Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers d’un chantier, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le pays par l’océan pour un avenir meilleur.
Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers d’un chantier, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le pays par l’océan dans l'espoir d'un avenir meilleur. Parmi eux se trouve Souleiman, qui laisse derrière lui celle qu'il aime, Ada, promise à un autre homme, plus riche. Quelques jours après le départ en mer des garçons, un incendie dévaste la fête de mariage d’Ada et de mystérieuses fièvres s'emparent des filles du quartier... Grand prix au festival de Cannes 2019.
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
"Atlantique" est une œuvre contaminée dans ses moindres recoins par la figure du fantôme. Mais les spectres les
Deux idées puissantes font d’Atlantique un poème rageur et atmosphérique : la première consiste à r
Deux idées puissantes font d’Atlantique un poème rageur et atmosphérique : la première consiste à raconter la migration du côté des femmes restées au pays, lors de quelques scènes hallucinatoires où elles reprennent le pouvoir. La seconde, c’est d’avoir imaginé ce que diraient les morts s’ils pouvaient s’exprimer.
Clarisse Fabre"Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers d’un chantier, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le p
"Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers d’un chantier, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le pays par l’océan pour un avenir meilleur. Parmi eux se trouve Souleiman, qui laisse derrière lui celle qu’il aime, Ada, promise à un autre homme (...) :
Que le cinéma ou la télévision reprennent à leur compte le drame des réfugiés et des flux migratoires désespérés était d’une certaine façon inévitable. Avec Atlantique, Mati Diop n’est pas la première à s’y aventurer, probablement pas la dernière. Elle a le mérite d’en placer le… curseur à l’origine, une certaine origine en tout cas à travers le point de départ et le premier gros tiers de son film : celui de l’Afrique – le Sénégal en l’occurrence – et de ses ouvriers s’échinant sur des projets immobiliers démesurés sans être payés, les poussant ainsi à tenter l’impossible à bord d’une pirogue. Mais c’est moins ceux qui partent que ceux qui restent – filles et femmes – sur lesquels s’attardent la réalisatrice.
Pour eux (elles) plus encore, cet Atlantique omniprésent à l’écran est davantage frontière qu’horizon, briseur de destin plutôt que fabrique à rêves. Mais si ce regard à travers l’intime ou les dogmes locaux (mariages arrangés) de manière presque documentaire est une réussite, celle-ci ne serait rien sans la dimension fantastique qui vient donner toute sa sève au film. Les jeux de miroirs, les reflets des spots du bar-refuge renvoyant à un improbable écho sonar sur une embarcation fantôme, peuvent dès lors transcender les symboles qu’ils illustrent."
"L’un des plus beaux films de l’année s’appelle Atlantique. Sans déterminant, car Atlantique se suffit
"L’un des plus beaux films de l’année s’appelle Atlantique. Sans déterminant, car Atlantique se suffit à lui-même : il est énorme comme la promesse que ses flots recouvrent, comme ces rêves d’ailleurs que l’océan attise et engloutit. C’est un film à hauteur d’infini, élégiaque et mystérieux, que la mer aurait pu noyer de tout ce que désormais elle charrie, corps sans nom, tragique contemporain. «L’odyssée de Pénélope plutôt que celle d’Ulysse», expliquait la cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop dans le reportage sur la sortie à Dakar de son film, auréolé du grand prix du jury du dernier Festival de Cannes, que nous avons publié dans nos colonnes samedi. Le palimpseste grec n’est pas choisi au hasard, il ramène à l’essentiel et à l’idée d’un récit-seuil qui lance durablement la manière de percevoir le monde, de conter les tribulations, la géométrie des rapports de forces, la couleur des paysages, la part de l’aventure et de l’attente.
De fait, le personnage principal d’Atlantique, Ada, est une fille de 17 ans que le destin frappe tôt en la confrontant à l’absence de l’homme qu’elle aime pour la livrer à vif aux affres de l’abandon. Elle est amoureuse d’un ouvrier, Souleiman, qui travaille aux finitions d’une tour, dont la silhouette profilée en voile high-tech se dresse en bord de mer, évoquant d’autres édifices qui, recevant l’écume du capitalisme occidental, mutent en emblèmes menaçant de l’hypermodernité - on pense brièvement au Diamond Island du Cambodgien Davy Chou, ou encore aux cités grises à perte de vue décrites en Chine par Jia Zhang-ke. Comme ses collègues, Souleiman proteste au début du film contre le non-versement de sa paye depuis plus de trois mois. On le voit rentrer au bercail à l’arrière d’un pick-up, les poches vides et la tête pleine de rage. Quand il flirte avec Ada et lui donne un rendez-vous galant au crépuscule, il ne lui révèle pourtant rien de son projet bien avancé de quitter le pays avec les autres garçons du quartier déshérité de Thiaroye, à Dakar. Le moment du départ, de l’arrachement au sol natal et à l’amour naissant devrait a priori être un climax dramatique, or, ici, dans l’axe que choisit la cinéaste, la scène cruciale est une ellipse. Ada comprend (trop tard) que son fiancé - qu’elle devait tenir au secret car sa famille l’a promise à un riche mariage avec un play-boy sénégalais installé en Italie - est parti sur un bateau dont elle apprend qu’il a probablement fait naufrage.
Le bar-dancing de plage où elle devait étreindre Souleiman contre son cœur devient dans la rumeur des vagues le théâtre d’une sinistre prise de conscience quand l’ensemble des filles, pareillement larguées, se retrouvent toutes, pantelantes sur les canapés en skaï, à faire le décompte précoce de ce dont on les prive dans un déchaînement de soustraction : pas d’argent, plus d’amour, guère d’espérance, le manque vous suffit et vous n’aurez rien d’autre.
Personne n’est dupe, il n’y a pas de «coup du sort» et c’est évidemment par ironie que l’enquête centrale du film porte précisément sur un incendie prétendument sans départ de feu, un cas de «combustion spontanée» comme le répètent les flics en se frottant le menton. Les injustices qui affectent les jeunes existences des protagonistes proviennent des effets conjugués - quoique disparates par leur ampleur et leur pouvoir de nuisance - de forces politiques, sociales, religieuses que la cinéaste met un soin méticuleux à décrire. Ainsi Ada doit-elle lutter pour ne pas être le jouet du réseau de pressantes sollicitudes qui l’entourent et qui, pour son bien et sa promotion, conspirent à un mariage richement doté dont chacun, du premier au deuxième cercle, parents ou amis, espère à sa manière tirer bénéfice. Une alliance dont tous, sauf elle, rêvent puisqu’elle contient la promesse d’une stabilité sinon hors d’accès puisque tout bouge et plutôt de travers.
Ce destin de marchepied ou de monnaie d’échange, dès lors que l’avidité et la corruption sont omniprésentes, Ada n’en veut pas et elle tient bon par le surgissement d’une rumeur qui parle du retour de Souleiman, de sa présence en ville, y compris le jour de ses noces. De même que l’amour de l’héroïne devient plus net au bain révélateur de la mort incertaine, le retour spectral du garçon disparu arrache à la ville la coupole de désordre et de bruit sous laquelle elle se cachait. Plus il fait nuit et plus tout est rendu limpide.
Mati Diop a tissé un film littéralement fantastique, le plus fou étant peut-être ceci : qu’à ces morts qui hantent depuis des années nos consciences, elle offre avec une évidence ahurissante de revenir tête haute, dotés du pouvoir qu’ils méritent et le transmettant à celles qu’ils ont laissées à quai.
Il est depuis toujours des esprits redresseurs de torts, des fantômes apparaissant en des temps contre-nature, lorsque le scandale est si grand qu’il n’est pas d’autre solution ; Atlantique s’inscrit dans leur sillage tout en restant ultra contemporain dans son minimalisme vengeur, agissant avec la fluidité des nappes de musiques synthétiques de Fatima Al Qadiri : inoubliables, ce trajet en camion au bord du rivage, ce pinceau de laser en boîte de nuit sur le visage d’Ada, ces plans sur le soleil s’abîmant dans un océan bientôt saisi comme une plaque de métal en fusion. Inoubliables, ces fragments de mégapole baignés de lumière laiteuse, ces rues disloquées des faubourgs avec chariots à bestiaux au milieu des embouteillages, ces clubs de luxe aseptisés avec piscine-bar à cocktails, ou encore ce quadrilatère de parpaings des chambres ouvertes à tous les vents…
Mais la grâce décantée de ce film longtemps mûri par la cinéaste, qui a porté ce projet pendant cinq ans, s’accomplit véritablement par la rencontre avec son actrice principale, la géniale Mama Sané, dont c’est le premier rôle au cinéma. On voit à quel point elle comprend et exhausse chaque sentiment, chaque résistance de son personnage. On la voit se cuirasser contre sa propre timidité et la peur lovée au fond des plans avec sa manière unique d’accélérer le pas, les yeux fixés sur son cap. Le film livre aussi la chronique de son émancipation, la disparition de l’être aimé l’encourageant à braver un à un les interdits de son éducation pour finir par s’appartenir - c’est l’autre mouvement du récit, ascendant, qui croise le chemin du deuil et lui permet des horizons solaires. Viennent alors à l’esprit les mots d’un autre voyageur, qui avait en son temps fui son pays par la grâce de flots Atlantique, et qui, arrivé à bon port, avait composé un long poème d’Exil où figure ce programme : «J’habiterai mon nom.»"
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE