16 mm avec une Bolex d’époque. Peu à peu, le grain poétique des vues prises lors du tournage contraste avec la brutalité des archives de propagande et de bombardements. Au-delà du jeu temporel, si Lola dialogue bien avec un temps, c’est celui de notre présent, marqué par la montée des extrêmes et la désinformation, et nous rappelle alors la nécessité de douter des images et de les (re)mettre en perspective.