Le cinéma reste, pour lui, un champ de possibles où se mêlent théâtralité (il filme des pièces : Salomé, Macbeth, Concile d’amour) autant que réalisme documentaire (La Répétition générale, 1980-tourné au festival d’Avignon, De l’Argentine/Zumbeispiel Argentinien-1986, Poussières d’amour/Abfallprodukte der Liebe, 1996. Il connait un certain succès avec Le Baiser de Tosca, émouvant essai sur l’opéra avec les cantatrices Anita Cerquetti, Rita Gorr et Martha Mödl. Plus surprenante fut son incursion dans une fiction politique avec Palermo/Palermo oder Wolfsburg, 1980 qui obtient l’ours d’or à Berlin. En 1990, il adapte le roman d’Ingeborg Bachmann Malina avec Isabelle Huppert.
Il retrouve alors à la fois Bulle Ogier et Isabelle Huppert pour Deux (en 20002, bien sûr), sur le thème le la gemellité fantasmée. Son ultime film, Nuit de chien, a exploré, plus que jamais, les thèmes de tout son cinéma où les corps sont exaltés et frustrés à la fois, plongés dans la nuit et le rêve, en proie à un désir animal.
L'un de ses films les plus représentatifs est Le Roi des roses où s'affirme une sensualité et un sentiment de perdition mêlés que le cinéma seul pouvait, peut-être, semble-t-il, apaiser. On se souvient de sa longue et frêle silhouette, de son large chapeau noir et d'une volonté de raffinement permanent comme pour compenser un excès de lucidité sur la conditon humaine : ""Celui qui ne pense pas à la mort au moins cinq minutes par jour, disait-il, ne vit pas, mais fuit quelque chose." C'est dans cette conscience aigüe de la mort que Werner Schroeter a bati des remparts de beauté, dont l'étrangeté même tient du tourment jusqu'à l'obsession.
Philippe Piazzo