
Lumière 2014 — Thelma Schoonmaker : le montage peut complètement détruire ou sublimer un film
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Martin Scorsese réalise son rêve de toujours : filmer les Rolling Stones, le groupe qui incarne le rock'n'roll à lui tout seul.
Martin Scorsese réalise son rêve de toujours : filmer les Rolling Stones, l’essence même du rock’n’roll. Cette rencontre cinématographique donne naissance à un film événement : de la préparation à la performance, entrecoupé d'images backstage et d'archives, 16 caméras et les plus grands chefs opérateurs internationaux captent l'énergie légendaire de ce groupe mythique lors de ses concerts au Beacon Theatre à New York.
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Longtemps, Martin Scorsese a aimé les Rolling Stones à distance, pillant avec allégresse leur répertoire pour nourrir les bandes-son de ses
Longtemps, Martin Scorsese a aimé les Rolling Stones à distance, pillant avec allégresse leur répertoire pour nourrir les bandes-son de ses films. En 1973, on entendait Jumpin'Jack Flash dans Mean Streets, en 2005 c'était Gimme Shelter et Let It Loose dans Les Infiltrés.
Le cinéaste et le groupe se sont enfin rencontrés, à charge pour Marty de filmer Mick, Keith, Charlie et Ron en concert. Bien sûr, c'est trop tard. La grâce ne touchera pas les sexagénaires d'aujourd'hui comme elle les a baignés au temps de Sticky Fingers ou de Taxi Driver. Scorsese et les Stones le savent et ont pris le parti de célébrer le passé sans cacher les outrages des décennies. Shine a Light est fait de musique, parfois remarquable, et de ce regard lucide sur le temps qui passe, qui en fait un peu plus qu'un bon film de concert.
Scorsese a réussi à persuader le groupe d'abandonner les stades pour le Beacon Theater de New York, une salle minuscule (2 000 places) pour un groupe habitué àjouer pour des gens qui se tiennent à des hectomètres de la scène. C'est au nom de la salle (Beacon veut dire fanal en français) que le film doit son titre. Shine a Light fait allusion au fanal, c'est aussi une chanson de l'album Exile on Main Street que l'on entendra brièvement.
Dans le théâtre, l'une des plus belles salles de Manhattan, Scorsese a disposé dix-huit caméras, fait réaliser un décor et filmé deux concerts, à l'automne 2006. Au soir du premier show, les producteurs ont réalisé que le public des Rolling Stones n'était guère présentable et a recruté par voie d'annonce des jeunes filles plus décoratives pour garnir les premiers rangs (l'épisode a été relaté par le New Yorker, dans un article toujours disponible sur le site du magazine).
On reconnaît dans ce dispositif élaboré celui que Scorsese inventa il y a plus de trente ans, à l'occasion du tournage de The Last Waltz, filmé lors du concert d'adieu du Band en 1976. Mais les Stones de 2008, qui survivent, à force de spectacles, à l'épuisement de leur inventivité musicale, n'ont rien à voir avec les enfants du rock américain d'antant, qui disaient adieu à leur jeunesse.
Ici, tout est illusion. Le film commence d'ailleurs par une petite fiction comique, qui met en scène l'affrontement entre les deux divas. Jagger s'agace des exigences de Scorsese, qui veut mettre des caméras partout et imposer un décor encombrant. Le réalisateur frise l'apoplexie en attendant que les Stones lui communiquent enfin la liste des chansons du concert.
Mais quand celui-ci commence, on n'entre pas pour autant dans le monde réel. Mick Jagger, 63 ans à l'époque des faits, se maintient en perpétuel mouvement, grimaçant sans fin, de façon que l'image de son corps adolescent ne soit pas démentie par un avachissement, fût-ce l'espace d'une seconde, que ses rides se cachent toujours derrière l'outrance des mimiques.
Musicalement aussi, les Stones d'origine (Jagger, Richards, Ron Wood, qui ne fait partie du groupe que depuis 1974, et Charlie Watts) sont encadrés par une équipe solide, emmenée par le pianiste Chuck Leavell.
D'ailleurs, le mix très réaliste du film donne à entendre les approximations du groupe, à commencer par le premier d'entre eux, Keith Richards, qui par moments cesse presque de jouer pour ne plus asséner que quelques accords disjoints. Mais ces faiblesses ne suffisent pas pour tuer le rock'n'roll : le groupe s'envole à des moments inattendus comme pendant cette version de She Was Hot, titre jusqu'à ce jour considéré avec une condescendance justifiée.
Et pour faire oublier de temps en temps les visages ravagés des quatre Stones, on fait monter sur scène des invités, le jeune Jack White, le marmoréen Buddy Guy (pour une reprise magnifique d'un titre obscur de Muddy Waters, Champagne and Reefer) et la sémillante Cristina Aguilera. Pendant qu'elle contribue à un duo sur Live With Me, Mick Jagger se frotte contre elle avec le même enthousiasme qu'il mettait à se frotter contre la jeune Tina Turner, il y a quarante ans.
Impossible tout au long de Shine a Light de ne pas penser à ce qui a été. Et Scorsese le prend habilement en compte en disposant des séquences d'archives à intervalles réguliers. On y voit Jagger expliquer, à tous les âges de la vie, que le temps n'a pas de prise sur lui, qu'il ne voit aucune raison de raccrocher les délicieux petits blousons très courts dont il se vêt depuis 1969.
En face, Keith Richards arbore les traces du temps avec l'arrogance du Grand Canyon du Colorado. Pour lui, les caméras s'arrêtent de bouger, le monteur (David Tedeschi) laisse un plan filer plus de quelques secondes. Et si Shine a Light offre un moment émouvant, c'est celui qui montre le guitariste désarmé, les bras ballants devant un micro, chantant You've Go the Silver.
En ouverture, quelques fausses pistes. Scorsese est à l’écran et montre à Mick Jagger la maquette prévue pour le concert : l’attitude du m
En ouverture, quelques fausses pistes. Scorsese est à l’écran et montre à Mick Jagger la maquette prévue pour le concert : l’attitude du musicien est aussi détachée que celle du cinéaste est concentrée. Plus tard, ce dernier se meurt d’inquiétude devant les cruciales contradictions qu’il doit résoudre (« Ce spot va cramer Jagger ; on ne peut pas cramer Jagger ; mais il nous faut ce spot ») et parce qu’il n’a pas encore l’ordre des chansons prévues, ne peut préparer ses caméras. Pendant ce temps, Jagger répète le plus sereinement du monde dans sa chambre d’hôtel. Même décalage lorsque Bill Clinton accompagne solennellement sa belle mère embrasser les stars, ni vraiment concernées ni flattées. On sourit / rit alors et on continuera par la suite. Mais cinéaste et préparatifs s’effacent bien vite pour laisser place à la seule performance.
Scorsese sait que des Stones, on a tout vu et entendu, y compris dans des documentaires pour grand écran (One + One/Sympathy for the Devil de Godard, Gimme Shelter, David et Albert Maysles, Cocksucker Blues, Robert Frank, At the Max, Julien Temple...). Il abandonne donc son projet d’inventer une structure narrative au concert, qui retracerait la saga du groupe des années 1960 à 1990. Pour mieux se concentrer sur le seul spectacle, il renonce aussi à filmer les préparations et à interviewer les Stones. Et ne lésine sur aucun moyen : son anxiété dans les premières scènes annonce le monumental de ce qui va s’ensuivre. Seize caméras, sur scène et dans la salle, une équipe de cameramen hors pair, supervisés par Robert Richardson (oscarisé pour Aviator), une grue... : il s’agit d’être à la hauteur de ce que les musiciens vont donner.
Tandis que The Last Waltz, autre concert filmé par Scorsese en 1978, était un adieu nostalgique au groupe The Band, dans Shine a Light c’est la présence des Stones qui est captée, leur énergie subsistante après quarante ans de carrière, l’interaction entre eux et avec le public. Lorsqu’on demande à Keith Richards à quoi il pense lorsqu’il est sur scène, il répond qu’il ne pense à rien, qu’il ressent. Et c’est bien uniquement la sensation qui nous est donnée ici, grâce à l’extrême présence de tous. Présence des musiciens évidemment. Des tubes mythiques à quelques morceaux inédits, le vieux Jagger se trémousse comme s’il avait vingt ans, en symbiose avec Keith Richards étreignant sa guitare, avec le drôle d’impassible Charlie Watts. Symbiose aussi avec leurs invités Christina Aguilera, Buddy Guy, Jack White... La fascination est réciproque, l’énergie et la joie d’être là communicatives. Le public y répond bien sûr mais son enthousiasme est saisi sans aucun voyeurisme. La salle du Beacon Theatre est petite et permet d’éviter que l’hystérie ne parasite la présence des musiciens. Scorsese, aussi passionné par son projet que respectueux envers ceux qui y participent, a également pris soin de ne pas gêner les fans avec ses nombreuses caméras. Pour rester dans l’ombre, le cinéaste est bien présent. Son effacement de l’écran rend plus sensible encore le regard qu’il porte sur les artistes, sa fascination exigeant que toute la place leur soit laissée. Ses caméras aux aguets et le recours à toutes les échelles de plans ne font rien perdre de l’événement : regard entendu entre deux musiciens, clin d’œil à la caméra du batteur, gros plan sur les mains du guitariste, envol à travers la salle pour capter l’impression d’ensemble, l’interaction avec le public... Si ce dernier bénéficie d’un live dont nous sommes privés, nous est offerte l’ubiquité par laquelle le cinéma compense la limite qui lui est constitutive. Plus que dans la salle, nous sommes sur scène.
« Comment expliquez-vous votre succès ? − Je ne sais pas » répond Charlie Watts dans l’une des rares archives qui ponctuent le concert. La question intéresse aussi peu les Stones que Scorsese, et ce qu’il a retenu de ces archives légitime son parti pris de ne s’en tenir qu’à la performance. Ces interviews ne visent pas à éclairer qui sont les Stones (comme dans No Direction Home : Bob Dylan où divers témoignages évoquaient le parcours et l’aura du musicien) mais à ironiser une telle tentative. Les réponses closes du groupe, toujours drôles, mettent en évidence qu’il vaut mieux les écouter, regarder et ressentir qu’élucider ce qu’est leur mythe. Scorsese en a pris acte et nous débarrasse de tout ce qui ne serait pas pur spectacle. L’énergie que les musiciens déploient sous nos yeux en 2006 est également rendue plus fascinante par le rappel des questions qu’on leur posait jadis sur leur longévité présumée. Peu importe donc pourquoi le groupe subsiste, ne compte que la façon dont il est bien là aujourd’hui.
Ils sont encore là, eux ? Plus de quarante années de riffs qui tuent, de langues tirées, de shoots d’héro, de blues et de rythm’n’blues blan
Ils sont encore là, eux ? Plus de quarante années de riffs qui tuent, de langues tirées, de shoots d’héro, de blues et de rythm’n’blues blanc, de duel de grattes épaule contre épaule, de rails de coke, d’ondulation de fesses, de bacchanales sexuelles, de parade de tube finale, de « ladies & gentlemen The Rolliiiiing Stones !!! ». Dans un domaine où il ne fait pas bon faire de vieux os, les Stones sont les Oliveira du rock, les brontosaures du spectacle binaire. Ça fait aussi un bon moment que Martin Scorses carbure aux Stones, de Mean Street aux Infiltrés en passant par Casino, et après le Band et Dylan, il y a une certaine logique à ce qu’il épingle enfin au mur de sa filmo, tel le fan qu’il est, son groupe favori. Marty ne renouvelle pas le coup fumant de No Direction Home, son assez bluffant Dylan docu, pas plus qu’il n’atteint le coup de génie du Gimme Shelter des frères Maysles quand, filmant la tournée Stones US 69, ils avaient eu le fol instinct de saisir l’histoire en direct et le terminus du grand rêve sixties.
Shine a Light est plutôt dans la lignée de The Last Waltz, ou du tout récent Berlin : c’est un simple concert filmé, mais dans une configuration inhabituelle pour le grand Stones circus, puisque le mythe est capté en action en décembre 2006 dans une salle aux dimensions humaines, le Beacon Theater de New York (équivalent de l’Olympia ou de La Cigale). Il est intéressant de comparer The Last Waltz et Shine a Light pour voir ce qui a changé en trente ans dans le cinéma de Scorsese, et plus généralement dans le cinéma américain. Marty filmait les adieux du Band calmement, avec trois ou quatre caméras, en longs plans fixes. Il filme les Stones avec seize caméras, une grue, des travellings ou panos quasi permanents, ne tient plus en place. Scorsese a épousé l’évolution de son temps, il est passé de l’ORTF à Canal (mais pas encore à Dailymotion), du ciné américain des seventies à MTV, du joint à un cocktail coke-poppers-bourbon. On pourrait d’ailleurs s’amuser à trouver des équivalences entre la placidité du Scorsese 78 et le country-rock classique du Band, alors que le style hyperphysique et surexcité plus habituel de Scorsese s’accorde bien à la geste stonienne chargée de sexe et d’électricité.
Et les Stones ? Eh bien j’ai aimé ce concert filmé, moi qui ai peu de goût pour le genre, qui n’ai pas aimé un album des Stones depuis Black & Blue (1975 !), qui me suis vaguement ennuyé à leurs tournées 82 et 88 (après, j’ai arrêté, détestant ces concerts géants dans des stades à ciel ouvert). Bien sûr, les reproches habituels : ils massacrent leurs classiques (les meilleures versions de Jumping Jack Flash, Brown Sugar, ou Satisfaction sont encore et toujours les originales), ils persistent à considérer leurs poussifs albums (Some Girls) ou leurs mauvaises chansons (Shattered, She Was Hot…) comme des incontournables de leur répertoire… Par contre, ils piochent beaucoup et bien dans Exile on Main St., et ils s’offrent des duos convaincants avec Jack White, Christina Aguilera ou Buddy Guy (un blues infernal, selon moi le sommet du concert et du film).
Mais ce qui est bluffant, émouvant, et parfois enthousiasmant, c’est leur énergie, leur modestie, leur générosité de show-men, leur plaisir communicatif (enfin, cette remarque est valable pour Mick, Keith et Ronnie, pas pour Charlie qui semble parfois un peu tirer la langue – de fatigue). Keith et Ron riffent comme des gamins, Mick, plus sérieux et pro, déploie une activité hallucinante pour son âge, et toujours avec grâce et souplesse. Malgré ses grues, l’équipe de Scorsese saisit le groupe sur le vif, opère les plans de coupe individuels dans le bon timing, donne au groupe le maximum de sa présence sans l’écraser sous une démonstration visuelle hors sujet. Et le son est bon, électrique, plein, juteux, ce qui n’a pas toujours été le cas en live.
Nulle révolution rock ou cinérock ici, mais un concert des Stones solide et bien rendu – braves vieilles bêtes du binaire qui s’ébrouent encore avec panache. Pour ceux qui les écoutent depuis longtemps, c’est comme retrouver de vieux potes, assez en forme pour le coup. Alors, qu’est-ce que tu d’viens ? Ben tu vois, j’peux t’faire Sympathy for the Devil ou Live with me (presque) aussi bien qu’au bon vieux temps ! Et même Loving Cup si t’insistes… Dans un des vieux extraits télé qui entrelardent brièvement le concert, on demande au jeune Jagger s’il se voit faire “ça” à 60 ans. Et l’autre, sans hésiter : “Mais absolument !”
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