Joseph Morder : "Il y avait cet arbre mort qui me fascinait..."
VIDEO | 2012, 8' | Un homme et une femme se rencontrent sur un bateau et se cherchent ensuite dans Paris... C'est1
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Après la fin de la seconde guerre mondiale, dans un bateau parti de France pour l’Amérique du Sud, Laura rencontre Jaime. A leur arrivée, le destin les sépare.
Peu après la fin de la seconde guerre mondiale, dans un bateau reliant la France à l’Amérique du Sud, Laura rencontre Jaime. Arrivés à destination, les deux personnages se séparent par accident. Laura cherche son amant, Ricardo et Jaime se prépare à épouser Sofia, sa fiancée. Par un soir d’orage et de coup d’Etat, le destin entre dans la vie de Laura et de Jaime, grâce à un arbre mort...
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" Je crois que L'Arbre mort (1987) a été l'événement plus marquant de l'Hommage à Joseph Morder organisé par la Cinémathèque Française. Ce f
" Je crois que L'Arbre mort (1987) a été l'événement plus marquant de l'Hommage à Joseph Morder organisé par la Cinémathèque Française. Ce film est pourtant le plus atypique de son auteur : pour une fois, Morder n'y apparaît pratiquement pas, et il ne s'agit pas là d'une nouvelle page de son journal. Encore que, à la limite, on pourrait soutenir que c'est une reconstitution du journal d'autres, à plusieurs voix. Mais, il faut le préciser, le journal morderien, s'il a l'attrait d'une nouveauté relative, affronte un écueil inhérent à son principe, celui de la répétition, répétition interne et aussi d'un film à l'autre.
L'Arbre mort est donc, très probablement, le seul film de Morder à avoir une individualité indiscutable, et cela parce qu'il s'agit d'un mélo, genre moribond que Morder revivifie de la façon la plus surprenante qui soit, comme on va le voir.
L'Arbre mort possède bien la plupart des caractéristiques du genre : il se situe dans un milieu de convention, très aisé et suranné, celui de la haute société de l'Amérique latine vers 1950, laquelle prend fréquemment le bateau pour l'Europe ou depuis l'Europe.
On retrouve ici - genre fécond - les intrigues amoureuses et navales du roman Mon beau navire d'Anne Wiazemsky. Il y a un grand bal mondain, sur fond de coup d'Etat. Chacun des deux amants est en cours de rupture avec un mari ou une fiancée. Au débarquement, ils se perdent dans la foule. Le coup de foudre se concrétise au cimetière, sous l'orage, qui succède aux balles du putsch... L'héroïne court après son ami révolutionnaire, mystérieusement disparu. L'ensemble, avec partition musicale continue, peut évoquer les grands mélos de l'Amérique latine, ne serait-ce que par sa complète ignorance des masses populaires et par son regard très évasif sur les événements politiques.
Or, il y a au moins deux règles de base dans l'art du mélo : dramatiser le plus possible les actions importantes, et mettre en valeur chaque protagoniste.
Mais ici, rien de tout cela. C'est même le contraire. Les changements de partenaires se font en douceur, sans esclandre. Très distante, la révolution n'a rien de dramatique. Elle a même un côté comique, le communiqué officiel accusant le précédent régime de... sodomie. La mort de l'ami résistant ne s'apprend que par un plan de pierre tombale.
Et surtout, les protagonistes ont peu de présence. Il y a beaucoup de plans de natures mortes.
Morder nous montre, plus que les héros, les lieux par où ils passent. On aperçoit leurs pieds, leurs mains, des parties de visage coupées par le cadrage de façon assez saugrenue. Ou bien encore ils sont coincés entre deux énormes masses noires, ou ils n'occupent qu'un dixième du cadre, de préférence dans un coin, en bas.
Parfois, ils se détachent en contre-jour, silhouettes squelettiques irréelles créées par des jeux d'objectif. Et si on les voit en entier, et éclairés, ils demeurent inexpressifs, figés. Il est vrai que la gestion de la bande sonore ne les avantage pas : si on voit leurs lèvres bouger, on n'entend pas ce qu'ils disent. On écoute alors leur commentaire (ou celui d'un autre personnage), lequel est souvent en concurrence avec des conversations off banales et mixées à faible niveau.
Le principe du découpage est tout à fait contraire aux normes du mélo (voilà un art fondé sur l'obstacle, la forme contre le fond) : des défilés de plans très courts, sur des éléments peu dramatiques.
Ignorant l'art du raccord, ils se superposent, se redoublent, ou, au contraire, créent des suites de courtes ellipses. Le film a été tourné en Super 8, et son style imite celui du cinéma d'amateur, où la durée des plans est brimée par la faible autonomie du ressort. Je dis bien qu'il l'imite, car Morder, qui a tourné quelques plans assez longs (la chanson, la course sur la jetée) disposait d'un matériel moderne, qui ne le contraignait nullement à ce genre de performance. Les plans sont si brefs, et les héros si immobiles que, malgré l'usage constant d'une caméra, on dirait un roman-photo, lequel est d'ailleurs l'ultime refuge du mélo contemporain.
On a aussi l'impression de voir des documents rares du passé, réunis là en vrac parce qu'on n'a pas d'autres témoignages de l'époque.
Voilà qui donne au film un côté irrécusable, souvenirs familiaux pris sur le vif, un côté restitution, comme si c'étaient des images de Paris 1900 ou d'Auschwitz 1944. Effet de réalisme très surprenant dans un genre fondé sur la convention. Les ellipses se font au cours de recadrages, de plus en plus (ou de moins en moins) serrés sur un personnage presque immobile, sans raison logique : on a ainsi l'impression du temps qui passe sans que rien n'arrive.
On se demande tout le temps : à quoi mène ce maniérisme ? Et voici le plus étonnant : à la force même des éléments mélodramatiques, qui constituent, au travers de ce chaos, un solide point d'ancrage auquel s'accroche le spectateur, à la force des éléments sonores - l'Amérique du sud est recréée a Nice et Ajaccio presque uniquement par le bruitage - s'ajoute l'intéressante énigme de ce style en contradiction complète avec le genre.
C'est du Douglas Sirk corrigé par Michael Snow, du Borzage revu par Brakhage.
On suit cette construction stylistique originale avec une perplexité croissante qui finit par déboucher sur notre participation la plus entière. On se laisse avoir par le trip de Morder. J'ai vu le film à une heure du matin, créneau peu favorable pour un couche-tôt comme moi. et pour l'expérimentation en général. Et j'ai été étonné, non seulement de bien supporter le film sans somnolence aucune, mais d'être pleinement réveillé et revigoré par lui.
J'ai toujours détesté les effets gratuits. Mais, au cinéma, la gratuité consiste toujours à en rajouter sur le sens par un brio formel pléonastique, à enfoncer le clou (zooms, ralentis, flous, coups de musique, cadrages obliques, etc.). Ici, elle tendrait plutôt à retirer le clou — Morder réintroduit les stigmates du documentaire dans un genre fictif hyperconventionnel, l'expérimentation fauchée (parodie du film d'amateur, du montage de diapos) au lieu du professionnalisme qui a toujours marqué le mélo, genre très commercial ici voué a l'underground.
C'est un cinéma d'évocation, de suggestion, et non d'incarnation, où les motifs essentiels — l'amour, l'évolution des sentiments, le temps qui passe, l'ambiance tropicale — sont exprimés, plus que par le fait qu'on voie les personnages, par l'ailleurs.
Ici, comme dans Son nom de Venise, le son apporte une plénitude, l'image un manque. Témoin cette scène où le vent souffle sans que les feuilles ne bougent.
Etrange qu'une démarche aussi originale soit passée inaperçue..."
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