" Avec Daddy, Darling et All the sins of sodom, le cinéma érotique est encore un champ d’expérimentation qui, s’il s’attache déjà aux dérèglements sociaux, aux éclatements de cellules familiales ou communautaires, reste avant tout préoccupé par la forme et l’expression d’un Art érotique qui fait dans la sugestion, la sensualité, dans des tonalités très arty, proche de l’univers de la photographie.
On ne sera donc pas étonné qu’All the sins of Sodom prenne comme arrière plan le milieu de la mode et du nu artistique à travers l’aventure de Henning, photographe ambitieux plongeant tête la première dans le piège tendu par la mystérieuse Joyce au charme quasi surnaturel, cette inconnue qui s’installe chez lui du jour au lendemain et opère progressivement une fascination hypnotique sur lui. Avec son unité de lieu, qui enferme son protagoniste dans son appartement et studio qui voient défiler ses modèles et maitresses pour mieux confondre vie et œuvre ; All The Sins of Sodom s’apparente à un huis-clos.
Difficile de ne pas identifier le regard du photographe face au plaisir féminin, à son avidité à saisir l’instant précis en elle qui les immortalisera sur la photo à celui de Sarno lui-même, recherchant lui-même à retranscrire une même alchimie. Sarno aime à créer des personnages de femmes dominantes et les mettre en contraste avec une autre héroïne plus douce, plus victimisée, situations propice au schéma triangulaire (cf Abigail Leslie) auquel obéit parfaitement le trio Henning, Joyce, Leslie.
Si Sarno, choisit exceptionnellement un héros, c’est pour mieux mettre en place une fable morale dans laquelle la femme sera une nouvelle fois victorieuse, et s’attaquer aux tares masculines, aux dangers des rêves d’ascension, aux pièges de la séduction et à la chute abrupte qui en résulte. C’est non sans ironie que Joe Sarno manie des citations bibliques avec en filigrane la destruction de la cité pécheresse de Sodome et l’identification de Joyce à une nouvelle Lilith (...)
All the sins of sodom doit moins à son sujet ou une prétendue finesse psychologique qu’à la qualité de sa mise en scène et une direction artistique beaucoup plus proche du cinéma indépendant US de l’époque que du pur cinéma d’exploitation (...) grain de photo tout à fait particulier, une approche quasi documentaire, la prise de son direct, et cette façon de filmer près de la peau.
Ne cessant de jouer sur les contrastes, filmant la beauté des corps enlacés, il capte la montée du désir dans des séquences photos d’anthologie glissant progressivement vers l’acte amoureux, que vient sublimer cette omniprésence du fond blanc. Le Radley Metzger de Thérèse et Isabelle n’est pas loin.
Ode au corps féminin et à la peau, particulièrement sensoriel, All the sins of Sodom capte l’émotion, la fièvre et la fébrilité de la peau dans un noir et blanc hypnotique. Qu’il s’agisse d’une saisissante séquence d’onanisme dans l’obscurité ou les mises en scènes saphiques pendant lesquelles Jenning demande à Joyce de se carresser pour pouvoir capter l’étincelle extatique sur son visage - ce qui n’est pas sans rappeler, par cette mise en abime de l’Art par l’entremise d’un héros, l’obsession de Brisseau pour la montée du plaisir féminin dans Choses secrètes ou Les Anges exterminateurs. Aussi provocateur dans ses thèmes qu’elliptique dans leur représentation All the sins of Sodom n’en est que plus stimulant. Ici, l’érotisme de Sarno n’aura peut-être jamais été aussi … érotique."
Olivier Rossignot