Né en 1954 à Banfora (Burkina Faso), Idrissa Ouedraogo a étudié le cinéma dans son pays avant d’achever sa formation à l’Idhec et à la Sorbonne. Au début des années 80, il tourne au Burkina Faso plusieurs courts métrages qu’il décrit lui-même comme des documentaires fictionnalisés. Avec Yam Daabo (1986), son premier long-métrage, il pose sa caméra au cœur du pays Mossi, la région rurale où il a grandit.
Plaines ocres et désertiques, où seuls quelques arbres nus dessinent des verticales, villages nichés derrière leurs enceintes de terre rouge : longtemps aimanté à ces paysages, Idrissa Ouedraogo est apparu, au début de sa carrière, comme le conteur inspiré de ce bout du monde, insufflant un renouveau au cinéma africain.
Yaaba (1989), récit recueilli, tendre et contemplatif reçoit le Prix de la critique au festival de Cannes et le Prix du public au Fespaco, le plus important festival de cinéma du continent africain. Tilaï (1990), poignante histoire où un homme dispute à son père la femme qu’il aime, est récompensé du Grand Prix du jury à Cannes.
En 1990, Idrissa Ouédraogo crée sa propre maison de production, Les Films de la Plaine, grâce à laquelle il tourne et produit Samba Traoré (1992). Pour la première fois, le réalisateur campe un univers urbain, violent et chaotique qui s’oppose au village où le héros, un braqueur tourmenté par sa culpabilité, tente un nouveau départ. A la fin des années 90, Idrissa Ouedraogo, qui rêve d’un cinéma africain ouvert sur le reste du monde, opère un décentrement géographique et linguistique.
Fable sur le déracinement, Le Cri du cœur (1994), avec Richard Bohringer, est tourné à Lyon, les acteurs africains y parlent un français sans accent. Ambitieuse production panafricaine, Kini et Adams (1997), réalisée au Zimbabwe, réunit des acteurs sud-africains anglophones. Les scénarii s’engouffrent dans une veine plus psychologique, et n’évitent pas toujours les bons sentiments. Lorsque le réalisateur revient sur ses terres, avec La Colère des dieux (2003), c’est pour peindre une Afrique abstraite, décor d’une réflexion atemporelle sur le despotisme.
« L ‘Afrique, c’est le vrai continent qui peut faire pièce à l’Amérique, qui a plein d’histoires tout à fait autrement » disait Jean-Luc Godard. Il semble qu’Idrissa Ouedraogo, par volonté d’ouverture aussi bien que par nécessité économique, ait quelque peu perdu de vue, ces dernières années, cette possibilité de raconter « des histoires tout à fait autrement ».
Véronique Cohen