Réalisateur, scénariste, acteur, mime, romancier, poète, dramaturge, auteur de bandes dessinées, tireur de cartes... Alejandro Jodorowsky n'a « que » quatre-vingt sept ans mais déjà mille vies au compteur.
Né au Chili en 1929, il passe son enfance à Iquique au nord du pays, où sa famille, des juifs ukrainiens, est venue pour fuir les pogroms. Le jeune Alejandro se passionne très tôt pour les clowns et les marionnettistes, au grand dam de son père qui voyait en lui un futur médecin. Lorsqu'à l'adolescence, il déménage avec ses parents à Santiago, la capitale, il se consacre pleinement à la poésie et à son théâtre de marionnettes.
En 1953, après avoir parcouru tout le Chili pour ses spectacles, Jodorowsky s'envole à Paris où il travaille avec le Mime Marceau et fait la connaissance des surréalistes. Mais en 1962, las de l'intransigeance du surréalisme et de la « dictature » d'André Breton, il crée avec Roland Topor et Fernando Arrabal son propre mouvement, Panique. Après plusieurs livres, des pièces de théâtres et des performances publiques marquantes, Jodorowsky dissout le mouvement en 1965 et s'envole pour le Mexique avec le Mime Marceau.
Il tombe amoureux du pays et s'y installe pendant une dizaine d'années. Il y monte plusieurs pièces de Shakespeare, Ionesco, Beckett et quelques pièces « Panique » qui suscitent d'énormes scandales au point qu'on le menace d'expulsion. Mais le Mexique est aussi le temps des découvertes pour Jodorowsky. Il s'initie à la bande dessinée avec le dessinateur Manuel Moro et entame sa carrière de cinéaste en adaptant une pièce de son ami Arrabal, Fando et Lis (1967).
Son second long-métrage, El Topo (1970), western métaphysique dans le désert mexicain, devient rapidement culte. Le film est à l'affiche de tous les cinémas branchés et devient le porte-étendard d'une nouvelle pratique chez les amateurs de pellicules extrêmes : la séance de minuit.
John Lennon, impressionné, convainc son manager de financer son prochain film, La Montagne sacré (1973). Composé d'une succession de magnifiques tableaux chargés d'images surréalistes et symboliques, le film est selon les dires de Jodorowsky, comme « un trip sous LSD » cinématographique.
En 1975, il rentre à Paris et se lance dans un projet pharaonique qui serait produit par Michel Seydoux, Jodorowsky veut adapter à l'écran Dune, le best-seller de Frank Herbert, pour en faire le « plus grand film de l'univers ». Mais le projet, jugé démentiel par Hollywood, ne reçoit pas les fonds nécessaires ne se concrétise pas.
Malgré cet échec, Dune permettra à Jodorowsky d'entamer l'une de ses plus grandes relations artistiques celle avec Jean Giraud aka Moebius. Une collaboration qui donnera naissance dans les années 80 à une oeuvre culte du neuvième art, L'Incal. Il devient alors l'un des auteurs les plus prolifiques et respectés de la bande dessinée.
Il faudra attendre 2012, soit 23 ans après son désavoué Voleur d'arc-en-ciel pour le voir revenir au cinéma. Avec La Danza de la Realidad, il entame une grande fresque autobiographique censée comporter 5 films et dont la seconde partie, Poesía Sin Fin, sort en 2016. La même année, il conçoit également une suite à son film le plus célèbre, prévue de longue date mais cette fois sous forme de bande dessinée, Les Fils d'El Topo.
Ludovic Denizot