Né le 19 septembre 1930, à Rome, et disparu le 4 novembre 2002, à Viterbo, il fut un des pourvoyeurs les plus constants des salles parisiennes spécialisées dans ce qu'on appelait déjà "cinéma bis", ces salles réservées, entre Grands Boulevards et arrondissements périphériques, à une clientèle peu exigeante quant au niveau des spectacles présentés.
Les quelques spectateurs qui se souciaient alors du nom des réalisateurs ignoraient d'ailleurs tout d'Antonio Margheriti, mais connaissaient très bien Anthony M. Dawson - c'est de ce pseudonyme qu'il signa la plupart de ses œuvres – auteur recherché par les amateurs de La Vierge de Nuremberg (1963) ou de La Danse macabre (1964).
Auteur est sans doute un mot trop fort pour Margheriti-Dawson. Jamais il ne se soucia de faire une œuvre, exécutant à la louche (six films pour la seule année 1964) les besognes qu'on lui confiait.
Mais dans la catégorie, très fréquentée à l'époque, des tâcherons italiens tournant sans discontinuer des scénarios d'horreur ou de science-fiction fauchés, en attendant le raz-de-marée du western spaghetti, Dawson occupait bien sa place et savait mettre en valeur ce qui importait : si Barbara Steele ne fut jamais aussi éblouissante que dans Le Masque du démon de Mario Bava (1960), ses deux films avec Margheriti, La Danse macabre et La Sorcière sanglante (1964, au beau titre original : I lunghe capelli della morte), comptent parmi ses meilleurs dans le genre (avec Les Amants d'outre-tombe de Mario Caiano, 1965).
La filmographie de Margheriti illustre très exactement les différentes modes du cinéma bis, des films d'anticipation de ses débuts, imités des productions Z américaines, Le Vainqueur de l'espace (1960) ou La Planète des hommes perdus (1961) aux film d'anticipation de la fin, toujours imités des Américains, Alien – La Créature des abysses (1989) ou Cyberflic (1997). Entre les deux, les films d'horreur déjà cités, des péplums lorsque c'était encore la saison (La Terreur des Kirghiz, 1964 ; Les Géants de Rome, 1964), de l'espionnage quand James Bond dominait le marché (A077 défie les tueurs, 1966), du western péninsulaire (Avec Django, la mort est là, 1968 ; Et le vent apporta la violence, 1970, pas du tout négligeable), de l'érotisme soft à la remorque de Pasolini (Décameron 3, 1972 ; Les Mille et Une Nuits érotiques, 1972), du film de mafia à la remorque de Coppola (L'Ombre d'un tueur, 1976 ; Le Renard de Brooklyn, 1978), de l'action galactique lorsque les jeux vidéo lancèrent le genre (Yor, le chasseur du futur, 1983 ; Ultime combat, 1983), etc., etc.
En bref, sa filmographie est un catalogue commode des différents genres du cinéma populaire, des années 60 à la fin du siècle. Margheriti a joué le jeu, offrant au public du samedi soir, pas trop regardant sur les moyens et les effets, ce que les producteurs lui demandaient de tourner.
Il a fait son travail consciencieusement, sans génie, mais avec souvent suffisamment d'invention pour que l'on se souvienne avec sympathie de certains de ses titres, essentiellement ceux des films d'horreur initiaux. Il conviendrait de revoir quelques-unes de ses productions "apocalyptiques" de l'année 80, Demain l'apocalypse ou Héros d'apocalypse, pour vérifier si elles ont tenu la distance.
Mais si Tarantino lui a rendu hommage dans Inglorious Basterds, en baptisant Antonio Margheriti un des soudards de Brad Pitt, c'est bien qu'il ne s'agissait pas de n'importe qui.
Lucien Logette