Ill signe pour la télévision de nombreux documentaires pour des séries de grande tenue, "Archives du XXe siècle" ou "Réflexions faites", dans lesquelles il aborde les philosophes contemporains - fréquentation dont on trouvera trace dans l'exigence qui sous-tend ses deux premiers longs métrages de fiction.
Il complète cette activité en assurant la critique cinéma de l'hebdomadaire Elle et occupant une place à la tribune de la fameuse émision de France-Inter Le Masque et la Plume entre 1985 et 2001. (À ne pas confondre avec son homonyme qui anime actuellement une tranche horaire sur la même radio).
Son premier film, Ciné-Follies (1977) est un hommage à un cinéma français oublié, celui de la comédie chantée des années trente, que son anthologie, savante et rigolarde, permit de faire découvrir à un public qui ne soupçonnait pas tant de richesses cachées dans un genre si longtemps méprisé. Cette célébration bienveillante du "cinéma du samedi soir" ne laissait pas prévoir l'atmosphère raréfiée du Fils puni (avec Christian Rist), qu'il réalise en 1980, adaptant un roman de Patrick Thévenon, dans lequel il fait de son personnage principal un "anti-héros" à la recherche de son identité, recueillant des documents sur des criminels auxquels il finit par s'identifier.
Cinéma de l'intériorité, difficile, sauvé par une mise en scène épurée, qui s'adressait à un public aux antipodes de celui de son premier titre. Le même public, hélas clairsemé, qui découvrira avec ravissement Les Derniers Jours d'Emmanuel Kant que Collin filme bien plus tard (1993). Il illustre très soigneusement le récit original de Thomas de Quincey, trouvant, grâce à David Warrilow, acteur de théâtre spécialiste de Samuel Beckett, les accents et le rythme adéquats pour faire de l'aventure immobile du philosophe (dont on sait que la vie quotidienne était régie par de multiples obligations planifiées et un horaire bétonné) un tableau réjouissant.
Sur une trame aussi aride, tissée d'événements minuscules soudainement perturbés, Collin réussit un film drôle et subtilement décalé, tout empli d'une humour pince-sans-rire inattendu – "un univers straubien contaminé souterrainement par Tati", comme l'écrivit un critique lors de la sortie. Exercice de style, certes, mais d'une intelligence et d'une rigueur rares, inoubliable pour les quelques amateurs qui l'ont vu à l'époque. Parmi les peu nombreux portraits de philosophes offerts par le cinéma, celui de Kant brille d'un éclat sans guère d'équivalent.
Philippe Collin devra attendre une dizaine d'années pour parvenir à monter l'adaptation du roman de Tristan Bernard Aux abois, un des premiers romans "existentiels" - quoique publié en 1933. Encore un anti-héros, encore un personnage coincé par la vie, entre Dostoievski et Simenon, poussé au crime et au suicide par sa culpabilité. Cultivant la juste tonalité pour accompagner le périple sans espoir d'Élie Semoun, remarquablement employé à contre-emploi, utilisant une narration classique qui contribue à faire naître l'émotion sans la solliciter, Aux abois ne trouva pas les spectateurs auxquels il était destiné. Le film constitue, pour l'instant, le point final d'une œuvre trop secrète, originale et personnelle, qui a su éveiller l'intérêt de quelques fervents.
Lucien Logette