Aucune de ses œuvres réalisées après 1930 n'a connu de réédition, à l'image du travail effectué par Pathé sur les films de Maurice Tourneur, enfin accessibles après une longue période. Et son livre de souvenirs, La Foi et les montagnes, précieux témoignage sur les temps héroïques du cinéma, publié en 1959, a disparu des librairies depuis bien longtemps. Il fut pourtant une des cinéastes français les plus prestigieux des années 20, auteur d'une dizaine de films mémorables, que les festivals spécialisés dans le cinéma muet, Pordenone et Bologne, ont fait redécouvrir à un public d'amateurs.
C'est loin d'être un jeune homme lorsqu'il aborde le cinéma, en 1911 : il a fait des études de droit, est devenu journaliste et auteur dramatique. Mais les scénarios qu'il envoie chez Gaumont plaisent à Louis Feuillade, qui le prend comme assistant, et dès l'année suivante, lui confie des courts métrages : il en tourne une cinquantaine, entre 1912 et 1915, des burlesques, des mélodrames, des policiers, activité foisonnante qui cesse avec la guerre. Il en revient en 1918, mais ne recommence à tourner qu'en 1921, non plus pour Gaumont, mais pour la Société des Cinéromans de Louis Nalpas.
Il enchaînera alors les tournages, signant onze titres jusqu'en 1929, dont certains parmi les meilleurs films à épisodes de l'époque - c'est la grande période pour le genre. Il adapte Jules Verne (Mathias Sandorf, 1921, 9 épisodes), Gaston Leroux (Rouletabille chez les Bohémiens, 1922, 10 épisodes), Victor Hugo (Les Misérables, 1925, 4 époques), Alexandre Dumas (Monte Cristo, 1928, 2 époques) ou des écrivains moins nobles, Arthur Bernède (Mandrin, 1923, 8 épisodes) ou Jean Vignaud (La Maison du Maltais, 1926). Il le fait avec un soin rare, tournant très souvent en extérieurs, dans les collines de Provence, pour Mandrin, ou aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour Rouletabille, et avec un sens très précis de l'image et du mouvement. Ce n'est pas un cinéaste "instinctif", il a réfléchi sur le 7e Art, comme le montre L'Image et l'écran, un manifeste qu'il coécrit avec Jean-Louis Bouquet en 1925.
Mandrin est un vrai western à la française, à la gloire de notre Robin des Bois du 18e siècle, empli de galopades et de coups de théâtre qui font passer en un souffle les 7 heures de projection. Les Misérables, d'une belle fidélité à l'œuvre originale, est à mettre presque à égalité avec la version la plus justement célèbre, celle de Raymond Bernard de 1933, et Gabriel Gabrio est une des meilleures incarnations de Jean Valjean depuis 1906, première en date. Quant à La Maison du Maltais, que Fescourt va tourner en Tunisie, son souci d'authenticité est remarquable, le cinéaste mêlant ses acteurs à la population avec une maîtrise qui préfigure, avec vingt ans d'avance, le néoréalisme.
Mais c'est avec Monte Cristo, sa dernière œuvre muette, que Fescourt signe son chef-d'œuvre. Adapté de Dumas par Armand Salacrou, décoré et costumé par le grand Boris Bilinsky, magnifiquement interprété par Jean Angelo et Lil Dagover, le film, dont longtemps, avant sa résurrection récente en version intégrale, ne fut visible qu'une version de 37 minutes, est une des œuvres qui achèvent en beauté la première période du cinéma français.
Le passage au parlant lui réussira moins qu'à d'autres, Renoir, Duvivier ou Tourneur. Des huit films qu'il réalise entre 1930 (La Maison de La Flèche) et 1943 (Retour de flamme), peu de titres ont supporté le passage des ans ; seuls peut-être, Bar du Sud (1938) et L'Occident (1938, remake d'un de ses titres tourné dix ans auparavant) émergeraient du lot, grâce à l'interprétation de Charles Vanel, s'il était permis de les revoir.
Il a sans doute manqué à Fescourt l'appoint des grandes vedettes du cinéma des années 30, Jean Gabin, Pierre Fresnay, Raimu, Michel Simon, Pierre Blanchar même, ceux dont la seule présence pouvaient soutenir un film ; tourner avec Marcel Barencey (Service de nuit, 1932) ou Reda Caire (Vous seule que j'aime, 1939), n'était pas une garantie de succès public et de survivance dans les mémoires.
Henri Fescourt ne s'obstina pas, et, après guerre, devint professeur à l'IDHEC, nouvellement créé, avant de se retirer pour écrire ses souvenirs, dont le sous-titre (Le 7e Art au passé) définit le programme. Fescourt était un homme du passé. Il n'empêche : parmi les cinéastes du muet, il reste un de ceux dont les films, lorsque l'on a la chance de les voir, demeurent parmi les plus solides pourvoyeurs de plaisir.
Lucien Logette