" The Kids are Alright (avec un seul «l») est d’abord identifiée comme étant une des plus emblématiques chansons du groupe anglais The Who, fleuron mod’s du Swinging London. Dans celle-ci, écrite en 1965, un type fanfaronne de voir sa petite amie s’éclater au milieu de plusieurs individus : «Ça m’est égal que d’autres gars dansent avec ma nana / Ça baigne, je les connais tous plutôt bien…»
Titré de façon similaire - bien que n’ayant aucun rapport avec l’univers musical -, le film de Lisa Cholodenko semble fondé sur un propos tout aussi confiant et rassurant, alors qu’au contraire, il part dans une direction opposée. Nic et Jules forment avec Joni et Laser une sorte de famille idéale, bourgeoise et stable, qui ne correspond toutefois pas parfaitement à la norme. Le couple, dont les deux prénoms ont une consonnance masculine, est en réalité constitué de deux femmes qui, chacune, ont eu un enfant (Joni, la fille, en référence à l’icône folk Joni Mitchell, et Laser, le garçon) avec le même donneur de sperme, préservé par l’anonymat. Jusqu’au jour où, gentiment tarabustés par l’adolescence, les rejetons entreprennent des démarches pour identifier celui à qui ils doivent la vie. Plutôt que se débiner, le géniteur prend la sollicitation à la cool et décide même assez vite d’assumer un rôle moitié papa, moitié pote, auprès des enfants. Ce faisant, il pénètre également dans la vie des mamans et provoque un chambardement qui va sérieusement ébranler l’équilibre des forces domestiques.
Ainsi plantée, l’intrigue pourrait s’enfoncer dans les eaux troubles de la farce lourdingue, ou s’enliser dans les sables du psychodrame sociologisant. Au lieu de quoi, Lisa Cholodenko (qui a déjà à son palmarès deux longs métrages dont on ne sait que couic : High Art et Cavedweller) opte pour une trajectoire intermédiaire, qui sillonne mid tempo les fissures d’une relation sentimentale soudain menacée.
D’abord légère (la scène du couple féminin en train de se stimuler sexuellement devant un porno gay ne manque pas de pittoresque), la chronique devient plus ambiguë, à mesure que chacun(e) perd ses repères.
Bénéficiant d’une interprétation sans impair (où, entre Annette Bening et Julianne Moore, Mark Ruffalo parvient à exister), Tout va bien, The Kids are All Right taquine aussi, par-delà le cas particulier, les apparences d’une Amérique blanche, démocrate, bio et aisée qui, symbolisée par une «parfaite famille lesbienne» décomplexée, n’aspire fondamentalement à rien d’autre que traverser dans les clous."
Gilles Renault