Navigateur non compatible. Veuillez utiliser un navigateur récent
En Italie, à la fin du XVIe siècle, un menuisier analphabète, accusé d'hérésie car il dénonce la richesse de l'Église, est enfermé dans un cachot et torturé.
En Italie, à la fin du XVIe siècle, aux yeux de la hiérarchie romaine, Menocchio est un meunier analphabète qui dénonce la richesse de l'Église. Elle dépêche cependant deux émissaires chargés de faire la lumière sur l'influence de cet homme au cœur de son petit village oublié dans le Frioul. Peu conforme à la religion officielle, le discours de Menocchio a contaminé toute la vallée et les montagnes alentours. Cette influence étonne les envoyés du pape. Ces derniers reprochent aux notables locaux d'avoir fermé les yeux et surtout les oreilles. Témoignages accordés, aveux concédés : tout accuse Menocchio qui est enfermé dans un cachot où il est torturé...
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
"L’histoire vraie de Menocchio, meunier du Frioul accusé d’hérésie à la fin du XVIe siècle en raison de ses idées humanistes, est le sujet d
"L’histoire vraie de Menocchio, meunier du Frioul accusé d’hérésie à la fin du XVIe siècle en raison de ses idées humanistes, est le sujet de l’ouvrage fondateur de l’historien Carlo Ginzburg, Le Fromage et les vers, paru en Italie en 1976. Influencé par ces recherches historiques (on devine que la teneur des interrogatoires et des scènes de procès provient en grande partie d’archives), Alberto Fasulo réalise un film aux partis pris formels affirmés. Jouant sur un clair-obscur très marqué, la photographie, dirigée par le cinéaste lui-même, embrasse délibérément des modèles picturaux : on pense à la violence du Caravage et à ses mutations mystiques, voire jansénistes, chez Georges de La Tour. Tout aussi éloquent est le choix du réalisateur de filmer ses personnages au plus près, utilisant presque exclusivement le plan rapproché ou le gros plan. Ces deux procédés contribuent à la grande immobilité des protagonistes qui contamine l’intrigue elle-même. Menocchio se tient le plus souvent recroquevillé au fond de sa cellule noire, tandis que les accusateurs comme les témoins restent toujours assis et que les quelques déplacements de la famille de l’accusé ou du meunier semblent frappés de lenteur. D’emblée la situation nous est dépeinte comme un tableau statique et l’enquête se déroule sans réel enjeux : aucune révélation ne viendra précipiter les événements. L’emploi systématique du gros plan a pour autre conséquence de priver les personnages – et Menocchio en premier lieu – de la parole. En scrutant sa peau, son visage, la caméra enferme le meunier dans une seconde prison et lui refuse la profondeur de champ nécessaire à l’expression libre de ses idéaux. On comprend bien sûr les intentions du cinéaste qui souhaite redoubler, par les moyens cinématographiques, l’iniquité de la justice ecclésiastique, la déshumanisation progressive de l’accusé et la claustrophobie de l’enfermement. Pourtant, on trouve aussi dans son geste une certaine contradiction : le film, qui souhaite faire de Menocchio un modèle de résistance, semble souvent l’écraser sous sa lourdeur formelle.
L’omniprésence de l’iconographie religieuse au sein d’une intrigue qui dénonce le dogmatisme (au sens propre) est un autre paradoxe du film, tant Menocchio apparaît comme une figure sacrificielle. Alors qu’il est de retour dans sa cellule après avoir été torturé, la caméra insiste sur ses stigmates, puis, par un jeu de montage alterné, assimile son corps à celui d’une vache que l’on dépèce. Un raccord va jusqu’à comparer le visage du malheureux au crâne sanglant de l’animal. Tout au long du film, les références hagiographiques dominent, Menocchio, vieux, isolé, décharné rappelant immanquablement les représentations de saint Jérôme pénitent. Son éducation (la question de sa culture livresque revient plusieurs fois dans le film alors qu’il est constamment présent par ses accusateurs comme analphabète) et sa cellule souterraine, qui évoque la grotte dans laquelle le saint est souvent représenté, viennent parfaire l’emprunt iconographique. Dans une séquence hallucinatoire, le meunier est la proie de créatures masquées qui l’assaillent. Si certaines traditions païennes du carnaval italien semblent alors à l’œuvre, on pense surtout aux tentations de saint Antoine lorsque le vieil homme barbu est acculé par ces figures démoniaques. Cette double identification n’est pas sans précédent dans l’histoire de l’art : on pourrait dresser un parallèle avec une fameuse fresque de Ghirlandaio où les deux saints, Jérôme et Antoine, se trouvent représentés face à face, aux côtés de Barbe, sainte martyre. Les deux vieillards, aux visages identiques dans lesquels on retrouve les traits de Menocchio lui-même, ne se différencient que par leurs attributs et semblent ainsi représenter deux états d’une même sainteté ascétique, tout comme le meunier incarne à la fois l’ermite érudit et l’anachorète soumis aux tentations du Diable. Alberto Fasulo actualise de cette façon une problématique iconographique au cœur des représentations religieuses de la Renaissance italienne.
La séquence tournée dans le château de Buonconsiglio à Trente apparaît comme la plus intéressante et contredit certaines des réserves que nous avons formulées. Menocchio y fait face au tribunal ecclésiastique réunissant les prélats missionnés par le pape. La scène se déroule dans une salle dont les murs sont ornés de fresques de la Renaissance représentants de hauts personnages en grandeur nature. Tout dans la mise en scène s’attache alors à assimiler les dignitaires de l’église aux figures peintes qui les environnent, si bien qu’assis dos au mur, sur des gradins en escalier et immobiles dans leurs grands vêtements de cérémonie, ils participent pleinement du pouvoir maléfique accordé à la peinture dans l’ouverture de la séquence avec ce raccord entre le visage fermé d’un roi peint a fresco et celui de Menocchio se dirigeant vers son martyre. Le meunier, seul debout et en mouvement, recouvre la parole pour la première fois dans une plaidoirie vibrante face à la fresque vivante qui le condamne."
"Parmi toutes ses vertus, le film de l’Italien Alberto Fasulo sur la figure d’un hérétique du XVIe siècle redonne au cinéma sa force pictura
"Parmi toutes ses vertus, le film de l’Italien Alberto Fasulo sur la figure d’un hérétique du XVIe siècle redonne au cinéma sa force picturale primitive. Tel le Dreyer de La Passion de Jeanne d’Arc faisant des visages un monde en soi, Menocchio tente de sonder les mystères de la foi – donc de l’âme – en regardant l’homme au fond des yeux. Nous voici face à un meunier lettré du Frioul, qui affirme que l’enrichissement de l’Église est un détournement de la parole de Dieu. Et puisque le Seigneur est présent en toutes choses, mieux vaut échanger avec un arbre qu’un prélat corrompu. D’aucuns ont été brûlés pour moins que ça. Que faire, se renier ou mourir pour ses idées ? La question est universelle. Tourné avec des acteurs non professionnels, ce film tire toute sa force d’une sagesse exemplaire. C’est ce qu’on appelle faire corps avec son sujet."
Thomas BaurezNos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE