Au nom du Pape Roi est très un beau film. Un film important (...) Comme certaines autres oeuvres (Les Conspirateurs en 1969) que Luigi Magni a consacré à sa période historique de prédilection — le Risorgimento – (...) Le cinéaste s’est librement inspiré du parcours de deux révolutionnaires issus du peuple, Gaetano Tognetti et Giuseppe Monti, qui commirent un attentat meurtrier contre une caserne militaire de Rome, le 22 octobre 1867. Ils furent jugés et guillotinés. Un document historique de référence a été utilisé : Les Secrets du procès Monti et Tognetti, de Gaetano Sanvittore (1869).
Dans le film, est introduit une troisième révolutionnaire qui leur ait lié, comme il l’est à un juge du Tribunal du Sacré Collège qui fait partie de ceux qui sont amenés à sanctionner des hérétiques, des subversifs. Tognetti appartient, lui, à l’aristocratie. Le juge-héros se nomme Colombo Di Priverno. Il est la conscience positive du film. Celui qui veut rompre avec l’Institution cléricale, se rendant compte du caractère inique, arbitraire, inhumain de son Pouvoir. Voyant aussi ce passage entre un monde qui s’écroule et devient fou : celui de l’avant Risorgimento, et celui que va permettre d’établir Garibaldi, et qui, bien qu’à très long terme, certes, mènera à l’établissement de la République.
Magni et son oeuvre se revendiquent comme anti-cléricaux et sont considérés comme tels. Le Tribunal, dans Au nom du Pape Roi, est montré comme un agrégat de vieillards, de religieux séniles – Colombo est le plus jeune. Par ailleurs, le protagoniste va être confronté au Supérieur Général des Jésuites qui incarne clairement la violence et la Mort – le Fascisme ?
Il est difficile de reprocher à Magni, comme certains l’on fait, cette position éthique et idéologique. Radicale, mais salutaire. Oui, son film est quelque peu caricatural, mais la caricature est une arme évidemment nécessaire et utile contre le nihilisme religieux, le Pouvoir ecclésiastique qui est par essence inhumain et destructeur (...)
Vivant et très drôle. Le film joue la carte de la comédie – italienne – avec bonheur, notamment en donnant de Colombo et de Serafino l’image d’un vieux ménage qui, constamment, balance entre le désir sympathique de la familiarité, normal, et le souci du respect de la hiérarchie sociale, prescrit par l’Ordre. C’est truculent.
La critique magnienne consiste aussi en cette volonté de montrer de façon gentiment subversive l’intimité d’un ecclésiastique de haut rang. On voit ainsi un Juge du Pape pris de quintes de toux très terrestres, portant un bonnet de nuit ou un pot de chambre. Bref, la supposée immuable dignité cardinalice est mise à mal avec un humour piquant. Certains acteurs sont excellents. Nino Manfredi, bien sûr, dans le rôle de Di Priverno. Mais aussi Salvo Randone, qui a beaucoup joué chez Elio Petri, et dont le visage de Pape Noir de la Compagnie de Jésus respire parfaitement l’hypocrisie et la perfidie. Oiseau de mauvais augure pour cette proie qu’est Colombo, homme de paix (...)
Pour ce qui est des costumes et des décors, nous voulons souligner le caractère extraordinaire, flamboyant, à la fois documenté et très personnel, du travail effectué par Lucia Mirisola. Que l’on pense à l’ample manteau de la Comtesse Flaminia, mêlant le bleu et le turquoise ; aux éclatantes soutanes rouge sang (christique) des cardinaux ; à l’entrée quasi surréaliste de l’antre – sorte de Musée des Horreurs – où sévissent les membres de l’Ordre jésuite ; à la présence étrange de cette statue du visage papal, à la fenêtre du domicile personnel de Colombo."
Enrique Seknadje