John Boorman naît en Angleterre en 1933. Très jeune, il devient critique cinématographique puis passe par la télévision avant se s’attaquer à son premier long métrage en 1965 : Sauve qui peut, un film farfelu sur la folie publicitaire. Le succès du film et sa rencontre avec Lee Marvin l’enverront aux Etats-Unis pour tourner l’adaptation du roman culte The Hunter.
Le Point de non-retour (Point Blank) voit donc le jour en 1967, dans un mélange de psychédélique anglais et de polar Nouvelle Vague, avec le décor de Los Angeles, fascinant en ville presque morte. Si son aspect expérimental peut sembler avoir vieilli, le film possède toujours une grande force visuelle expressive.
Duel dans le pacifique, l’année suivante, est l’occasion pour le cinéaste d’aborder le thème du choc des civilisations et du rapport primitif à la nature, qu'il décline ensuite dans Délivrance et dans La Forêt d'emeraude. Ici, un soldat Américain (Lee Marvin) et un soldat Japonais (Toshiro Mifune) sont bloqués sur une plage isolée dans une île du Pacifique en pleine seconde guerre mondiale. Boorman y filme la jungle comme un élément vivant et autonome. Les gesticulations de ces hommes qui ne se comprennent pas n’en deviennent que plus enfantines, et la guerre plus dérisoire.
Le surprenant Leo the Last marque, en 1970, le retour du cinéaste en Angleterre avec une fable presque naïve, l'histoire d’un quartier pauvre chamboulé par l’intrusion d’un riche philanthrope interprété par Marcello Mastroianni. Et, en 1972, Boorman signe son chef d’œuvre, Délivrance. Quatre citadins veulent descendre une rivière sauvage pour profiter de la nature, mais le voyage s’avère plus compliqué que prévu, et la nature particulièrement hostile. Extraordinaire film par son sujet et sa mise en scène, terrifiant dans ce qu’il touche à nos plus belles illusions. Parmi les acteurs, Jon Voight et Burt Reynolds sont parfait, la musique est devenue légendaire, et la façon dont Boorman renverse l’utopie de départ est vertigineuse.
John Boorman continue alors de s'aventurer sur des projets originaux tel Zardoz, en 1974, fable de science-fiction brillante qu’une esthétique douteuse parasite... même si l’image de Sean Connery en slip-à-brettelles rouge et cuissardes noires appartient certainement désormais... à la "légende" du cinéma. En acceptant ensuite de réaliser L'Hérétique, la suite de L'Exorciste, Boorman déjoue l'attente du film d'horreur et privilégie la psychologie et surtout le mysticisme primitif à travers une série de visions oniriques. Le territoire des contes et légendes l'intéresse plus que jamais. Il réussit ainsi à retranscrire avec fougue la légende arthurienne dans son Excalibur, en 1981. D’une thématique complexe, chargé de symboles forts, c’est surtout un superbe film d’aventures avec une bande son d’anthologie.
Très attendu après un tel succès, le cinéaste signe La Forêt d’émeraude, en 1985, l'histoire d’un enfant blanc élevé par les tribus primitives de la forêt amazonienne. Deux ans plus tard, le réalisateur signe son oeuvre la plus personnelle ou, en tout cas, la plus autobiographique. Hope and Glory-La Guerre à sept ans raconte l’histoire d’un jeune garçon qui vit à Londres pendant le Blitz. Avec une reconstitution très soignée et des centaines de petits détails qui sentent le vécu, le film est un beau témoignage sur l’enfance vécue en pleine guerre.
Les films suivants divisent. L'incompréhension du public et de la critique accueille Tout pour réussir (Where the Heart Is). Le cinéaste va désormais aborder frontalement les questions politiques brûlantes du monde contemporain. C'est d'abord Rangoon, en 1995 qui évoque la guerre civile birmane survenue quelques années auparavant. Boorman garde cependant le goût du spectacle avant tout, comme en témoigne Le Général, en 1998 où, dans un noir et blanc somptueux, le cinéaste transforme la vie réelle d’un célèbre bandit Irlandais, Martin Cahill, abattu par l'IRA en 1984, en une analyse très subtile d’un mythe contemporain. Un prix de la mise en scène à Cannes viendra saluer cette belle réussite, avec un Brendan Gleeson magistral.
Autre variation sur la fluctuation des opinions et les frontières troubles de l'engagement dans son adpatation de John le Carré, en 2001 Le Tailleur de Panama. La question politique y est traitée dans une parodie des films d’espionnage sur un mode réaliste; c'est un joyeux divertissement où Pierce Brosnan casse son image de James Bond avec jubilation tandis que Geoffrey Rush compose un tailleur des plus savoureux. A l'inverse, en 2004, In My Country, évoque avec gravité la fin de l’apartheid, avec Samuel L. Jackson et Juliette Binoche.
Tourné en 2006, son dernier film, Tiger's Tail, est resté inédit.
Vincent Boffy, Philippe Piazzo
Pour approfondir la connaissance de son oeuvre, on pourra se reporter à l'ouvrage que lui consacre son indéfectible admirateur, Michel Ciment, John Boorman : un visionnaire en son temps, ou lire ses mémoires en forme de journal Rêves prometteurs, coups dur.