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Cinéaste new-yorkais par excellence, Abel Ferrara possède bon nombre de points communs avec une autre légende de la Grosse Pomme, Martin Scorsese : des racines italiennes, une fascination pour les gangsters, un attachement viscéral à la ville et une foi qui transcende un cinéma sombre et violent, comme si, au comble de l'horreur, tout pouvait encore être sauvé. Double démoniaque d'un Scorsese plus en maîtrise, Abel Ferrara a préféré la folie pure, le scandale, le souffre pour creuser son sillon dans l'histoire du cinéma, quitte à se perdre. Qu'importe. Décrié pour son (mauvais) goût du sang et du sexe, Abel Ferrara reste l'auteur de films sauvages et précieux qui donnent à voir des personnages fébriles, harcelés et suppliciés, capables du pire tout en cherchant le salut. Dans cette veine, peu de réalisateurs ont aussi bien capté la folie et la violence nées de l'impasse dans laquelle ces personnages se retrouvent.

À l'occasion de la sortie, le 8 janvier, de son nouveau long-métrage Tommaso et de la ressortie de quelques unes de ses œuvres, UniversCiné vous propose un top 5 des meilleurs films d'Abel Ferrara.

 

1 - Bad Lieutenant, 1992

Le chef d’œuvre de Ferrara et un autre point commun avec Scorsese : la chanson « Pledging my Love », déjà entendue dans Mean Streets. Dans Bad Lieutenant, la superbe complainte de Johnny Ace berce la descente aux enfers d'un lieutenant de police, perclus de dettes et de drogues, qui enquête sur le viol d'une sœur dans une église.

Complètement noir, le film dépeint un processus d'autodestruction dans lequel le désespoir est partout, du crime sur lequel le lieutenant enquête à la vie erratique qu'il mène. La composition de Keitel, dont la présence physique est impressionnante, notamment dans les innombrables scènes de défonce, porte le film à de rares sommets. À ce propos, la légende veut que toutes les prises de drogues aient été réelles, Ferrara, Keitel et Zoe Lund (co-scénariste du film et interprète de Zoe, l’héroïnomane) étant eux-mêmes portés sur la chose à l'époque.

Malgré la noirceur omniprésente, jusque dans les rues poisseuses d'une ville de New York transformée en piège, il se dégage du film une grâce, caractéristique du cinéma de Ferrara, qui brûle longtemps après le générique de fin. Demeuré l'un des plus gros succès d'Abel Ferrara, le film culte fit l'objet d'une variation, réalisée par Werner Herzog, Bad Lieutenant, escale à la Nouvelle-Orléans, sorti en 2009, ce qui rendit Abel Ferrara fou de rage, au point de menacer Herzog et Nicolas Cage de mort.

 

 

2 - L'Ange de la vengeance, 1981

En 1976, Abel Ferrara réalise, sous le pseudonyme de Jimmy Boy L., son premier long-métrage : un film pornographique intitulé 9 Lives of a Wet Pussy. Des débuts pour le moins anonymes qui ajoutent encore à la légende du new-yorkais. Il faut attendre The Driller Killer, réalisé trois ans plus tard, pour assister à sa véritable éclosion. L'histoire sanglante de ce peintre tombé fou qui sème la terreur dans les rues de New York avec une perceuse électrique tape dans l'œil de William Friedkin, qui permet à Ferrara d'obtenir un budget plus conséquent pour son deuxième film.

Pour L'Ange de la vengeance, Ferrara fait de nouveau appel à l'oreille de Joe Delia et à la plume de Nicholas St. John, déjà présents sur ses deux précédents films, et révèle la diaphane Zoë Lund, une comète dans la nuit new-yorkaise et dans la filmographie de Ferrara, qu'il retrouvera pour écrire Bad Lieutenant.

Sous le nom de Zoë Tarmelis, elle interprète Thana, l'employée muette d'un atelier de confection textile, à Manhattan. Son existence sage et appliquée vole en éclats lorsqu’elle est violée deux fois dans la même journée, d'abord par un maniaque masqué dans la rue puis par un cambrioleur qu'elle découvre dans son appartement. Brisée, Thana se mue en vengeresse sans pitié : armée d'un revolver, elle arpente les ruelles sombres de la ville et abat tout homme qui ose s'approcher d'un peu trop près.

Avec Ms. 45 (le titre original de L'Ange de la vengeance, qui a le mérite d'être frontal) Abel Ferrara continue d'arpenter un New York glauque en développant ses thèmes de prédilection, la violence, le sexe et la folie, avec la modestie et la fougue inhérentes aux thrillers à petits budgets dont il se fera une spécialité. Sur la musique jazzy de Joe Delia, qui s'emballe au gré des meurtres commis par Thana, Ferrara montre comment la violence fait dériver les individus et les détruit. La croisade sanglante de la jeune femme devient rapidement incontrôlable et finit par se diriger aveuglément contre tout son entourage.

Pour le rôle de Thana, l’innocence faite femme qui devient l'ange de la mort, les traits de Zoë Lund resteront longtemps gravés dans les mémoires. Ces débuts sublimes resteront malheureusement à l'état d'apparition, la jeune femme n'enchaînant que quelques petits rôles avant de succomber à une overdose de cocaïne en 1999, 7 ans après son funeste rôle de toxicomane dans Bad Lieutenant.

 

 

3 - Go Go Tales, 2007

Entamée en 1998, avec le film New Rose Hotel, la collaboration entre Abel Ferrara et l'immense Willem Dafoe est l'une des plus belles rencontres de l'histoire du cinéma. Au fil de leurs associations, Tommaso, sorti en ce début d'année 2020, étant la dernière, on se demande en effet qui d'autre que Dafoe pourrait remplir avec autant d'intensité les costumes de fous, de marginaux, de funambules que Ferrara lui taille désormais sur mesure.

Cette symbiose entre deux artistes radicaux trouve son point d'orgue avec le film Go Go Tales, présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2007, dans lequel Willem Dafoe interprète le directeur d'un club de strip-tease new-yorkais qui se bat pour maintenir son établissement à flot. Soutenu par des seconds rôles impeccables, dont Bob Hoskins et Asia Argento pour ne citer qu'eux, Dafoe irradie dans le costume de Ray Rubin, ce monsieur Loyal ringard et bouffon qui s'injecte de grandes doses d'optimisme pour ne pas sombrer dans le désespoir. Le rôle n'est pas sans rappeler le personnage d'un autre directeur de revue à la superbe fanée, le Cosmo Vitelli de Meurtre d'un bookmaker chinois, de John Cassavetes, interprété avec maestria par Ben Gazzara.

Après Mary, sorti en 2005, dans lequel Juliette Binoche joue une actrice bouleversée par son interprétation de Marie-Madeleine et qui, malgré un accueil mitigé, lui a tout de même valu le Grand Prix à la Mostra de Venise, Ferrara retrouve New York. Loin de la violence de la rue, le cinéaste nous entraîne dans une alcôve, un refuge sensuel et précaire, justement nommé le Paradise, dans lequel défilent des personnages touchants à force d'être humains, trop humains, avec leurs faiblesses et leurs désirs.

Harcelé par une propriétaire acariâtre qui souhaite remplacer le club par un fabricant de WC, Ray symbolise la fuite en avant d'une faune new-yorkaise interlope et sulfureuse qui n'a plus sa place dans une cité certes débarrassée du crime mais également liftée et aseptisée par Rudi Giuliani puis Michael Bloomberg. Ray est aussi cet outsider qu'a toujours été Abel Ferrara, bataillant à l'ombre des plus grands pour la beauté de son art.

 

 

4 - The King of New York, 1992

New York, encore, qu'Abel Ferrara ne se lasse pas de filmer ou plutôt, qu'il ne cesse d'invoquer. Loin d'une contemplation béate, d'une déclaration d'amour à sa ville, Ferrara ne fait pas apparaître New York à l'écran, il n'en fait pas le décor de ses drames, il la fait vivre de l'intérieur : les personnages arpentent des quartiers sombres et anonymes, murés dans des voitures qu'ils ne quittent que pour pénétrer dans des intérieurs confinés ou des boites de nuits enfumées. Claustrophile dans sa manière de filmer, Ferrara plante sa caméra dans les entrailles de la ville pour en saisir les pulsations.

Avec The King of New York, Ferrara prend de la hauteur dans la hiérarchie du crime et met en scène un véritable seigneur : Frank White. Après sa sortie de prison, ce redoutable gangster, qui navigue entre les coupe-gorges lugubres et les réceptions mondaines, décide d'imposer par la force son monopole sur les activités criminelles de la ville, avec un projet en tête : empêcher la fermeture d'un hôpital dans le Bronx en renflouant ses caisses.

Dans le rôle de Frank White, véritable demi-dieu du crime, Christopher Walken, dont Ferrara croise la route pour la première fois, plane littéralement sur la ville. Ses yeux perçants et son charisme pare-balles consument le film de bout en bout. Celui qui deviendra son nouvel acteur fétiche est accompagné de seconds rôles marquants : Laurence Fishburne, en jeune chien fou au look improbable, l'incontournable Victor Argo, acteur caméléon de Ferrara, le duo de flics Wesley Snipes-David Caruso et même Steve Buscemi, qui fait une délicieuse apparition comme chimiste expert en poudre blanche.

Dans ce film, devenu au fil du temps l'un de ses plus connus avec Bad Lieutenant, sorti deux ans auparavant, Ferrara dessine de nouveau le portrait d'un homme traqué, dont la radicalité flirte une fois n'est pas coutume avec le kitsch. Certes, l'esthétique des années 1990 naissantes a pris un coup de vieux, mais la mise en scène nerveuse et la performance incroyable de Christopher Walken font de The King of New York un film inoubliable.

 

 

5 - Nos funérailles, 1996

Au vu de sa carrière, il ne fait aucun doute qu'Abel Ferrara sait s'entourer, notamment d'une bande d'habitués de son cinéma, à commencer par Joe Delia à la musique ou Nicholas St. John à l'écriture, fidèles parmi les fidèles. La chose est encore plus évidente concernant sa troupe d’acteurs. Nos funérailles en atteste avec un casting incroyable : en plus de retrouver Christopher Walken, Ferrara réunit Vincent Gallo, Benicio Del Toro, Chris Penn, Isabella Rossellini et Annabella Sciorra.

Dans les années 1930, la famille Tempio, une fratrie mafieuse de trois frères est endeuillée par le meurtre du plus jeune, Johnny. Alors que la famille se réunit pour préparer les funérailles, Ray et Chez, les deux autres frères, cherchent le moyen de se venger. Après China Girl, sorti en 1987, une première incursion dans Little Italy, Abel Ferrara investit totalement le drame mafieux. À croire que pour les cinéastes italo-américains, le genre est un passage obligé. Habitué du contre-pied, Ferrara s'éloigne habilement de ses prestigieux aînés, Coppola et Scorsese évidemment, pour livrer un film anti-spectaculaire et dépouillé reposant sur l'harmonie des acteurs.

Loin de la fascination pour des gangsters charismatiques, aperçue dans The King of New York, assumant stoïquement un destin sanglant, Ferrara montre des hommes broyés par le déterminisme de leurs condition de mafiosi, entre Ray, l’aîné obsédé par la morale du milieu, et Chez, contaminé par la violence jusqu'à la déraison. Le cinéaste explore également la condition des femmes. Loin du cliché de la veuve éplorée, Ferrara met en scène des figures féminines complexes et affirmés qui viennent bouleverser un peu plus la représentation classique du mafioso. Le rôle de Jean, la femme de Ray, interprété par Annabella Sciorra, est à ce titre exceptionnel.

 

Pierre COMMARMOND

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